Jean Jacques Rousseau – Les Charmettes
Biographie de Jean Jacques Rousseau.
« Tout homme veut être heureux, mais pour parvenir à l’être, il faudrait commencer par savoir ce que c’est que le bonheur ».
Ecrivain et philosophe français, né à Genève le 28 juin 1712, dans une famille calviniste. Jean-Jacques Rousseau, qui est orphelin de mère, est abandonné par son père à l’âge de 10 ans et élevé par son oncle. Son éducation se fait au gré de ses fugues, de ses errances à pied, et de ses rencontres, en particulier Mme de Warens. Sa maîtresse et bienfaitrice qui influencera son œuvre s’attache à parfaire son éducation et le contraint à se convertir au catholicisme. En 1741, Jean-Jacques Rousseau devient précepteur des enfants de Mme de Mably à Lyon. Passionné de musique, il élabore un système de notation musicale qui ne rencontre pas le succès espéré à Paris. Après un séjour à Venise, il retourne à Paris et se lie d’amitié avec Diderot qui lui demande d’écrire des articles sur la musique pour l’Encyclopédie. Jean-Jacques Rousseau vit en ménage avec Thérèse Levasseur, modeste servante, avec laquelle il a cinq enfants. Ne pouvant les élever correctement, il les confie aux Enfants-trouvés, ce que lui reprocheront plus tard ses ennemis.
Jean-Jacques Rousseau acquiert la gloire en 1750 avec son « Discours sur les sciences et les arts » . Il y prend comme hypothèse méthodologique ce qui va devenir le thème central de sa philosophie : l’homme naît naturellement bon et heureux, c’est la société qui le corrompt et le rend malheureux. Il réfute ainsi la notion de péché originel. Jean-Jacques Rousseau retourne dans sa patrie d’origine en 1754 et retrouve la religion calviniste. Après un séjour chez Mme d’Epinay, il est recueilli à Montmorency en 1757 par le maréchal de Luxembourg et va y passer les années les plus fécondes de son existence.
Son oeuvre principale, « Du contrat social », analyse les principes fondateurs du droit politique. Pour Rousseau, seule une convention fondamentale peut légitimer l’autorité politique et permettre à la volonté générale du peuple d’exercer sa souveraineté. Il va plus loin que Montesquieu et Voltaire dans la défense de la liberté et de l’égalité entre les hommes, en proposant un ordre naturel qui concilie la liberté individuelle et les exigences de la vie en société. Le « Contrat social » a inspiré la Déclaration des Droits de l’Homme et toute la philosophie de la Révolution. Son influence a été également importante sur la philosophie allemande (Kant, Fichte…)
Dans « L’Emile ou l’Education », Jean-Jacques Rousseau soutient que l’apprentissage doit se faire par l’expérience plutôt que par l’analyse. Il y professe également une religion naturelle, sans dogme, par opposition à la révélation surnaturelle, ce qui lui vaut d’être condamné en 1762 par le parlement de Paris. Il se réfugie alors en Suisse puis en Angleterre où il est hébergé par David Hume avec lequel il se brouille rapidement. Il revient en France en 1769.
Critiqué par les philosophes et attaqué par Voltaire (qui se moque de sa théorie où la société dénature l’homme), Jean-Jacques Rousseau se sent persécuté. Il tente de se défendre et de s’expliquer dans « Les Lettres écrites de la montagne » et les « Confessions » . Attisée par Voltaire, la population va même jusqu’à lapider sa maison et brûler ses livres. Les dernières années de sa vie se passent à Ermenonville dans la maladie et l’isolement. Il achève « Les rêveries d’un promeneur solitaire » dans la propriété d’Ermenonville du marquis de Girardin. C’est là qu’il meurt, le 2 juillet 1778. La Convention fit transporter ses restes au Panthéon en 1794.
