Francis Jammes – Maison Chrestia à Orthez et Eyhartzea à Hasparren
Biographie de Francis Jammes
« Il y a dans le regard des bêtes, une lumière profonde et doucement triste qui m’inspire une telle sympathie que mon âme s’ouvre comme un hospice à toutes les douleurs animales ».
Francis Jammes est né le 2 décembre 1868 à Tournay. Il y passe ses six premières années avant de partir pour Pau avec sa mère et sa grande soeur habiter chez ses grands-parents, alors que son père est nommé receveur de l’enregistrement à Sauveterre de Guyenne. C’est pendant ce séjour à Pau qu’il visite pour la première fois Orthez où résident ses grandes-tantes Clémence et Célanire. Il est aussi marqué par son oncle Ernest Daran, d’origine mexicaine, qui vit à Assat. En mai 1876, Francis Jammes quitte Pau pour Saint Palais où son père vient d’être nommé. Malheureusement il a de réels problèmes scolaires, il souffre de vexations, il éprouve du dégoût pour tout ce qui exige de la mémoire et reste très attiré par les animaux en général et les insectes en particulier. Il semble que son initiation poétique soit de cette époque.
En 1878, au vu de ses piètres résultats scolaires, ses parents le confient à nouveau à ses grands-parents à Pau. Mais il vit mal cet éloignement et ses résultats s’en ressentent encore plus, on le fait donc revenir à Saint Palais. Il est alors passionné de botanique. En 1879, son père, Victor Jammes est en disponibilité, la famille choisit alors de s’installer rue Saint Pierre à Orthez. En janvier 1880, Francis vit à Assat puis à nouveau à Pau, sa scolarité est totalement décousue, en mars son père Victor est nommé à Bordeaux, la famille s’y installe. Francis adore les sciences naturelles et découvre avec plaisir la physique et la chimie, il collectionne plantes et insectes et a la nostalgie de la campagne.
Pendant l’année scolaire 1883/1884, il entre en 5ème et est ému par les Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Il devient l’ami de Charles Lacoste, amitié qui ne se démentira jamais. Charles est passionné de peinture comme Francis l’est de poésie. C’est à cette époque qu’il découvre Paul et Virginie dont la lecture le bouleverse. En 1886 le voici en seconde et il déteste son professeur de lettres, mais malgré cette antipathie sa première création paraît en 1887 dans une revue confidentielle.
Le 3 décembre 1888 son père meurt. Par testament il a exprimé le voeu d’être inhumé à Orthez, sa femme et ses enfants viennent donc se fixer dans cette ville. Francis est alors âgé de vingt ans et sa mère aimerait qu’il abandonne l’oisiveté dans laquelle il se complaît, il va faire un stage peu productif chez le notaire Estaniol et dans sa chambre il ressasse ses regrets qu’il exprime en poèmes qu’il ne montre à personne et découvre aussi les plaisirs de la chasse et de la pêche. Sa mère qui comprend sa passion poétique l’encourage discrètement.
C’est à l’été 1889 que Francis fait la connaissance d’Hubert Crackanthorpe, un jeune Anglais en villégiature à Orthez. Hubert qui dit descendre par sa mère du poète Wordsworth, vient de publier à Londres, il impressionne Francis. C’est en 1892 qu’il rencontre Amaury de Cazanove, gentilhomme cultivé et enjoué qui l’invite dans son château aux portes d’Orthez. Amaury encourage Francis dans sa production poétique et celui-ci va publier Six sonnets chez un imprimeur local, Goude-Dumesnil à Orthez. On y découvre ce qui sera la trame des thèmes jammistes : la frêle jeune fille triste et rêveuse, la campagne calme avec les animaux, les jeux de couleurs. Francis Jammes craint le regard des autres sur son oeuvre, mais Hubert Crackanthorpe va le rassurer et le faire évoluer.
L’année 1893 est décisive, Francis Jammes établit une correspondance avec Stéphane Mallarmé qui le conseille avec bonheur. A la fin de cette année, un article paraît sur sa première oeuvre dans le Mercure de France, le commentaire n’est pas dithyrambique mais suffisamment curieux et plein de mystère pour intéresser le petit monde littéraire à ce nouveau venu.
On commence à parler de lui à Paris où Mallarmé, de Régnier et Gide sont ses premiers relais. Premières déceptions aussi, le jugement hautain de Pierre Loti et le refus de publication dans la Nouvelle Revue d‘Etudes sur Lamartine, Hugo, Leconte de Lisle, Baudelaire et Musset que Francis Jammes préparait.
