Biographie de Joë Bousquet.

 

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« Mon coeur sera toujours le cauchemar de ma pensée ».

 

Joë Bousquet est né dans l’Aude, à Narbonne, le 19 mars 1897. Son père était médecin-major dans l’armée. Il passe son bac en 1912 puis fait un voyage en Angleterre qui le marquera profondément. Au début de la guerre, son père est nommé dans la région parisienne avant de revenir en 1915 à Narbonne. Joë mène une vie agitée et s’initie à la drogue, morphine, puis cocaïne et enfin opium qui l’accompagnera jusqu’à sa mort.

En 1916 il devance l’appel. Très courageux, il recevra la croix de guerre, la médaille militaire et la légion d’honneur avant d’être blessé en 1917. Il est soigné à Nancy, vit une histoire d’amour qui le conduit au désespoir.

« Je m’appelle Joë Bousquet, je suis né et mort deux fois. J’étais un enfant capricieux. On m’appelait l’homme-chien. Ma cruauté m’avait acquis ce sobriquet. Adolescent on me disait un mauvais garçon, pourtant j’étais fils de bonne famille languedocienne, mon père médecin, mon oncle chirurgien. En 1916, à dix-neuf ans, je devance l’appel. J’ai un désir de guerre, une volonté d’en découdre. Avec ça, je gagne des galons et des médailles. J’avance. Je suis blessé une première fois. Grâce à ce courage de tous les diables je suis l’officier le plus décoré de mon régiment. Convalescent, je rencontre Marthe à l’opéra de Béziers, ma première rencontre avec l’amour. Impossible : La colère de ma mère quand elle aurait su que je voulais épouser une divorcée. Vite, je veux retrouver la guerre, le front, je veux m’échapper. Et puis, lors d’une attaque allemande, moi le lieutenant Bousquet, je ne sais pourquoi, tous reculaient. Alors, j’ai compris, c’était fini et je suis resté debout ».

Il retourne au front où le 27 mai 1918 il est blessé aux vertèbres. Il restera alité toute sa vie à Carcassonne, au 53 rue de Verdun, dans une chambre dont les volets sont fermés en permanence.

« Une balle, une balle dans la colonne vertébrale, ma moelle épinière coupée, mes jambes paralysées, une unique balle mettra trente-deux ans pour me tuer. Seul, couché dans mon lit, j’ai atteint des hauteurs telles, que j’ai creusé le ciel. Enfermé dans ma chambre, enfermé dans mon corps, je rayonne dans cette lumière immobile. Le mal comme le bien a son ciel en moi; et je connais la voluptueuse satisfaction de n’être médiocre en rien. Chaque jour je redécouvre que j’ai été blessé, que je suis blessé et je dois à cette blessure d’avoir appris que tous les hommes étaient blessés comme moi. Je suis né le 19 mars 1897 à Narbonne, j’ai été touché par une balle à la colonne vertébrale le 27 mai 1918 à Vailly sur le front, j’avais vingt et un ans. Qui suis-je tel qu’on me voit, flottant entre mes deux personnes, celle de mon coeur et celle de ma mort ? »

« Car il faut être sincère jusqu’au bout. J’ai été blessé à vingt et un ans. Mais j’étais déjà un type perdu. Complètement dévoyé. Incapable de gagner sa vie. Pris par l’amour de toutes les drogues. Incapable de prendre sur lui d’écrire ou même de lire. Tout cela aurait fini par un coup de revolver. Ma blessure a fait tourner les choses autrement. Je suis comme un homme de tous les vents que la solitude et le silence auraient fait prisonnier… »

 

« La poésie n’est plus un reflet de l’homme : elle a le poids de son être et porte tous les traits de sa destinée Et puis, la vie va continuer dans cette chambre de Carcassonne, la lumière de la lampe, les rideaux tirés, tapi dans un coin, tassé, les yeux ouverts avec cette douleur trop forte qui remonte dans le corps, une pipe d’opium à portée de main pour lutter contre. Survivre, surmonter, passer par-dessus, vivre en creux, savoir dans sa chair que tous les feux, sur la mer, chantent qu’un homme est seul, après tout, et seul avec ce qui le mène, mais ne pas s’isoler, être plus que jamais parmi les hommes, un homme très différent, un homme-chien, plus qu’un homme, moins qu’un homme, le dernier des hommes et le meilleur des chiens. »

 

Le Journal Intemporel, puis La Fiancée du Vent marquent ses débuts d’écrivain, mais c’est en participant à la fondation de la revue Chantiers que son engagement prend forme. Intéressé par le mouvement surréaliste, mais au-dessus des doctrines, son leitmotiv sera d’aimer, de suivre son coeur et rien d’autre. Chantiers du groupe Carcassonne fusionnera avec la jeune revue des Cahiers du Sud du groupe de Marseille. Les Cahiers du Sud qui ne cesseront de paraître , bien après sa mort, en 1966. Orientée vers la recherche d’un génie du sud, langue d’oc, troubadours, catharisme, hors de tout folklore, ouverte aux grands courants du nord, le graal, les romantiques allemands, la revue des cahiers du Sud abordera les sujets les plus divers, de la mathématique à la poétique érudite.

