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Jean Racine – Port Royal

Biographie de Jean Racine.

 

 

Jean_Racine« On ne peut vaincre sa destinée ».

 

Racine naît en 1639. Orphelin à trois ans, issu d’une famille de petits bourgeois proches des milieux jansénistes, Racine est admis aux Petites Ecoles de Port Royal grâce à la protection de sa grand mère. Il y est élève jusqu’en 1653. Le jansénisme est condamné cette même année. Il poursuit sa scolarité au collège de Beauvais, à Paris, avant de revenir à Port Royal en 1655, à l’Ecole des Granges. En 1658, il suit les cours de logique du collège d’Harcourt, à Paris. L’enseignement qu’il reçoit est fondé sur l’étude de la Bible, de la rhétorique et des auteurs grecs et latins qu’il lit à livre ouvert. Cette solide culture antique lui fournira de nombreuses sources d’inspiration et de réflexion pour son théâtre.

Racine est ambitieux et compte faire carrière dans le monde. Depuis la prise du pouvoir par Louis XIV à la mort de Mazarin, en 1661, la « jeune cour » qui entoure le monarque mène une vie de plaisirs et de raffinement. Il prend ses distances avec ses maîtres de Port Royal, peu favorables à ses projets, et assez mal vus à l’époque. Cet éloignement ne constitue cependant pas une rupture. Après quelques poèmes et une première tragédie, « La Thébaïde », jouée par Molière sans beaucoup de succès, il emporte une première victoire en 1665 avec « Alexandre », pièce à la gloire de Louis XIV. A cette occasion, il se brouille avec Molière en confiant l’exécution de sa pièce à une autre troupe : depuis « Tartuffe », interdit en 1664, ce dernier n’est plus indiqué pour servir les vues du jeune auteur en quête de gloire. L’année suivante voit sa rupture avec Port Royal : Racine répond violemment aux jansénistes en affectant de prendre pour lui l’accusation d’être un « empoisonneur public ». C’est également pour lui l’occasion de défendre le théâtre, qui fait partie selon lui des choses qui sans être saintes sont innocentes.

Durant cette période, il se lie d’amitié avec La Fontaine (1659) et Boileau (1663).

Son premier véritable triomphe est « Andromaque », qui fait pleurer avec délectation mondains et courtisans en 1667. Au faîte de sa gloire, il entreprend même de rivaliser avec Molière avec sa comédie « Les Plaideurs » en 1668. Alors que Corneille commence à passer de mode, il s’impose sur son terrain avec deux pièces dont le sujet est emprunté à l’histoire romaine, « Britannicus » en 1669 et « Bérénice » en 1670, qui l’emporte dans le coeur du public sur la pièce rivale, « Tite et Bérénice ». Suivent « Bajazet », orientale et sanglante, en 1672, les rebondissements de « Mithridate » en 1673, « Iphigénie en Aulide » en 1674. Les préfaces de ces pièces montrent à quel point Racine est soucieux d’explorer les virtualités du genre et de justifier ses choix esthétiques.

L’année de la mort de Molière, en 1673, l’Académie Française lui ouvre ses portes. Il est anobli en 1674 et se voit attribuer la charge lucrative de trésorier de France. Succès, carrière, amour (la Champmeslé, tragédienne adulée, est sa maîtresse), tout lui sourit.

Quelques résistances commencent à apparaître à ce succès vertigineux. D’abord le genre lyrique, de plus en plus en faveur avec notamment les opéras de Lully, constitue un nouveau rival quand Racine semblait avoir triomphé de tous les précédents.

1677, la représentation de « Phèdre » est l’occasion d’affrontements plus aigus qu’à l’accoutumée avec le parti cornélien. Duels de sonnets, injures, menaces de bastonnade, l’affaire est suffisamment sérieuse pour nécessiter l’intervention de Monsieur, frère du roi.

Il restait au roi de la tragédie une marche à gravir pour parvenir au sommet : c’est chose faite quand il devient en 1677 historiographe du roi avec Boileau.

Racine prend alors ses distances avec le théâtre et par la même occasion, se rapproche de Port Royal. Dans le même temps grandit la dévotion du roi qui épouse en 1684 Mme de Maintenon : l’édit de Nantes est révoqué l’année suivante.

