Biographie de Lewis Carroll.
« S’il est impossible de ne pas penser à quelque chose, il reste encore possible de penser à autre chose ».
Charles Lutwidge Dodgson naît le 27 janvier 1832, à Daresbury, un village situé à proximité de la petite ville de Warrington, dans le Lancashire. Tout comme lui, ses onze frères et sœurs sont gauchers et souffrent de bégaiement. Son père, le Révérend Dodgson, est pasteur de la paroisse. En 1843, il est nommé recteur de Croft, dans le Yorkshire. L’année suivante, à la fin de l’été, Charles est scolarisé à l’école de Richmond. Mais, c’est davantage à la public school de Rugby, où il est inscrit le 27 janvier 1846, que l’enfant souffre du regard des autres. Dans l’établissement en effet, au delà de son handicap personnel, les brimades des plus grandes sont monnaie courante. Pendant ses vacances, Charles Dodgson s’amuse à composer des revues littéraires, qui demeurent manuscrites et confidentielles. En 1845, il rédige ainsi « Useful and instructive Poetry » (Poésie instructive et utile). D’autres productions suivront dans les années qui suivent : « The Rectory Magazine » (La Revue du presbytère), « La Comète », « Le Bouton de rose », « L’Étoile », « Le Feu follet », « The Rectory Umbrella » (Le Parapluie du presbytère)et « Micmac »…
Le 23 mai 1850, l’adolescent s’inscrit à Christ Church, une des sections de la prestigieuse Université d’Oxford. Sa mère meurt peu après. En 1853, l’étudiant méritant obtient une bourse d’études. Dès l’année suivante d’ailleurs, au mois de décembre, Charles Dodgson se voit décerner le diplôme de Bachelor of Arts. En octobre 1855, il est ensuite nommé Master of the House, à l’occasion de la nomination d’un nouveau doyen de la faculté, le Dr Liddell. A ce titre, il donne des leçons particulières aux étudiants, auxquelles s’ajoutent quotidiennement trois heures et demie de cours à l’Université. La même année, au mois de février, lui est également attribuée la charge de sous-bibliothécaire. C’est ainsi qu’il fait la connaissance des trois filles du doyen – Lorina, Alice et Edith -, dont le jardin communique avec la bibliothèque où Charles Dodgson est employé. En 1857 enfin, il est nommé maître ès lettres par le vice-chancelier et occupe à présent la fonction de lecturer de mathématiques à l’Université.
Peu à peu, le professeur se rapproche des trois petites filles, avec lesquelles il entretient des relations amicales. Charles Dodgson apprécie en effet le contact des enfants, en compagnie desquels il ne se sent pas en état d’infériorité. Son bégaiement disparaît alors. Il prend ainsi l’habitude de les emmener en promenades ou en pique-niques, à pied ou en barque, le long de la Tamise. Tout ceci avec la bénédiction de leur père. Au cours de ces années, Charles Dodgson commence à collaborer avec des revues littéraires, « The Comic Times » ou « The Train » notamment. Il sent bientôt venir le besoin de prendre un pseudonyme pour publier ses poèmes et c’est avec l’assentiment d’Edmund Yates, l’éditeur de « The Train », qu’il fait le choix de Lewis Carroll pour nom de plume. Et bientôt Charles Dodgson fait la connaissance de quelques-uns des écrivains en vue comme Alfred Tennyson, John Ruskin ou William Thackeray. Il se passionne également pour la photographie, un art qu’il a découvert pendant l’été 1855 et qui en est à ses balbutiements au milieu du siècle. Le professeur se fait artiste à l’occasion et apprécie ainsi de prendre les petites filles de ses amis pour modèle de ses clichés. Au mois de décembre 1861, ses préoccupations spirituelles l’amènent à recevoir une ordination, celle du diaconat. Cependant, à la même époque, il est également un membre enthousiaste de la Société Psychique, un cercle d’initiés qui se préoccupent d’ésotérisme…