En 1895, il fait la connaissance de Pierre Loti chez Chasseriau à Biarritz et de Régnier est son ambassadeur pour lui ouvrir les portes de la Revue Blanche et du Mercure de France. En avril, il produit « Un Jour », un long poème dramatique en 4 actes qui enchante Régnier et Gide, ce dernier payant l’édition de l’oeuvre. En octobre il part pour Paris où il rencontre Henri Bataille qui vient de publier « la chambre blanche », mais un différend les séparera rapidement. Durant son séjour parisien, il fait la connaissance d’Alfred Vallette (directeur du Mercure de France), du poète Albert Samain, du romancier Marcel Schwob et du musicien Raymond Bonheur et il assiste au mariage d’Henri de Régnier qui épouse Marie de Hérédia. C’est à cette époque que Gide et Jammes établissent une correspondance suivie et se tutoient. Gide devient son véritable confident.
En 1897 paraît à Bruxelles « Naissance d’un poète » et « Un Jour » avec l’aide amicale de Rodenbach et Maëterlink. Cette année là, Jammes a de nouveaux correspondants : Paul Fort et Paul Claudel. Mais la critique de ses travaux déçoit Jammes qui est blessé par ailleurs par le manque d’égards que lui manifeste Loti qui vient de publier Ramuntxo.
La fin du siècle est le temps des manifestes poétiques, on a vu successivement : le vers librisme de Kahn en 1897, l’instrumentisme de René Ghil la même année, le romanisme de Moréas en 1888, le magnificisme de Saint-Pol Roux en 1890, le magisme de Joséphin Péladan la même année, le socialisme de Rodolphe Darzens en 1891, l’anarchisme de Laurent Tailhade et Félix Fénéon en 1892, le paroxysme de Verhaeren, Eekhoud et Mockel en 1893, l’ésotérisme de Victor Emile Michelet et Edouard Schuré en 1895, le naturisme de Saint George de Bouhélier en 1896.
Jammes ironise sur le pullulement des écoles. Son manifeste sur le vrai est un contre-manifeste mais y figure toutefois le mot « jammisme ». Sa définition de la poésie est ultra simple : « la peinture du vrai, louange de Dieu ». Il collabore dès lors au Spectateur catholique, puis entreprend « la mort du poète » dernier élément du triptyque après « Naissance du poète » et « Un Jour ».
Rémy de Gourmont lui consacre un article et même François Coppée, pourtant assez distant, parle avec chaleur de sa poésie naïve, tout comme Charles Guérin qui écrit sur lui dans l‘Ermitage et deviendra un de ses grands amis. La presse s’intéresse donc à lui mais il lui faut aussi affronter les critiques acerbes de certains, notamment de Willy dans le Journal amusant et le Musée des familles.
C’est en octobre 1897 que Francis Jammes s’installe à la maison Chrestia. Cette année est sentimentalement un très mauvais cru. Il a rencontré dans une réception dans un château des environs d’Orthez, une jeune Israélite qu’il appelle dans ses poèmes Mamore. Il vit avec elle un été violent et brûlant, la rupture surviendra l’hiver. Cette liaison heurtait la société bien pensante d’Orthez et Francis a quitté Mamore vraisemblablement par amour pour sa mère, très pratiquante. Il vit mal cette idylle contrariée et traîne sa mélancolie tout l’hiver, le plus sombre de son existence. A cette déception s’ajoutent les décès de son grand-père et de son oncle mexicain.
Début 1898, Charles Guérin est le premier visiteur de la maison Chrestia, depuis Paris il adressera un de ses plus beaux poèmes « O Jammes, ta maison ressemble à ton visage ». En avril, paraît « De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir », une de ses oeuvres majeures, dense et apaisante, où l’on ressent une véritable sympathie avec la nature et les êtres, les animaux surtout (il marque déjà une certaine prédilection pour l’âne). Certaines oeuvres sont touchantes, l’évocation d’un jour de marché à Orthez, l’armoire de sa maison et ses mille voix, les vies antérieures évoquées, la nostalgie des îles lointaines, Jean-Jacques Rousseau sa grande référence, Paul et Virginie, les contes des Mille et une nuits. Cette publication fait grand bruit dans le monde littéraire, André Theuriet, François Coppée et de Heredia, disent leur plaisir. A peu près toutes les revues consacrent un article à la parution, y compris en Suisse, Belgique et Angleterre. Il y a aussi quelques réticences exprimées par Henri Bordeaux ou Adolphe Retté. Les éreintements proviennent de Charles Maurras ou de Maurice Le Blond, mais la réputation de Francis Jammes se répand, dans l’ensemble on le loue d’être original même si on l’accuse de bizarrerie. Peu à peu sa légende se forge, Charles Louis Philippe le représente enfoui « dans l’ombre très vieille d’une petite ville arriérée ». Nombre de critiques et de laudateurs ne peuvent imaginer qu’il choisisse d’enterrer son génie naissant au fond des Pyrénées ! Pourtant, après le poème de Guérin, la petite chaumière de Chrestia, comme le dit lui-même Francis Jammes, devient objet de légende.
