Théophile Gautier – Tarbes et Neuilly sur Seine
Biographie de Théophile Gautier
« En littérature, les oeuvres ne sont rien sans la grâce. »
Pierre-Jules-Théophile Gautier naît le 30 août 1811 à Tarbes. L’enfant aura deux sœurs : Émilie, naît le 14 janvier 1817, et Zoé, le 12 mars 1820. Il est le fils de Jean-Pierre Gautier, employé aux Contributions directes. Grâce à la protection de l’abbé de Montesquiou, celui-ci obtient en 1814 une nomination à Paris : il devient chef de bureau de l’octroi. Le 9 janvier 1822, Théophile Gautier entre au Lycée Louis-le-Grand. L’internat ne lui convient guère cependant, ce qui conduit ses parents à le retirer de l’établissement, le 23 avril suivant. Il suivra désormais les cours libres du collège Charlemagne, passant ses vacances au château de Mauperthuis, près de Coulommiers, la demeure des Montesquiou. Naît une passion pour la natation qu’il conservera sa vie durant.
Au printemps 1829, l’adolescent, qui n’a pas achevé sa classe de philosophie, entre chez le peintre Rioult, dont l’atelier se situe à proximité du collège. Il envisage alors de se consacrer à la peinture, avant de changer brusquement d’avis. Le 27 juin en effet, son ami Gérard de Nerval le présente à Victor Hugo. Cette rencontre avec le chef de file de l’école romantique décide de son orientation définitive vers l’écriture et la poésie. Le 25 février 1830, Théophile Gautier figure en bonne place au Théâtre-Français, lors de la première représentation du drame Hernani. Le jeune dandy se fait remarquer parmi les agitateurs enthousiastes, en arborant un éclatant pourpoint rose qu’accompagne un pantalon vert d’eau très pâle et un habit à revers de velours noir.
Le 28 juillet suivant, il fait paraître le premier volume de ses Poésies. Le poète délaisse à cette époque le Petit Cénacle qui se réunit dans l’atelier du peintre Jehan Duseigneur. Il échappe en 1832 au service militaire, étant exempté ou dispensé sous le motif » a eu le bras gauche cassé « . En 1834, Théophile Gautier s’installe alors près de l’appartement de Nerval, dans l’impasse du Doyenné. C’est tout un groupe de jeunes gens de la bohème artistique qui se réunit maintenant chez lui. On donne des bals et on s’amuse. En effet, au cours de ces années, l’écrivain accède à une nouvelle notoriété. Après la publication au mois d’octobre 1832 d’Albertus, ou l’Âme et le Péché, un poème fantastique inspiré de Byron et d’Hoffmann, il fait paraître le 17 août de l’année suivante Les Jeunes-France, romans goguenards. La France littéraire présente également ses études sur François Villon. Le 28 novembre 1835, vient ensuite un roman, Mademoiselle de Maupin.
En 1836, Théophile Gautier livre de nombreux articles pour la presse parisienne. Commence une collaboration avec La Chronique de Paris et avec La Presse d’Émile Girardin, dont il assure bientôt la critique théâtrale. Au mois de février de la même année, Théophile Gautier se lie à Eugénie Fort. Le 29 novembre 1836, un enfant, prénommé Charles-Marie-Théophile, naît de leur union. Gautier reconnaît l’enfant sous la menace d’un duel avec le frère de sa maîtresse. Après un séjour en Belgique pendant l’été 1836, l’écrivain se rend en Espagne, du mois de mai au mois de septembre 1840. Il en rapporte la matière de son Voyage en Espagne, publié le 18 février 1843 sous le titre de Tra Los Montes. D’autres ouvrages écrits de sa plume paraissent au cours de ces années : La Comédie de la Mort puis Fortunio en 1838, Une Larme du Diable l’année suivante.