Ses deux dernières tragédies, « Esther » en 1689 et « Athalie » en 1691, d’inspiration bibliques, sont commandées par la nouvelle femme du roi pour les demoiselles de Saint-Cyr.

Racine s’éteint en 1699, toujours en grâce. Il est enterré à Port Royal. Ses cendres, ainsi que celles de Pascal, ont été transférées en 1711 à l’église Saint-Etienne-du-Mont, à Paris.

L’éducation de Racine le lie pour toujours au jansénisme, même s’il a pris au cours de sa carrière des distances avec Port-Royal. Jansénius (1585-1638) est le fondateur de cette doctrine austère et pessimiste : damné depuis le péché originel, l’homme est irrémédiablement séparé de Dieu, et son destin est fixé par lui. Pourtant, la bonté divine permet de sauver certains hommes, sans qu’ils puissent jamais en avoir la certitude, si exemplaire soit leur vie : c’est la grâce efficace. On peut retrouver ce pessimisme dans le destin des personnages de Racine, et leur sentiment d’abandon face à un Dieu qui ne dévoile pas ses desseins.

 

 

Port Royal sa demeure.

 

 

exterieur_granges_1_courRacine et Port-Royal, c’est d’abord une histoire de famille, et ce même avant sa naissance à la Ferté-Milon en décembre 1639 : une grand-tante maternelle, veuve, s’était retirée à l’abbaye en 1625, une autre, du côté de la branche paternelle, la suivit. En 1642, Agnès Desmoulins, tante de Racine, avec qui il nouera des liens d’affection très forts, étant orphelin (mort de sa mère en 1641 puis de son père en 1643), entre comme religieuse à Port-Royal des Champs sous le nom de mère Agnès de Sainte-Thècle. Sept ans plus tard, sa mère, Marie Desmoulins, marraine, grand-mère et tutrice de Jean Racine, devenue veuve, l’y rejoint, emmenant avec elle son petit-fils. L’enfant est accueilli chaleureusement, intègre les écoles des Solitaires où il est pensionnaire, sans y payer de pension, par respect pour sa situation sociale et en reconnaissance des services rendus par sa famille tant aux religieuses qu’aux Messieurs de Port-Royal.

À l’école, située dans la maison même de ceux-ci (le logis des Solitaires), il retrouve ses cousins et se lie rapidement d’affection pour ses maîtres, plus particulièrement avec Antoine Le Maître qu’il appelle « papa ». Il se fait des amis parmi les élèves, tel le duc de Chevreuse qui l’introduit dans le milieu des Luynes. À l’abbaye, dans le parloir, il revoit sa chère Agnès.

Le lieu principal de vie de Racine est le plateau des Granges, occupé par la ferme de l’abbaye, un impressionnant ensemble architectural disposé autour d’une cour rectangulaire (logis des fermiers, maison des Solitaires qui sert d’école jusqu’à une extension élevée en 1651-1652 pour abriter exclusivement les Petites Écoles, trois granges, une étable, une écurie, une bergerie, un pressoir), 150 hectares de terres labourées bordées par 190 hectares de bois, propriété des religieuses. Terres et forêt sont situées au nord du Plateau. Côté sud, un parc de 10 hectares qui descend de façon abrupte vers un vallon, les Solitaires y ont planté de la vigne, un potager, un verger.

Aux heures de loisir, les enfants partagent la vie de la ferme, se dispersent dans les futaies, courent sur les pelouses ou y jouent à la balle ou au volant. Faisait partie du programme d’une journée scolaire, une participation aux travaux agricoles et arboricoles, spécialement dans le verger, planté et soigné scrupuleusement par Arnaud d’Andilly, frère aîné de l’abbesse réformatrice.
La terre était fertile, l’orientation du terrain favorable : les meilleurs fruits (et spécialement les pavis, sorte de pêches) étaient envoyés sur les tables royales et aristocratiques ou vendus en faveur des pauvres.

Outre l’affection et l’apprentissage du calme et de la beauté que lui procure Port-Royal, Racine y acquiert une éducation de l’esprit et une formation de l’âme qui marquèrent sa vie et son œuvre.