A l’automne 1898, à la suite d’un poème d’invitation très émouvant d’André Gide, il se rend à Lisieux et fait un pèlerinage au château de La Roque-Baignard, une propriété des grands-parents de Gide. La visite d’un autre château et de l’histoire tragique qui s’y déroula, va inspirer Gide et Jammes, le premier créera le personnage d‘Isabelle et le second celui de Célia dans l’Elégie quatrième.
L’hiver 1898/1899 est une période mélancolique pour Jammes, mais ce sera l’occasion pour Jammes d’inventer sa première fille spirituelle : Clara d’Ellébeuse. Premier roman jammiste, avec une héroïne modèle de pureté et de virginité. Son histoire puise dans les récits exotiques qu’il retrouva avec passion dans la liasse de lettres de son grand-père envoyées depuis la Guadeloupe. Claudel, de Gourmont et Colette sont séduits et expriment leur émotion, c’est aussi à ce moment là que sa mère mesure l’ascension littéraire de son fils et en exprime le plus de fierté.
Sa mère ayant exprimé le désir de revoir les lieux de son enfance, Francis l’emmène à Marseille puis à Aix-en-Provence. Au delà de Sisteron, ils rejoignent le vieux château délabré du grand-père à Miravail. Avant de reprendre la route d’Orthez, Francis Jammes veut s’imprégner des paysages que connurent Jean-Jacques Rousseau et Madame de Warens : Chambéry, les Charmettes. Après le Grande Chartreuse, ce sera Genève et là il aura enfin le plaisir de rencontrer Henry Bordeaux. De retour à Orthez il compose « le Poète et l’Oiseau » qu’il dédie à Charles Guérin.
Le voici le 22 mars 1900 en conférence à Bruxelles, un succès devant plus de 600 personnes, il fait une nouvelle communication à Anvers où lui est présenté le poète belge Max Elskamp. Puis c’est Bruges où il converse avec Arthur Daxhelet. La visite du quartier juif d’Amsterdam est le point d’orgue de ce voyage. Sur le chemin du retour il s’arrête à Paris chez Gide et rencontre Claudel et Schwob.
De retour à Orthez il vit une nouvelle crise de désillusion et d’ennui. A Vielé-Griffin qu’il reçoit, il confie sa solitude et sa torture devant le bonheur conjugal des autres. Il vit mal aussi d’être déprécié par certains critiques comme Gaston Deschamps et Catulle Mendès. Un voyage en Ossau lui fait concevoir une seconde fille spirituelle : Almaïde d’Etremont, elle a 25 ans et il situe son aventure aux Aldudes.
Le 18 août il apprend avec douleur la mort de Samain, il écrira sous le coup de l’émotion une « Elégie à Albert Samain », un de ses plus beaux poèmes. A la fin de l’été il termine une nouvelle oeuvre « Existences », c’est une comédie en vers (qu’il déjugera plus tard dans ses Mémoires), cette analyse de moeurs inspirée de la vie sociale orthézienne lui vaudra de solides inimitiés.
En mars 1901 le Mercure de France publie les poèmes produits et rassemblés depuis « l’Angelus de l’aube et l’Angélus du soir », la nouvelle plaquette s’intitulera « Le Deuil des Primevères ». Tous les thèmes jammistes sont dans le nouveau recueil qui fait large place à la jeune fille idéale, pure et aimante qui hante ses rêves. Cette plaquette est bien accueillie par la critique.
En mars 1902, il perd sa chienne aimée Flore, la douleur qu’il éprouve lui inspirera l’oeuvre qu’il entreprend alors « Le Roman du Lièvre ». Est-il possible qu’il y ait quelque part un paradis pour les animaux aimés ? Cette oeuvre atteint une certaine perfection dans le pathétique. Pourtant, à la fin du printemps 1902, c’est « Le Triomphe de la Vie » qu’il publie, édition qui regroupe « Jean de Noarrieu » et « Existences ». La publication sera mal reçue, les milieux bien pensants d’Orthez crient au scandale et le monde littéraire n’exprime pas son enthousiasme.
Suite à un évènement survenu à la gare de Mont de Marsan en 1903, il écrit « Pomme d’Anis », histoire d’une jeune infirmière, Laure d’Anis, qui sera sa troisième fille spirituelle. Anna de Noailles lui dira avoir été bouleversée par ce récit.
L’hiver 1903/1904 est lui aussi difficile, Francis Jammes voit la liaison qu’il vient d’ébaucher se rompre du fait de la volonté des parents de la jeune fille qui le jugent trop peu argenté. Jammes rejoint à Saint Georges de Didonne, Fontaine et Redon, il leur lit son dernier poème « le Poète et sa femme » une oeuvre à relier avec sa récente déception amoureuse, ce poème sera intégré au recueil « Clairières dans le Ciel ». En grande détresse il écrit alors beaucoup à Fontaine et Claudel et le 8 décembre 1904 il se rend à Lourdes et implore Dieu dans la basilique.