Rousseau expose ses idées religieuses dans la Profession de foi du vicaire savoyard, incluse dans « L’Emile » . Il considère que la matière ne peut se mouvoir par elle-même et pose la nécessité d’une volonté transcendante. Sans chercher à prouver ses idées, mais par le seul élan du coeur, il souscrit à la « religion naturelle » ou déisme, qui lui permet d’accéder à Dieu sans l’intermédiaire des textes sacrés ou du clergé. Le doute lui étant insupportable, sa foi en Dieu n’est pas issue de la raison comme celle des autres déistes de son siècle, mais vient de ce qu’il ressent, des sentiments intimes. Dans une vision qui se veut optimiste, il considère les malheurs des hommes comme nécessaires à l’harmonie universelle et se console par la croyance en l’immortalité. Bien que perçu comme un hérétique par les protestants et les catholiques, Rousseau se dit cependant chrétien, et disciple de Jésus, tout en se livrant au libre examen des dogmes.
Les Charmettes sa maison.
Vallon boisé au sud de Chambéry, fief du marquis de Conzié ami de Rousseau (il y possède une maison et des terres), où se trouvent plusieurs petites exploitations rurales. Madame de Warens et Rousseau y habitent dès 1736 (peut-être 1735) dans la ferme Revil, puis dans la maison de Monsieur Noiret.
Cette maison devient dès la Révolution, à l’époque romantique et jusqu’à nos jours un lieu de pèlerinage : Georges Sand, Lamartine, Stendhal, de très nombreuses personnalités du monde des arts, des lettres et de la politique viennent rendre hommage à Rousseau.
« Je ne savais pas si je trouverais là ce que je venais y chercher, et si la vue des choses ne trahirait pas l’idée que je m’en était faite » (George Sand).
Classée monument historique en 1905, la maison des Charmettes est ouverte au public toute l’année, elle reçoit des visiteurs du monde entier, le site naturel est protégé.
« Après avoir cherché, nous nous fixâmes aux Charmettes, une terre de Monsieur de Conzié à la porte de Chambéry, mais retirée et solitaire comme si l’on était à cent lieues. Entre deux coteaux assez élevés est un petit vallon au fond duquel coule une rigole entre des cailloux et des arbres. Le long de ce vallon à mi-côte sont quelques maisons éparses fort agréables pour quiconque aime un asile un peu sauvage et retiré ». (Les Confessions, livre V)
Les Charmettes sont avant tout une période de bonheur :
« Ici commence le court bonheur de ma vie ; ici viennent les paisibles mais rapides moments qui m’ont donné le droit de dire que j’ai vécu. Moments précieux et si regrettés, ah recommencez pour moi votre aimable cours ; coulez plus lentement dans mon souvenir s’il est possible, que vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession. Comment ferai-je pour prolonger à mon gré ce récit si touchant et si simple ; pour redire toujours les mêmes choses, et n’ennuyer pas plus mes lecteurs en les répétant que je ne m’ennuyais moi-même en les recommençant sans cesse ?
Encore si tout cela consistait en faits, en actions, en paroles, je pourrais le décrire et le rendre en quelque façon : mais comment dire ce qui n’était ni dit, ni fait, ni pensé même, mais goûté, mais senti, sans que je puisse énoncer d’autre objet de mon bonheur que ce sentiment même. Je me levais avec le soleil, et j’étais heureux ; je me promenais et j’étais heureux, je voyais Maman et j’étais heureux, je la quittais et j’étais heureux, je parcourais les bois, les coteaux, j’errais dans les vallons, je lisais, j’étais oisif, je travaillais au jardin, je cueillais les fruits, j’aidais au ménage, et le bonheur me suivait partout ; il n’était dans aucune chose assignable, il était tout en moi-même, il ne pouvait me quitter un seul instant ». (Confessions, livre VI).
La petite exploitation des Charmettes n’est pas riche : le bail de juillet 1738 comptabilise « deux bœufs et des vaches, dix brebis ou moutons, sept poules et un coq », « une charrue, une herse, et un berroton, le tout fort usé et presque hors service », les cultures citées sont le froment, le seigle, l’orge, les fèves, le blé noir. Madame de Warens sert aussi des « tartiffles » (pommes de terre) à ses domestiques, on cultive aussi aux Charmettes le « blé de Turquie » (maïs), introduits nouvellement en Savoie.