À la vocation agricole de la ferme, les Solitaires avaient ajouté une vocation intellectuelle et pédagogique. Les élèves sont internes, ne profitent que de trois semaines de vacances à l’automne, connaissent des journées longues (5 ou 6 heures du matin à 21 heures) et bien remplies. Leur pédagogie est moderne (livres scolaires en français, suppression du châtiment corporel), universelle (culture classique, langues vivantes, histoire et géographie, mathématiques, instruction religieuse), exigeante (application, ordre, persévérance, précision), vivante (explication des grandes œuvres pour la maîtrise de la langue et la formation du jugement).

Antoine Le Maître, avocat, sensibilise Racine au bien parler et au bien écrire, par des échanges verbaux, des exercices de diction et de versification, par des traductions de textes latins et grecs. Claude Lancelot, helléniste, insiste sur la culture classique, l’apprentissage de l’italien et de l’espagnol. Jean Hamon, médecin dévoué et compétent, arrivé à Port-Royal en 1650, est un grand latiniste et un bon écrivain. Pédagogues, les Messieurs sont aussi des directeurs de conscience, des moralistes.
Port-Royal est enfin une école de caractère : on y enseigne et on y fait pratiquer la modestie, l’honnêteté, la pudeur, l’exigence envers soi-même, le souci de l’autre.

Racine quitte les Granges pour le collège de Beauvais, en octobre 1653. Il y revient en septembre 1655 pour suivre la Rhétorique. En mars 1656, maîtres et élèves sont dispersés sur ordre royal pour quelques mois.

Ce n’est pas la première fois que le séjour de Racine aux Petites Écoles est brutalement interrompu (en 1651 pendant la Fronde et en 1653). Cette fois-ci, l’adolescent ne s’éloigne pas : il partage son temps entre l’abbaye et Vaumurier, chez le duc de Luynes. Depuis son retour, la vie à Port-Royal était mouvementée à cause de la querelle qui opposait les théologiens de la Sorbonne et les Jésuites aux gens de Port-Royal, traités par eux avec mépris de Jansénistes. Antoine Arnauld, frère cadet de mère Angélique, était accusé de soutenir les thèses proposées par Cornélius Jansens, théologien de Louvain décédé en 1638, sur les écrits de Saint-Augustin et son analyse de la grâce divine. Un procès est engagé contre Arnauld qui demande à Pascal de lui écrire sa défense. Hébergé aux Granges en janvier 1656, après un premier séjour en janvier 1655, Pascal rédige alors la première des « Provinciales », revenant là en juillet pour y écrire la seizième.

Même si les Solitaires souhaitaient que leurs élèves soient éloignés des querelles théologiques qui sévissaient, on peut penser que Racine croisa Pascal et a profité du mécanisme que ce dernier mit au point pour faciliter l’extraction d’eau du puits de la ferme. Entre ces deux séjours de Pascal au cours de l’année 1656, l’école est donc suspendue. Antoine Le Maître, réfugié à Paris, charge Racine d’entretenir sa bibliothèque restée sur place et lui adresse ce conseil : « Il faut tâcher de profiter de cette persécution et de faire qu’elle nous serve à nous détacher du monde qui nous paraît si ennemi de la piété ». Quelque temps plus tard, Racine est au courant par Nicolas Vitart de l’édition clandestine des « Provinciales » ; il en connaît le texte non seulement pour en avoir entendu parler mais aussi pour travailler dessus comme exercice de thème latin donné par Nicole qui en préparait la traduction.

Très tôt Racine comprit que Port-Royal était le lieu privilégié du Beau, du Bon et du Bien tant dans l’environnement naturel et humain de sa vie que dans le déroulement de celle-ci. Port-Royal fut pour lui non seulement une école de culture générale mais aussi un centre spirituel dont il subit l’influence morale et religieuse. Son apprentissage de la vie et du monde y fut complet et concret, à un âge décisif de la formation de l’esprit et de l’âme.