Pourtant la réussite littéraire est là, Colette lui demande de dédicacer une de ses oeuvres « Dialogues » et il fait éditer des cartes postales pour répondre à ses nombreux admirateurs. Au printemps 1905, Claudel rentre de Chine (il est ambassadeur) et accueille Jammes aux Eaux Bonnes, ils ont ensemble de longues conversations. Le 7 juillet se dénoue la crise morale que vit Francis Jammes depuis longtemps et c’est à Labastide Clairence, en présence de Claudel et du Père bénédictin Michel Caillava, que Jammes a conscience de sa « conversion ». Après un pèlerinage national effectué ensemble à Lourdes, Claudel et Jammes se séparent. Cet apaisement qui a touché le poète inspire une nouvelle oeuvre « L’Eglise habillée de feuilles » (où figurent les poèmes « je vous salue Marie »). C’est le 30 novembre 1905 que le salon des Fontaine à Paris accueille Jammes, les Gide, les Mithouard, Bonheur et Claudel pour une lecture de « l’Eglise habillée de feuilles » prononcée par Gide.
A son retour à Orthez, il termine « la Cabane coiffée de roses ». Pour l’Annonciation il se rend en pèlerinage à Cayla dans le Tarn, où résident Eugénie et Maurice Guérin, il y prépare un Chant qu’il termine à Orthez. Ce voyage est décisif pour la démarche religieuse qu’il conduit. Le livre du retour à Dieu qu’il publie en octobre 1906 s’intitule « Les Clairières du Ciel ». L’évolution morale et littéraire du poète est bien marquée, sur le plan du style il devient de plus en plus classique. Sa notoriété est alors à son apogée. il y a bien des critiques qui l’éreintent comme Charles Muller qui raille sa poésie « horticole », pourtant, curieusement, le surnom qu’il lui donne « le cygne d’Orthez », lui restera comme un emblème.
Francis Jammes apprend avec douleur la mort d’Eugène Carrière, puis le 17 mars 1907 celle du grand ami Charles Guérin, il dit alors pour la première fois que le printemps ne renaît pas tout entier.
Après un séjour à Lunéville pour se recueillir sur la tombe de son ami, à son retour à Orthez une lettre l’attend. Une jeune femme de 24 ans, Ginette Goedorp, qui vit à Bucy-le-long dans l’Aisne, lui exprime sa profonde admiration. Elle a lu toutes les oeuvres du poète, elle est hantée par la beauté de ses poèmes. Sa lettre est un véritable cri d’amour, d’autant qu’elle sait lui dire qu’elle est la soeur spirituelle de Clara et de Laure. Emu, Francis Jammes répond à celle qu’il appelle sa mésange charbonnière. Puis tout va très vite.
Le 18 août, à Pau, Francis Jammes et sa mère, rencontrent Ginette Goedorp et sa mère. Le 19, Francis et Ginette se fiancent devant la grotte de Lourdes puis viennent à Orthez découvrir la maison Chrestia. Début septembre c’est au tour du poète de se rendre à Bucy. Le mariage y est célébré le 8 octobre 1907.
Le 1er décembre il faut quitter le logis exigu de Chrestia, au vif regret du poète. Les Jammes passent Noël à Bucy sur les bords de l’Aisne et par très grand froid, Francis composera là ses « Poèmes mesurés ». De retour à Orthez, le couple aménage la nouvelle maison Major. Jammes va vivre là comme un coq en pâte, entre une mère attentive et une épouse aimante, on reçoit désormais la bonne société catholique et conservatrice d’Orthez, le poète parachève ses « Rayons de Miel ». Le 18 août 1908 le couple donne naissance à leur première fille, Bernadette (un hommage à sainte Bernadette de Lourdes).
Au printemps 1909, les Jammes vont à Bucy et rendent visite aux Gide à Paris. Un grand repas réunit les amis, Lacoste, Fontaine, Bonheur, Ruyters. La campagne et la nature sont à la mode, le poète correspond alors avec Anna de Noailles, Abel Bonnard, Jules Romain et Henri Pourrat. Francis Carco envoie à Jammes ses premiers recueils, tout comme Tristan Derème. Parmi les nombreux zélateurs qui s’adressent à Jammes, figure un certain François Mauriac. Yvette Guilbert donne des auditions publiques partout en Europe et même aux Etats-Unis et elle fait applaudir les créations du poète.