Le 4 juillet 1862, Charles Dodgson note dans le journal qu’il tient quotidiennement : « Remonté la rivière (l’Isis) jusqu’à Godston avec les trois petites Liddell : nous avons pris le thé au bord de l’eau et n’avons pas regagné Christ Church avant huit heures et demie. A cette occasion je leur ai raconté une histoire fantastique intitulée « Les Aventures d’Alice sous terre », que j’ai entrepris d’écrire pour Alice ». Il s’exécute alors, agrémentant même le texte de quelques dessins au trait de sa main. Au mois de juin 1864, Dodgson lui donne son titre définitif: « Les Aventures d’Alice au Pays des Merveilles ». Dès l’année suivante, la maison d’édition Macmillan accepte de publier « Alice’s Adventures in Wonderland », mais son auteur est réticent. Il doute en effet du succès de l’œuvre. Celle-ci est néanmoins éditée au mois de juillet 1865, avec les illustrations de John Tenniel, célèbre caricaturiste du journal humoristique Punch. Deux années plus tard, Lewis Carroll rédige une suite à son « Alice ». Dans « Through the Looking-Glass » (De l’autre côté du Miroir), la magie du conte pour enfants est toujours présente, mais le ton adopté par l’écrivain se fait plus mélancolique. A cette époque en effet, Charles Dodgson s’est brouillé avec les parents de sa jeune amie, Alice Liddell, qui est maintenant âgée de seize ans. L’ouvrage est publié au mois de décembre 1871, au moment de Noël donc, et il obtient le même succès que le précédent.
Au cours de l’été 1867, l’écrivain effectue un long voyage sur le continent, qui le mène jusqu’en Russie. Son père décède l’année suivante et il en est fort affecté. Par la suite, Charles Dodgson s’occupe avec attention de sa famille. Il installe notamment ses sœurs près de lui, à Guildford, dans le Surey, dès le 1er septembre 1868. Dans les années qui suivent, l’écrivain publie d’autres ouvrages : « Phantasmagoria and other Poems » en 1869, « The Hunting of the Snark » (La Chasse au Snark) au mois de mars 1876, toujours sous le pseudonyme de Lewis Carroll. Dodgson prend également part à la polémique qui naît au sein de l’université d’Oxford à propos des projets architecturaux du doyen Liddell. En 1872, il publie ainsi sans nom d’auteur un pamphlet intitulé « The New Belfry Of Christ Church », puis l’année suivante « Vision of the Three T’S » et enfin « Notes by an Oxford Chiel » en 1874. Charles Dodgson se consacre également à des travaux de recherches en mathématiques, dans le domaine de la logique formelle notamment. Paraît ainsi « Euclid and his modern rivals » en 1879 .
A partir de 1877, Charles Dodgson passe ses vacances d’été à Eastbourne, une plage qu’il fréquentera désormais chaque année durant le mois d’août. Il fait également la rencontre de Gertrude Chattaway, une enfant qui deviendra l’une de ses meilleures amies. Auprès de l’artiste Gertrude Thomson, l’écrivain commence à prendre goût au dessin de nus enfantins. En 1880 cependant, il abandonne brutalement la photographie, qui était son passe-temps favori. De plus en plus de clichés représentaient des enfants dévêtus… Et peut être commence t-il à sentir autour de lui la désapprobation des parents de ses jeunes modèles. L’année suivante, Charles Dodgson renonce à son enseignement à Christ Church, commencé vingt-six ans plus tôt. Néanmoins, il demeure dans les murs de l’université d’Oxford, étant élu par ses collègues « Curator of the Common Room », responsable du club du collège autrement dit. Il restera à ce poste jusqu’en 1891. A partir de 1886, Dodgson donne des cours de logique au Lady Margaret Hall, un des collèges pour jeunes filles de l’université.