 

Racine avait su se laisser conduire, quand il arrive à Paris, libre, à 20 ans à peine, il découvre un nouveau monde, de nouvelles mentalités. Après avoir suivi sa Logique au collège d’Harcourt (actuel lycée Saint-Louis) dont le principal est ami de Port-Royal, il se laisse séduire par la vie mondaine, les apparences vestimentaires, la reconnaissance sociale, les milieux littéraires. Malgré les critiques reçues de la part de ses proches suite à ses poèmes de circonstance au Roi et son entourage, Racine ne reste pas indifférent aux malheurs encourus par les religieuses et les amis de Port-Royal. En 1664, alors que se prépare une nouvelle persécution, Racine participe aux écrits qui dénoncent les infidèles qui rompent l’unité de la maison, il rend visite à l’abbesse emprisonnée à la Visitation de Meaux et exprime son désaveu de ceux qui signent le Formulaire. Mais dès janvier de l’année suivante, Racine est blessé et vexé par les attaques lancées par Pierre Nicole contre le théâtre. Se sentant personnellement attaqué, il riposte violemment dans deux lettres à l’auteur des Hérésies imaginaires, tout en s’y moquant de ses anciens maîtres, osant médire sur mère Angélique. Certains parlent alors d’une rupture avec Port-Royal qui dure une dizaine d’années.

Mais Racine n’a jamais oublié Port-Royal. Les liens non interrompus avec Nicolas Vitart, renoués dès 1669 avec Arnauld d’Andilly, s’officialisent avec « Phèdre » (1677), dite pièce de la réconciliation avec Port-Royal et qui lui vaut l’amitié du grand Arnauld.

Durant la vingtaine d’années qui lui restent à vivre, Racine, redevenu très proche, met sa plume au service de ses Ami(e)s qui ne trouvent plus ses « spectacles frivoles » et lui demandent d’user de ses relations mondaines et de sa place privilégiée auprès de Louis XIV (dont il est devenu l’historiographe officiel) pour apaiser les accusations et les menaces contre Port-Royal des Champs. Ainsi, en 1679, ils l’y font venir le jour où l’Archevêque de Paris vient pour expulser des religieuses. Il ose assister à la cérémonie funèbre de translation à Port-Royal d’Arnauld (1694), écrit son épitaphe et compose les vers pour mettre en bas de son portrait.

En 1692, il rédige l’épitaphe de Mademoiselle des Vertus, bienfaitrice de l’abbaye où elle s’était retirée. Trois ans plus tard, il accompagne Nicole dans son agonie. Racine affirme publiquement son attachement aux gens de Port-Royal, prend des risques pour eux en se faisant leur intercesseur : il négocie en 1696, le choix du supérieur des religieuses; il se fait, l’année suivante, l’avocat de celles-ci quand elles sont menacées de perdre « le peu qu’elles ont de bien pour subvenir aux folles dépenses de l’abbesse de Port-Royal de Paris » et il obtient gain de cause.

Racine œuvre pour Port-Royal avec courage, bien que courtisan du Roi : « Je ne me soucierais pas d’être disgracié et de faire la culbute pourvu que Port-Royal fut remis sur pied et fleurit de nouveau ». Racine se préoccupe aussi de son salut. Il a renoué avec la tante Agnès, prieure de l’abbaye des Champs depuis 1684, abbesse depuis 1690 : « C’est elle qui m’a appris à connaître Dieu dès mon enfance, c’est elle dont Dieu s’est servi pour me tirer de l’égarement et des misères ». Il lui confie une de ses filles, rédige les « Cantiques Spirituels ».

Racine rend justice à ses Maîtres, et traduit son affection et son admiration pour Port-Royal persécuté dont il commence secrètement l’apologie dans « l’Abrégé de l’histoire de Port-Royal », inachevé à sa mort et publié seulement au XVIIIème siècle. Ce remarquable texte est considéré comme « un acte de foi et un acte de contrition » de l’enfant de Port-Royal, cette démarche d’humilité et d’amour, se parachève en octobre 1698 lorsqu’il rédige son testament souhaitant être enseveli « aux pieds de la fosse de M. Hamon », mort en 1687, ce que le Roi autorisera.

 

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Musée National de Port Royal.

 

 

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