Fin 1909, les Jammes se trouvent à Gavarnie et reçoivent Fontaine et Florent Schmitt, à Noël naît leur deuxième fille, Emmanuelle. En mai 1910 on présente la nouvelle oeuvre du poète « Ma fille Bernadette ». A ce moment là, la rupture avec Gide est consommée. La séparation était latente depuis 1907, trop de choses les éloignent désormais. Gide a abandonné la poésie pour le doute et les romans à thèse. Jammes au contraire, se voue de plus en plus à la certitude et à la poésie.
Durant la période de Noël 1910 passée à Bucy, Jammes rédige « la Brebis égarée ». Pour l’arrêt habituel à Paris sur le chemin du retour, le poète est accueilli chez la belle-soeur de Fontaine, tous ses amis parisiens sont conviés pour la lecture de « la Brebis égarée », Edmond Pilon le reçoit également et lui présente le groupe des jeunes poètes catholiques engagés avec pour chefs de file André Lafon et François Mauriac. Le philosophe catholique Georges Dumesnil vient passer à l’automne 1910 trois jours à Orthez. Jammes s’attèle à la rédaction des « Georgiques Chretiennes ».
Marie, leur troisième fille naît en 1911. La visite de Valéry Larbaud préfigure le voyage à Orthez incontournable pour la jeune littérature catholique. Ce sera ensuite, la même année, le tour d’André Lafon et de François Mauriac d’être admis à la maison Major. L’été 1911 voit la publication très attendue des « Georgiques », l’oeuvre est une forme d’art poétique, un retour au classicisme, avec un rythme qui fait penser aux versets bibliques. Jammes obtient un prix de l’Académie Française, il éprouve toutefois une déception, il pensait que l’élection du Prince des Poètes lui serait acquise, mais Paul Fort l’emporte largement.
Début 1912, Jammes reçoit à Orthez Darius Milhaud qui vient mettre en musique « La Brebis égarée ». C’est début 1913 que le poète part seul à Paris pour la création de « La Brebis égarée », il loge chez Fontaine. Madame Alphonse Daudet prépare pour lui une réception, il rencontre enfin Anna de Noailles chez elle et la générale de « la Brebis » est donnée le 9 avril 1913. Le 6 juin, un petit Paul (dont Claudel est le parrain) naît chez les Jammes. Ceux-ci reçoivent Eusèbe de Brémond d’Ars et le pianiste Yves Nat. Puis c’est au tour de Claude Casimir Périer, fils du président, de la comédienne Simone et d’Alain-Fournier. La maladie de Marie et la fatigue de sa femme, inspirent à Jammes « Feuilles dans le vent » qui est généralement admis comme le dernier jalon du jammisme.
La guerre est là, Jammes est chargé par le maire d’Orthez d’organiser les soins et les secours aux blessés, tâche dont il s’acquitte avec vigilance. Il publie en 1916 « Cinq prières pour le temps de la guerre » puis « Le Rosaire du soleil ». En 1918 sort « Monsieur le curé d’Ozéron ». La guerre finie, il part à Paris pour donner des conférences, Anna de Noailles et Proust le complimentent, Henry Bordeaux, de Régnier et Etienne Lamy lui laissent espérer une admission à l’Académie Française, pourtant le 3 juin 1919 il est nettement battu à l’élection au siège d’Edmond Rostand, par Joseph Bédier (8 voix contre 20).
Il a 50 ans et 7 enfants au moment de l’armistice, mais un souci le préoccupe, son propriétaire veut vendre la maison Major. Où faut-il aller ? Il lui faut temporiser. Son ami, le Père Michel Caillava le présente à une de ses parentes éloignées, Madame Gille, qui accepte de le désigner comme son légataire universel. En 1921, il était temps car la maison Major était à la vente, la mort de Madame Gille lui fait hériter d’Eyhartzia, une maison d’Hasparren au pied de l’Ursuya. Dans ce nouveau gîte, Jammes entame la rédaction de ses « Mémoires » et des quatre livres de Quatrains. Nommé dans l’ordre de la Légion d’Honneur en 1922, il écrit au ministre Bérard pour refuser sa croix. Une nouvelle candidature à l’Académie, au fauteuil de Pierre Loti, est infructueuse, Albert Bernard obtient 16 voix et lui 12, ce qui est honorable.
Il quitte rarement le Pays Basque à partir de 1924 mis à part quelques conférences, à Bruxelles sur la fonction du poète, à Paris sur Ronsard. Anna de Noailles était venue le voir en 1921. Il reçoit à Eyhartzia Henri Ghéon, François Mauriac, Darius Milhaud qui vient lui annoncer la mise à l’affiche de l’Opéra comique de « la Brebis égarée ». Ses dernières oeuvres seront « Ma France poétique », « Basses Pyrénées, histoire naturelle et poétique » puis « la Divine douleur », « Janot poète », « Diane », « Les nuits qui me chantent », « Leçons poétiques » et enfin « Champêtries et Méditations ».