En 1841, Théophile Gautier s’éprend de Carlotta Grisi, une danseuse de l’Opéra de Paris. Après trois années d’union pendant laquelle les deux amants mènent grand train, c’est avec Ernesta, cantatrice et sœur de cette dernière, qu’il se lie. Le couple aura deux filles : Judith qui naît le 25 août 1845, puis Estelle le 28 novembre 1847. Le 12 octobre 1844, sont publiés Les Grotesques, un recueil d’études rédigées par l’écrivain qui passent en revue l’œuvre des poètes du passé. Au mois de juillet 1845, Théophile Gautier s’embarque pour l’Algérie, accompagnant la campagne militaire du maréchal Bugeaud. Puis, à partir du mois d’août 1850, c’est l’Italie qui l’accueille. Il visite alors Venise, Florence, Rome avant d’être expulsé par les autorités du Royaume de Naples, le 8 novembre, car considéré comme » un Français très exalté du parti rouge « .
Le 15 janvier 1851, on donne Pâquerette à l’Opéra, un ballet dont Théophile Gautier a écrit le livret. Celui-ci n’en est pas à son coup d’essai. En 1841 en effet, il avait participé à la création du ballet Giselle ou les Wilis, qu’accompagne une musique d’Adolphe Adam, puis à celle de La Péri en 1843. Le 16 mai 1852, Théophile Gautier, qui est maintenant un des principaux écrivains de la France du Second Empire, adhère à la Société des gens de lettres. Du mois de juin au mois d’octobre, il effectue ensuite un voyage en Orient. Le poète se rend ainsi à Malte, gagne ensuite Istanbul puis Athènes. Pendant ce temps, à Paris, paraît le 17 juillet un nouveau recueil de vers, Émaux et Camées.
En 1851, Théophile Gautier entre au comité de rédaction de La Revue de Paris. En 1855, il commence à livrer des articles au Moniteur universel, qui est devenu le journal officiel du nouveau régime. Son activité dans la presse parisienne s’étoffe en 1856, année où il prend la direction de L’Artiste en compagnie d’Arsène Houssaye. L’année suivante paraît une nouvelle œuvre en prose, Le Roman de la Momie. Ce rêve oriental, issu de ses conversations avec Gustave Flaubert de retour d’Orient, est aussi l’expression de l’attirance de ses contemporains pour les choses de l’Égypte des Pharaons. Une passion française. Au mois de septembre 1858, Théophile Gautier part pour la Russie et Saint-Pétersbourg. Ses impressions de voyage seront publiées sous le titre de Voyages en Russie en 1866.
Peu de temps auparavant, l’écrivain est venu s’installer à Neuilly, au n°32 de la rue de Longchamp. C’est au mois de décembre 1861 que la Revue nationale et étrangère imprime son nouveau roman, Le Capitaine Fracasse. Celui-ci était annoncé depuis 1844. En 1851 d’ailleurs, La Revue des Deux-Mondes avait intenté à Théophile Gautier un procès pour non-respect du contrat de publication de cette dernière œuvre. Au mois d’avril 1863, il est accueilli au dîner Magny, retrouvant à la table du restaurant parisien quelques-unes des grandes plumes de l’époque : Gustave Flaubert, Charles et Edmond de Goncourt ainsi que Charles-Augustin Sainte-Beuve. Celui-ci rédige bientôt trois articles élogieux, consacrés à l’œuvre de Gautier. Malgré cette reconnaissance de la critique, celui-ci échouera par trois fois dans les années qui suivent – de 1867 à 1869 – dans sa candidature à l’Académie Française. Ces trois tentatives succèdent d’ailleurs à un premier échec en 1856.