L’année précédente, paraissait une nouvelle œuvre de Lewis Carroll, « A Tangled Tale ». En 1887, « The Game of Logic », une autre de ses publications scientifique se destine cette fois-ci à la vulgarisation. Commencent également à paraître ses « Curiosa mathematica ». Il achève également « Sylvie and Bruno », un ouvrage commencé vingt ans auparavant, et publié en 1889, accompagné par les illustrations de Harry Furniss. Deux années plus tard, Charles Dodgson revoit enfin après une très longue séparation, Alice Liddell, devenue Mrs. Hargreaves. L’écrivain s’intéresse à présent aux jeux de langage, un art qui lui permet de concilier ses deux grandes passions intellectuelles, les mathématiques et la création littéraire. En 1893, il publie ainsi « Syzygies and Lanrick ». Enfin le 8 novembre 1897, Dodgson décide de renvoyer, avec la mention « Inconnu », toutes les lettres adressées à « Lewis Carroll, Christ Church ». Pendant toute sa vie d’enseignant à Oxford en effet, chacun savait que derrière le professeur respecté de mathématiques se cachait l’auteur d’Alice et le créateur de contes pour enfants. C’est d’ailleurs sous le nom de Lewis Carroll qu’il se présentait à la plage ou dans le train aux petites filles, leur offrant au passage un volume de son roman.
L’année suivante, un banal coup de froid dégénère en bronchite. Charles Dodgson, alias Lewis Carroll, décède le 14 janvier 1898 à Guildford, à l’âge de 66 ans.
Christ Church, Oxford, sa demeure.
L’Université d’Oxford est la plus ancienne université anglaise. La date de sa fondation n’est pas connue précisément. Les traces les plus anciennes d’une activité d’enseignement à Oxford datent de 1096. L’Université a en fait vraiment commencé à se développer à partir de 1167, lorsque Henri II d’Angleterre interdit aux étudiants anglais de suivre les cours de l’université de Paris.
Elle accueille un peu plus de 18 000 étudiants, qui sont répartis dans 39 Collèges et 7 Private Halls (fondations religieuses). La plupart d’entre eux sont installés dans de beaux bâtiments anciens au cœur de la ville ancienne
d’Oxford.
Christ Church est l’un des plus grands collèges d’Oxford. Il fut fondé par le Cardinal Thomas Wolsey en 1524 et fut appelé « Cardinal’s College ». En 1546, le Roi Henry VIII réorganisa le Collège et établit l’ancienne église du monastère en cathédrale du nouveau diocèse d’Oxford. Cette nouvelle institution comprenant la cathédrale et le collège universitaire fut rebaptisé Christ Church.
Le Tom Quad, situé au centre de l’université, est la plus grande cour carrée d’Oxford. Un ancien étudiant, Sir Christopher Wren, fut désigné pour dessiner une nouvelle tour en 1682, laquelle abrite l’une des plus grandes cloches d’Angleterre : The Great Tom.
Christ Church a accueilli bon nombre d’étudiants célèbres : le philosophe John Locke, les écrivains W.H. Auden et Charles Dodgson (Lewis Carroll), le scénariste Richard Curtis, le compositeur Howard Goodall, … et a formé 13 Premiers Ministres britanniques.
Le 4 juillet 1862 est une grande date dans l’histoire de la littérature anglaise. C’est à la suite des événements de cette journée mémorable que Lewis Carroll écrivit « Alice au pays des merveilles ». Il était alors professeur à Christ Church. Le doyen de ce collège d’Oxford, Mr. Liddell, avait trois petites filles : Lorina, Alice et Edith. Nous savons qu’elles étaient ravissantes, et Lewis Carroll ne manquait pas une occasion de se promener ou de bavarder un peu avec ses petites amies, dont Alice, sa préférée. Lui qui bégayait avec les grandes personnes n’éprouvait plus de difficulté de parole avec les enfants.
Ce 4 Juillet donc, Lewis Carroll, en barque, remonta la Tamise avec les petites Liddell. C’était une après-midi ensoleillée, ils prirent le thé sur les bords de l’eau et Lewis Carroll, très inspiré, raconta les histoires qui donnèrent plus tard Alice au pays des merveilles. Quand ils rentrèrent, tard dans la soirée (nous savons par le Journal de Carroll, qu’il était huit heures un quart), Alice demanda « Oh ! Mr. Dodgson, j’aimerais tant que vous écriviez pour moi les Aventures d’Alice « . Lewis Carroll invita les petites filles à venir chez lui pour leur montrer des photographies, et ce n’est qu’à neuf heures du soir qu’il les ramena chez elles. Mais il avait promis d’écrire Alice au pays des merveilles, et si l’on en croit son oncle, Mr. Collingwood, sa mémoire était si bonne qu’il écrivit presque mot pour mot ce qu’il avait raconté. C’est aussi l’opinion qu’exprima Alice Liddell elle-même, bien des années plus tard. Trois ans après ce 4 juillet, jour pour jour, Lewis Carroll offrait à Alice le premier exemplaire des « Aventures d’Alice au pays des merveilles ».