Francis Jammes ne quitte plus Eyhartzia que pour voir ses filles à Fontarabie et ses fils à Bordeaux. Il reçoit peu désormais, Paul Valéry en 1928, et son voisin Maurice Martin du Gard de Lendresse. Il fait un dernier voyage à Orthez à l’occasion des obsèques de sa mère en 1934 (décédée à 93 ans). Il ne cachera pas que le Pays Basque est sa terre d’exil et qu’Orthez aura toujours été son havre de bonheur. En 1934 paraît son dernier roman « L’Antigyde ». Il a de plus en plus de soucis matériels car ses ouvrages se vendent mal, il souffre de se sentir mésestimé et oublié, en 1935 il publie « De tout temps à jamais ». En 1936 un dernier prix, le prix d’Aumale, lui est décerné par l’Académie Française, mais il est trop tard pour lui, il vivote désabusé, en rédigeant des articles pour les journaux. Un dernier grand voyage comme une tournée d’adieux en 1937 à l’occasion de l’Exposition Internationale, il est invité à Paris à donner une conférence où il remporte un véritable triomphe et paraît sur l’estrade accompagné de ses amis Paul Claudel et François Mauriac. Sa santé dès lors décline, il souffre horriblement, à Jean Labbé qui le visite en lui apportant une fiole d’eau d’une source de l’Ursuya il dit « Maintenant je n’ai plus besoin de prier, ma souffrance elle-même est une prière, je l’offre entièrement à Dieu, le reste appartient aux hommes ».
Toussaint 1938, il quitte ce monde le jour où une de ses filles prend le voile, le dernier mot perceptible qu’il prononça fut « Orthez ».
Maison Chrestia à Orthez
Orthez est une des villes béarnaises qui apparaît le plus anciennement dans l’histoire : des vestiges d’églises datant du XIe siècle sont encore visibles. De 1242 à 1464, Orthez devient capitale du Béarn grâce à Gaston VII de Moncade, vicomte de Béarn. Ce dernier entreprend la construction du Château Moncade, siège de la cour de Gaston III de Foix-Béarn dit Phébus. En proclamant la souveraineté du Béarn, Gaston Phébus (1343-1391) a su mener à bien une politique d’indépendance et de neutralité au plus fort de la Guerre de Cent Ans.
Chef de guerre redoutable, il fut également un homme de lettres et un protecteur des arts. Auteur du « Livre de Chasse », il regroupait au sein de sa cour des artistes et des lettrés tels que le chroniqueur médiéval Jean Froissart. Le Pont Vieux est sans nul doute l’œuvre la plus remarquable de Gaston VII Moncade. Emblème orgueilleux de la ville, traversant le Gave de Pau, il est le lieu de passage des pèlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Au XVIe siècle, la reine Jeanne d’Albret, mère du futur Henri IV, instaure le protestantisme comme religion d’Etat en Béarn. Orthez devient rapidement sa capitale religieuse. Elle y fonde en 1549 une université qui se trouvait derrière la mairie actuelle. Sur le modèle de l’Université de Genève, on y enseigne le latin, le grec, l’hébreu, les auteurs antiques, la théologie mais aussi le droit et la médecine. Une imprimerie accompagne la création de l’Université. De nombreux écrits universitaires y seront publiés. Des œuvres en langue béarnaise sortiront également des presses de l’imprimerie d’Orthez, notamment la traduction des Psaumes de David par Arnaud de Salette en 1583. L’université ferme définitivement ses portes en 1620, laissant derrière elle une forte tradition de l’imprimerie à Orthez. Au XVIIIe siècle, Orthez se spécialise dans la transformation des produits issus de la campagne environnante et dans le négoce. Une bourgeoisie émerge. Différentes maisons de négociants et d’artisans alliant des fonctions résidentielles et professionnelles sont encore visibles de nos jours dans les rues d’Orthez.
Bâtie dans le plus pur style béarnais, avec ses tuiles Picon et sa cour en fer à cheval, cette maison du XVIIIème siècle fut la demeure de Francis Jammes de 1897 à 1907. Sise route de Pau, aujourd’hui devenue avenue Francis Jammes, elle est un peu à l’écart de la ville. Le poète y vécut avec sa mère pendant 10 ans, jusqu’à son mariage, trop grande pour Francis et sa mère, elle devient trop petite pour les débuts d’une famille. Le nom de Chrestia vient du fait que cette maison accueillait autrefois les lépreux.
Le cygne d’Orthez fréquenta nombre d’artistes et fut l’intime de plusieurs d’entre eux. Beaucoup vinrent séjourner dans cette maison le premier Charles Guérin lui dédia un poème à la suite de son séjour :
ô Jammes. . .
ô Jammes, ta maison ressemble à ton visage.