Au mois de novembre 1865, Le Moniteur Universel fait paraître Spirite. Quelques années auparavant, son auteur a accepté de l’Empereur Napoléon III une pension de 3.000 francs, somme qui lui est allouée depuis le mois d’avril 1863. Au mois de novembre 1868, la princesse Mathilde, dont il est familier, fait de l’écrivain, qui est maintenant familier du pouvoir, son bibliothécaire, aux appointements de 6.000 francs.. Afin d’assister en compagnie de l’Impératrice Eugénie et de Ferdinand de Lesseps à la cérémonie d’inauguration du canal de Suez, Théophile Gautier part pour un nouveau voyage en Égypte au mois d’octobre 1869. De retour en France l’année suivante, la guerre contre la Prusse étant déclarée, il réside dans la capitale parisienne – 12, rue de Beaune – pendant le siège effectué par les armées ennemies. Au mois d’octobre 1871, alors que la Troisième République vient de réprimer la Commune de Paris, l’écrivain cesse sa collaboration avec le Journal officiel. Théophile Gautier décède le 23 octobre 1872 dans sa maison de Neuilly. Il est inhumé deux jours plus tard au cimetière de Montmartre, où sera inauguré en 1875 un monument à se mémoire.
Tarbes et Neuilly sur Seine
Tarbes :
Tarbes, Pierre Jules Théophile Gautier y est né le 30 août 1811. Sur l’étroite maison rose, une plaque en témoigne, au 23 de la rue Brauhauban. Mais il en est parti à 3 ans. Un père promu homme de confiance de l’abbé de Montesquiou, lui-même nommé ministre de l’Intérieur de Louis XVIII le 1er avril 1814 ; une situation avantageuse dans la capitale pour la famille comme survient la Restauration. L’enfant a dû suivre. Mais l’adulte en parlera toujours comme d’un déracinement. « Chose singulière pour un enfant si jeune, le séjour de la capitale me cause une nostalgie assez intense pour m’amener à des idées de suicide » confie-t-il ainsi, dans sa biographie, se sentant « en terre étrangère » car il ne parle que le patois gascon à 3 ans.
Trois années d’enfance tarbaise pour une éternelle nostalgie de son berceau, puis un séjour éclair, à peine fêtés ses 48 ans. Ce retour à Tarbes va pourtant jouer un rôle majeur pour l’écrivain.
Il y découvrira amusé l’étendue de sa gloire locale, comme visitant anonymement le lycée impérial où, vu son âge, à l’époque, il n’a jamais pu user ses fonds de culotte, Théophile Gautier s’aperçoit que son « pupitre d’écolier était religieusement conservé au collège de la ville et qu’il faisait l’admiration des touristes ».
Si Tarbes et la Bigorre comptent, c’est pour quelque chose de plus profond. Parce qu’en rentrant chez lui, l’écrivain va se remettre à son chef-d’œuvre. Déjà en 1836, le romantique au gilet rouge de la Bataille d’Hernani avait pensé au Capitaine Fracasse, avant de le promettre dix ans plus tard à la Revue des Deux Mondes. Mais en 1859, il ne l’a toujours pas écrit. Il a publié des milliers d’articles, des nouvelles fantastiques, des romans, La Morte Amoureuse, Mademoiselle de Maupin, écrit le premier roman tauromachique, même, avec Militona, et bien sûr, une poésie parfaite avec Émaux et Camées, il a voyagé partout en Europe aussi. Mais son monument est en plan. Et ce n’est qu’après son bol d’air natal qu’il s’y remettra vraiment. Comme si la nostalgie de l’enfant gascon dont les parents se sont mariés au château d’Artagnan avait soudain insufflé l’énergie vitale à Sigognac. Flamboyant Capitaine Fracasse qu’il pensait tuer à la fin. Mais dont ses filles Estelle et Judith obtinrent la grâce. Voire l’immortalité.
La maison natale rue Brauhauban
La maison ne se visite pas.
Le jardin Massey
On y trouve un buste de Théophile Gautier qui a la particularité d’avoir été modelé par sa fille Judith en 1890. Le statuaire Henri Bouillon l’a réalisé. Ce buste a été installé au jardin Massey le 24 juillet 1897.
Merci à Marie-Hélène Cingal pour ses photographies.