Estève, Jean Paulhan, Jean Cassou, André Gide, Paul Valéry, Paul Eluard, Ferdinand Alquié, de nombreux peintres, autant d’amitiés, de rencontres, qui se nouent et se resserrent au fil des lettres et au gré des visites, autant d’amour aussi avec des femmes imaginaires ou réelles, rêvées et imaginées, relais du monde où « Mon âme est comme la présence d’un amour dont je toucherais le fond dans les choses » Une marche sans jambes, sans pieds, une marche vers l’inconnu dans l’inconnu, dans les profondeurs de la nuit intérieure. « La poésie est la langue naturelle de ce que nous sommes sans le savoir ». « J’ai vécu comme une femme, souhaitant d’enfanter des esprits et de les nourrir de sa substance ».

1939, la guerre, l’occupation allemande partage la France. C’est alors qu’au pays des cathares, derrière les remparts de Carcassonne, l’espace confiné de la chambre avec ses quatre murs s’ouvre encore devenant le point de ralliement des écrivains réfugiés dans la zone sud, le groupe de la N.R.F. notamment, et le numéro spécial des Cahiers du Sud sur le Génie d’oc et l’Homme méditerranéen en 1943, en codirection avec Jean Ballard, est un pied de nez contre l’occupation nazie. « Un homme vaut uniquement par la portion de son esprit qu’il a réussi à rendre positive, à reprendre à ce marais de sottise et de fureur où nous serions baignés. »

Le corps petit à petit se casse, avoir écrit tant et tant, des lettres innombrables, des poèmes, des romans, des journaux, avoir tant lutté, avoir tant cherché et cette balle qui continue son oeuvre, cette douleur qui empire et, l’opium, l’opium qui le drogue, seul remède à sa souffrance, à ses crises d’urémie insoutenables. « Mon corps était retranché de la vie ; par amour pour elle, je rêvais d’abord de le détruire. Cependant, les années, qui me rendaient mon infirmité plus présente, enterraient mon intention de me supprimer. Blessé, je devenais déjà ma blessure. J’ai survécu dans une chair qui était la honte de mes désirs. Alors, ma voix a surgi, elle a nommé, elle a convié et dévoyé cette brisure. Je veux recueillir mon néant à l’ombre d’une réalité digne de la lumière et forger de mes mains un objet qui efface mes traces. « 

« Les dernières années viennent à moi; elles s’approchent, humbles, obligeantes, chacune avec sa lanterne…J’ai le coeur gonflé par la joie de les voir, de comprendre ce qu’elles veulent. Elles viennent. Emplir d’une clarté humaine la joie que nous eûmes d’exister…D’exister contre tout, contre l’adversité, contre nous…Avec l’aide du monde, nous guérirons de notre mort l’amour humain que nous fûmes. Le corps n’est pas un élément de dispersion. »

Joë Bousquet meurt dans la nuit du 27 au 28 septembre 1950 à Carcassonne.

 

 

Carcassonne sa maison.

 

Quand on parle de maison d’Hommes célèbres, il en est une à Carcassonne qui vient automatiquement à l’esprit : celle de Joë Bousquet. Une maison restée en l’état, ouverte au public, devenue lieu d’échange, de recherches et qui abrite aujourd’hui, outre la chambre de l’écrivain, la Maison des Mémoires, le GARAË (Groupe Audois de Recherche et d’animation Ethnographique)et le Centre d’études Cathares René Nelli.

 

De 1924 à sa mort, il occupe, à Carcassonne, au 19 rue de Verdun, puis au 41 et enfin au 53 « la chambre aux volets clos ». C’est là qu’il entreprend de « naturaliser sa blessure ». Il commence à écrire. Telle une araignée sur sa toile, Joë Bousquet attend au centre de sa chambre. Au milieu des vapeurs d’opium et des parfums que de belles visiteuses laissent s’évaporer, il est là gisant, guettant les bruits du monde, et échangeant des lettres avec ceux qui marchent. Lui, colonne vertébrale brisée, il peut sentir physiquement en lui la terre tourner, alors que les bien portants n’y prennent garde.

Dans cette maison de la rue de Verdun à Carcassonne, cette maison aux volets toujours clos, il y a son lit immense avec le coussin réceptacle de son corps, un petit guéridon rond plein de médicaments, une table pour les manuscrits et la bibliothèque basse. Quelques tableaux et des lampes toujours allumées. De 1925 à sa mort, le soleil n’est jamais entré dans cette chambre, quelques amis et amies, oui. Cette chambre est maintenant un musée, La maison des mémoires. Dans cette tanière, il attend Aragon, Gide, le grand ami René Nelli qui lui parle de l’amour courtois, et bien d’autres encore,. car cette chambre dévouée « à la vie de l’esprit » devient l’antichambre des lettres françaises. Tapi dans la douleur, Joë Bousquet réussit à habiter la douleur. Lançant ses innombrables correspondances avec les peintres, les poètes, il a, si ce n’est sauvé le monde, du moins sauvé le sien. « Les miracles de l’amitié » l’ont tenu debout et éloigné ses ténèbres. Dans sa chambre (l’oubliette aérienne, disait-il), il s’entoure de toiles qui l’aident à vivre (Paul Klee, Max Ernst, Fautrier, Magritte…).

De nos jours rien n’a changé dit-on : « même l’odeur d’opium, drogue qu’il prenait régulièrement pour soulager ses douleurs ne semble pas vouloir s’évaporer ».

 

 

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La page consacrée à Joe Bousquet sur remue.net.

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