Une barbe de lierre y grimpe; un cèdre ombrage
de ses larges rameaux les pentes de ton toit,
et comme lui ton coeur est sombre, fier et droit.
Le mur bas de ta cour est habillé de mousse.
La maison n’a qu’un humble étage. L’herbe pousse
dans le jardin autour du puits et du laurier.
Quand j’entendis, comme un oiseau mourant, crier
ta grille, un tendre émoi me fit défaillir l’âme.
Je m’en venais vers toi depuis longtemps, ô Jammes,
et je t’ai trouvé tel que je t’avais rêvé.
J’ai vu tes chiens joueurs languir sur le pavé,
et, sous ton chapeau noir et blanc comme une pie,
tes yeux francs me sourire avec mélancolie.
Ta fenêtre pensive encadre l’horizon;
une vitrine, ouverte auprès d’elle, reflète
la campagne parmi tes livres de poète.
Ami, puisqu’ils sont nés, les livres vieilliront;
où nous avons pleuré d’autres hommes riront:
mais que nul de nous deux, malgré l’âge, n’oublie
le jour où fortement nos mains se sont unies.
Jour égal en douceur à l’arrière-saison;
nous écoutions chanter les mésanges des haies,
les cloches bourdonnaient, les voitures passaient…
ce fut un triste et long dimanche des rameaux:
toi, pleurant ton amour et plaintif comme une eau
qui dans l’herbe, la nuit, secrètement sanglote;
moi, plein de mort, rêvant d’un suprême départ
sur la mer où tournoient les barques sans pilotes.
Nous écoutions tinter les sonnailles des chars,
pareillement émus de diverses pensées,
et le ciel gris pesait sur nos âmes blessées.
Reviendrai-je dormir dans ta chambre d’enfant?
Reviendrai-je, les cils caressés par le vent,
attendre la première étoile sous l’auvent,
et respirer dans ton coffret en bois de rose,
parmi l’amas jauni des vieilles lettres closes,
l’amour qui seul survit dans la cendre des choses?
Jammes, quand on se met à ta fenêtre, on voit
des villas et des champs, la montagne et ses neiges;
au-dessous c’est la place où ta mère s’assoit.
Demeure harmonieuse, ami, vous reverrai-je?
Demain? Hélas! Mieux vaut penser au temps d’hier.
Une âme sans patrie habite dans ma chair.
Ce soir, un des plus lourds des soirs où j’ai souffert,
tandis que, de leur flamme éparse sur la mer,
les rayons du soleil couchant doraient la grève,
les cheveux trempés d’air et d’écume, j’allais,
roulé comme un caillou par la force du rêve.
La terrible rumeur des vagues m’appelait,
voix des pays brûlés, des volcans et des îles;
et, le coeur plein de toi, j’ai marqué d’un galet,
veiné comme un bras pur et blanc comme du lait,
le jour où je passai ton seuil, fils de Virgile.
D’autres suivirent, tels André Gide, Marcel Schwob, Marguerite Moréno, Thomas Braun, Viellé-Griffin, Eugène Carrière, Jacques Dyssord, Léon Moulin…
Il écrit beaucoup pendant ces dix années : « De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir », « Quatorze prières », « Elégie quatrième », « Clara d’Ellebeuse », « Le Poète et l’Oiseau », « Almaïde d’Etremont », « Existences », « Le Deuil des primevères », »Jean de Noarrieu », « Le Roman du Lièvre », « Le Triomphe de la vie », « Pomme d’Anis », « L’Eglise habillée de feuilles », « La Cabane coiffée de roses », « Les Clairières du Ciel ».
Depuis 1982, cette maison abrite l’Association Francis Jammes qui se donne pour tâche de faire connaître l’oeuvre du poète. Elle contient des salles d’exposition permanente et organise des expositions temporaires. L’Association organise aussi des colloques. Afin de perpétuer l’image du poète et de son oeuvre, l’association a développé un important panel de documents sur l’auteur, avec des éléments qui sortent des sentiers battus, un tableau de Louis de Meuron illustrant l’un des poèmes de Francis James,« La Prière pour aller au paradis avec les ânes », deux registres de compte aussi, tenus par le poète, une thèse de doctorat sur Arthur Fontaine, grand ami et mécène de Francis James, un manuscrit inédit encore du poète, Bleuette, reine de France, de 26 feuillets, daté de fin 1928…
Au registre des évolutions notoires, la publication d’une autre édition de l’oeuvre poétique complète de Francis Jammes, revue et agrémentée de pages nouvelles, soit 1 600 pages parues chez Atlantica. Et depuis quelques années, l’association a participé à plusieurs salons du livre et manifestations littéraires pour mettre en valeur ce potentiel. A l’heure actuelle, des projets de réaménagements sont en vue, la volonté de numériser l’ensemble des documents aussi, à l’évidence, cette maison aura toujours la volonté de mieux faire connaître le poète à tous, toutes générations confondues.