C’est un livre qui a fait beaucoup écrire. Le succès d’une oeuvre est toujours un mystère et les esprits critiques sont attirés par les mystères. En fait, la réalité n’est pas absente de ces merveilleuses aventures. Par exemple, le modèle du Chapelier était un personnage connu à Christ Church College, c’était un certain Theophilus Carter, et Tenniel, pour son illustration, le fit, dit-on, ressemblant. Ce prétendu Chapelier qui éprouve des difficultés avec le Temps inventa un réveille-matin qui fut exposé au Crystal Palace en 1851, mais malheureusement la sonnerie ne fonctionnait pas toujours à l’heure voulue. Il se pourrait que la Reine Rouge ne soit qu’une projection de la gouvernante des petites Liddell. La chatte Dinah était la chatte des Liddell et la chérie d’Alice. Il y a d’autres références à la vie quotidienne telle qu’elle se déroulait à Christ Church dans les deux livres de Lewis Carroll.
En Angleterre, on cite Carroll aussi souvent que Shakespeare ou la Bible. Un poète, Walter de la Mare a écrit : « Alice au Pays des merveilles est l’un des très rares livres qui peuvent être lus avec un égal plaisir par les grandes personnes et les enfants. . . Bien plus, il nous fait accéder à une région de l’esprit jusqu’alors inexplorée… pour une fois et dans un même moment, le temps, le lieu et l’aimée se virent réunis ».
Site officiel de Christ Church.
Photographies de Christ Church.
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LOCALISATION DE LA MAISON :
Il e’tait grilheure; les slictueux toves
Gyraient sur l’alloinde et vriblaient:
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
«Prends garde au Jabberwock, mon fils!
A sa gueule qui mord, à ses griffes qui happent!
Gare l’oiseau Jubjube, et laisse
En paix le frumieux Bandersnatch!»
Le jeune homme, ayant pris sa vorpaline épée,
Cherchait longtemps l’ennemi manziquais…
Puis, arrivé près de l’Arbre Tépé,
Pour réfléchir un instant s’arrêtait.
Or, comme il ruminait de suffêches pensées,
Le Jabberwock, l’oeil flamboyant,
Ruginiflant par le bois touffeté,
Arrivait en barigoulant.
Une, deux! Une, deux! D’outre en outre!
Le glaive vorpalin virevolte, flac-vlan!
Il terrasse le monstre, et, brandissant sa tête,
Il s’en retourne galomphant.
«Tu as donc tué le Jabberwock!
Dans mes bras, mon fils rayonnois!
O jour frabieux! Callouh! Callock!»
Le vieux glouffait de joie.
Il e’tait grilheure; les slictueux toves
Gyraient sur l’alloinde et vriblaient:
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
LF, connais tu le roman policier de Frédéric Brown « La nuit du Jabberwock » ?
http://www.amazon.fr/Nuit-du-Jabberwock-Fredric-Brown/dp/2843622700/ref=sr_1_1?ie=UTF8&s=books&qid=1238220654&sr=8-1
Et comment ! C’est une merveille. On baigne dans le fantastique avant de s’apercevoir que c’est un polar. Du grand Frédric( et non pas Frédéric) Brown du niveau de « L’univers en folie » son autre chef d’oeuvre.
C’est malin, j’ai envie de le relire maintenant !
Oups pardon pour la faute, l’habitude sans aucun doute 😉
Ben écoute c’est bon signe, ça prouve que tu retrouves la forme !!!
La cure d’Orval est une réussite 🙂
Lewis Carroll qui nous fait voyager jusqu’à Fredric Brown, encore une réussite de ce blog 😉
Une accroc aux nouvelles de Brown
Quel magnifique voyage tu viens de me faire faire. Je l’aime d’amour. Merci pour ce billet fantastique rempli de fantaisies.
Lewis Carroll ne se résume pas à « Alice » , c’est un fantastique écrivain que j’aime beaucoup aussi.