Rousseau élève des pigeons et des abeilles, il est souvent malade, mais comme tous les autodidactes, il a une incroyable soif de découvertes, il étudie la musique, la géométrie, l’histoire (on a conservé de lui une » Chronologie universelle« qui date de cette époque), la géographie, l’astronomie (il fait des observations à la lunette dans le jardin), la physique, la chimie (un accident lors d’une expérience le conduit à rédiger son testament). Avec l’argent de son héritage, il s’achète des livres, dans sa commande au libraire Barillot, on trouve des romans (Marivaux, l’abbé Prévost), mais aussi des ouvrages de mathématiques, le « Dictionnaire » de Bayle, il pioche abondamment dans la bibliothèque de son ami Conzié et dans celle des jésuites de Chambéry, il lit les écrits de Port-Royal et devient « demi-janséniste ». C’est alors qu’il constitue son « magasin d’idées » et fait mûrir sa pensée :
« Je me dis: Commençons par me faire un magasin d’idées, vraies ou fausses, mais nettes, en attendant que ma tête en soit assez fournie pour pouvoir les comparer et choisir. Cette méthode n’est pas sans inconvénient, je le sais; mais elle m’a réussi dans l’objet de m’instruire. Au bout de quelques années à ne penser exactement que d’après autrui, sans réfléchir pour ainsi dire, et presque sans raisonner, je me suis trouvé un assez grand fonds d’acquis pour me suffire à moi-même et penser sans le secours d’autrui ».(Confessions, livre VI).
Rousseau compose aux Charmettes ses premiers essais, il écrit des poèmes qu’il rassemblera sous le titre « La Muse allobroge ou les œuvres du petit poucet », et notamment « Le Verger de Madame de Warens », ainsi que « l’Epitre à Parisot ». Il compose aussi des pièces de théâtre « Iphis et Narcisse », un opéra « La Découverte du nouveau monde ». Il traite même de sujet scientifiques « Si le Monde que nous habitons est une sphère », publié dans le Mercure de France de septembre 1738, il prépare aussi son projet de notation musicale chiffrée, « méthode qu’il avait forgée aux Charmettes » d’après Conzié. Il part pour Paris son projet en poche pensant faire fortune en le présentant à l’Académie des sciences, hélas sans succès.
C’est cependant loin d’être une idylle sentimentale, dans ses lettres écrites de Montpellier, où il part de septembre 1737 à février 1738, Rousseau se plaint de ne pas recevoir de nouvelles de Madame de Warens et à son retour il trouve sa « place prise » par Wintzenried. A partir de 1739, il ne voit plus beaucoup Madame de Warens aux Charmettes, il lit, écrit, le plus souvent seul, après l’interruption de son séjour à Lyon d’avril 1740 à avril 1741, il revient aux Charmettes en mai 1741, il ne les quitte définitivement qu’en juillet 1742, lorsqu’il part pour Paris.
Episode capital, les Charmettes sont en quelque sorte l’apogée des « Confessions », au centre de l’ouvrage. Il est significatif que les dernières lignes que Rousseau a écrites avant de mourir en 1778 soient aussi dédiées à Madame de Warens et aux Charmettes dans la « Dixième promenade des Rêveries du promeneur solitaire » :
« Aidé de ses leçons et de son exemple, je sus donner à mon âme encore simple et neuve la forme qui lui convenait davantage et qu’elle a gardé toujours. Le goût de la solitude et de la contemplation naquit dans mon cœur avec les sentiments expansifs et tendres fait pour être son aliment. Le tumulte et le bruit les resserrent et les étouffent, le calme et la paix les raniment et les exaltent. J’avais besoin de me recueillir pour aimer. Une maison isolée au penchant d’un vallon fut notre asile, et c’est là que dans l’espace de quatre ou cinq ans j’ai joui d’un siècle de vie ».
Période de formation et de bonheur, les Charmettes ont permis à Rousseau de devenir lui-même :
« Durant ce petit nombre d’années, aimé d’une femme pleine de complaisance et de douceur, je fis ce que je voulais faire, je fus ce que je voulais être ».
Société Internationale des Amis du Musée Jean Jacques Rousseau
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