Après le passage de la tempête Klaus en 2009
Miraculeusement les arbres ont épargné la maison
Un grand merci à Frédérique Panassac, à Renaud Camus et à l’Association Francis Jammes pour leurs photographies.
Une vidéo de l’exposition « Francis Jammes et les années Chrestia » : ici
Maison Eyhartzea à Hasparren
Francis Jammes, sa femme, ses enfants et sa mère vivaient dans la maison Major à Orthez depuis le mariage du couple en 1907. Mais le propriétaire décide de la mettre en vente en 1919, la famille doit trouver un autre toit. Michel Cavailla, père bénédictin et ami de la famille les présente à Madame Gille, une de ses parentes éloignées. Celle-ci habite une maison à Hasparren dans le Pays Basque. Madame Gille décide dès 1920 de faire de Francis Jammes son héritier. A sa mort en 1921 la famille Jammes s’installe à Eyhartzea près des vestiges du château Belzunce au pied de l’Ursuya (la montagne des sources).
A sa mort en 1938, le poète lègue sa maison à la commune d’Hasparren pour un franc symbolique à la condition que celle-ci soit utilisée dans un but culturel.
En 1977, une dizaine d’associations fonctionnant chacune sur des spécialités socioculturelles différentes (musique, danse, animation, cours de basque…) se regroupent pour organiser et présenter des « semaines culturelles basques » à Hasparren. Après cinq années d’animations, elles décident de créer une structure inter associative « Eihartzea kultur etxea » formée d’une quinzaine d’associations. En 1983, la commune d’Hasparren met la maison Eihartzea à la disposition exclusive de l’inter-associatif « Eihartzea kultur etxea ». Ce Centre se veut un espace de vie culturel en proposant des activités, des services et des animations d’abord sur l’ensemble du territoire de la Communauté des Communes du Pays d’Hasparren. De nombreuses manifestations y seront organisée, beaucoup de projets y seront nés aussi : semaines culturelles, veillées, festival de contes, écoles de musique. Des compagnie de théâtre et de musiques professionnelles y implanteront aussi leur projet avant de s’envoler… Suite au passage d’une commission de sécurité le 22 mars 2006, la maison, ferme ses portes le 18 mai 2006 pour que des travaux de réhabilitation y soient effectués. Au lendemain de son élection, en mars 2008, le maire nouvellement élu décide de réhabiliter la maison Eihartzea pour qu’elle retrouve une vocation culturelle. De 2010 à 2012, pour un coût de 920.000 euros, la maison a bénéficié d’importants travaux de restauration ainsi que de mise aux normes et de sécurité.
Mais il faut absolument souligner que cette maison n’a plus aucun lien avec Francis Jammes, et que les travaux de réhabilitation ont détruit l’âme du lieu et même évincé le poète. Pour preuve une lettre de Mireille Newman Jammes, petite fille du poète, dont elle perpétue la mémoire notamment grâce l’Association Francis Jammes créée en 1982.
» Novembre 1938 – mort du poète à Hasparren dans sa maison Eyhartzea. En cet anniversaire nous devons vous annoncer une douloureuse nouvelle : la destruction de cette belle maison dans un parc magnifique qui depuis quelques années était devenu un jardin public bien entretenu.
Nous devons ces grands travaux (voir les photos de la démolition ou transformation ci-dessous) à Monsieur le Maire d’Hasparren…avec le soutien financier de l’Etat (voir photo).
Nous comprenons très bien que cette Maison Eyhartzea ne pouvait rester uniquement un « Mausolée Francis Jammes ». Les œuvres de nos écrivains, musiciens et artistes doivent vivre avec leur temps alors pourquoi ne pas avoir gardé et respecté ce patrimoine en « lieu de rencontre et de création » où les nouvelles générations d’artistes auraient pu trouver inspiration, recueillement et échanges ? Depuis son rachat par la Municipalité d’Hasparren il avait été décidé qu’elle abriterait plusieurs associations culturelles : deux salles seraient réservées à Francis Jammes pour des expositions et un petit musée. Au fil des ans elle est devenue la maison d’une seule association sans bien savoir pourquoi ni comment.
Eyhartzea a traversé, certes, bien des difficultés pour survivre mais elle parvenait à garder son âme avec les souvenirs des passages de tous ces grands artistes, musiciens, écrivains et plus tard les rires des enfants et des habitants de la ville qui venaient dans le parc, devenu « jardin public » depuis de nombreuses années.
Triste anniversaire que ce 1er novembre 2011… »
Mireille Newman Jammes.
Un grand merci à Mireille Newman Jammes.
Site de l’Association Francis Jammes
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LOCALISATION DES MAISONS :
Maison Chrestia à Orthez
Eyhartzea à Hasparren