Neuilly sur Seine :
Un après-midi d’avril 1857, un fiacre à deux chevaux, lourdement chargé, s’arrêta devant le n°32 d’une voie très provinciale de Neuilly, la rue de Longchamp. Théophile Gautier déménageait. Il avait beaucoup hésité à quitter son domicile de la rue de la Grange-Batelière, à proximité des journaux et théâtres qui étaient sa raison matérielle de vivre. Mais il s’y trouvait assailli d’amis, de collaborateurs, de créanciers aussi, même de curieux, et son logement était étroit. S’expatrier loin du centre de Paris ? Il ne possédait ni voiture de remise, ni tilbury, et il lui faudrait alors attendre l’omnibus au bord du trottoir, les pieds dans la boue. Cependant, les deux directeurs (Dalloz et Turgan) du Moniteur, journal pour lequel Gautier travaillait, favorisèrent le projet, et l’un d’eux dénicha à Neuilly, derrière la folie Saint- James, cette petite maison suivie d’un joli jardin, offerte pour un bail avec promesse de vente : le poète signa, sans penser qu’il n’aurait jamais les moyens d’acheter. Le propriétaire garda la maison voisine, n’y venant que du samedi au lundi car, pour un bourgeois du Second Empire, Neuilly c’était la campagne.
Et donc par une belle après-midi d’avril, les habitants de cette paisible artère proche de la Seine virent arriver deux lourdes charrettes chargées de meubles et de bagages de toute sorte, ainsi qu’un fiacre transportant la smala , selon le mot de Gautier lui-même. Ses deux filles et leur mère Ernesta Grisi, les deux soeurs du poète, ses chats, son chien et ses rats blancs, les livres d’une bibliothèque qui aurait été plus fournie si tant de camarades n’y avaient puisé, un décor de meubles dédorés, de fauteuils Régence, de bahuts néo-gothiques, d’étoffes orientales, russes, algériennes, d’armes soi-disant tartares, de paravents chinois. Le tout accompagné de tableaux, estampes, sculptures des artistes amis, Ingres, Delacroix, Chassériau, Decamps…
Gautier installa rue de Longchamp sa famille, irrégulière aux yeux de l’époque. Par ses premiers contacts avec l’Italie et dans les milieux théâtraux et musicaux de l’époque, il avait fait connaissance de la tribu des Grisi, riche en talents, et en particulier de deux soeurs, Carlotta la danseuse créatrice du corps de ballet Giselle dont Gautier avait écrit le scénario, et Ernesta, la cantatrice. Toutes deux avaient été ses maîtresses, la première épisodiquement, la seconde plus longuement au point de lui donner deux filles, Judith, née en 1850, qui deviendra beauté sculpturale, et Estelle, de traits moins réguliers, mais non moins dénuée de charme. Théophile et Ernesta avaient négligé de s’épouser, lui peut-être par fidélité à un idéal pseudo-révolutionnaire, elle pour ne pas entraver davantage sa carrière. Union de destins qui sera aussi malheureusement union d’incapacité, l’un et l’autre étant étrangers à l’économie domestique : la maison de Neuilly sera pendant dix ans vouée aux emprunts, aux avances, aux billets signés et souvent renouvelés à échéance.
Désormais, c’est là qu’il écrivit certaines de ses pages les plus célèbres, Le Roman de la momie, Le Capitaine Fracasse, ou Spirite ; là qu’il régna en maître sur la critique parisienne, faisant et défaisant des réputations d’écrivains, artistes et autres gens de théâtre ; là qu’il reçut la fine fleur du monde littéraire et artistique de son temps ; là enfin qu’il s’éteignit le 23 octobre 1872.
La maison ne se visite pas.
Merci à Maurice Albray et à Paris bise-art pour les photographies.
Théophile Gautier le site officiel
Théophile Gautier sur France Culture
Le site de Jean Pierre Boudet sur Théophile Gautier écrivain, poète et journaliste
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