Les livres de Jules Michelet chez Amazon
Histoire de France
Ressusciter le passé, par le contact avec les sources et la passion des archives, et surtout par l’écriture : telle est l’ambition de l’Histoire de France de Michelet, un homme qui, disait Taine, écrit « comme Delacroix peint et comme Doré dessine ». Les transformations de la sensibilité, l’imbrication de la vie privée et des affaires publiques, l’influence des enjeux financiers sur les événements politiques, la façon dont l’esprit et le style d’une époque se manifestent dans les oeuvres d’art, le rôle des modes, l’évolution des régimes alimentaires… tout est matériau pour raconter une Histoire dramatique, troublante, dans laquelle le lecteur est plongé un peu comme Fabrice à Waterloo, découvrant les événements en même temps que leurs acteurs : et l’on tremble à lire le récit de la folie du jeune Charles VI, l’on s’émeut de la destinée tragique de Charles le Téméraire, l’on entre avec effroi dans la biographie de Damiens, l’auteur de l’attentat contre Louis XV… De cette fresque immense, qui déroule l’histoire de France depuis les peuples barbares jusqu’à la veille de la Révolution française, cet ouvrage propose une sélection de moments, en guise d’initiation à une oeuvre comparable à La Comédie humaine, au cycle des Rougon-Macquart ou à la Recherche du temps perdu.
—> Histoire de France chez Amazon en livre de poche
Histoire de la Révolution française
Michelet (1798-1874), pour comprendre la formation de la monarchie, a voulu en étudier la ruine : son Histoire de la Révolution française parut de 1847 à 1853. Elle est demeurée, depuis lors, parce que écrite au plus près des archives, le Grand récit de référence, historique, épique, lyrique. Il n’est jusqu’aux historiens contemporains, marxistes ou libéraux, qui n’y aient puisé, ne l’aient discuté, ne s’en soient inspirés. «Toute histoire de la Révolution jusqu’ici était essentiellement monarchique. Celle-ci est la première républicaine, celle qui a brisé les idoles et les dieux. De la première page à la dernière, elle n’a eu qu’un héros : le peuple.»
—> Histoire de la Révolution française I, II chez Amazon en livre de poche
Histoire de France – Tome 1
» C’est dans son palais d’Aix qu’il fallait voir Charlemagne. Ce restaurateur de l’Empire d’Occident avait dépouillé Ravenne de ses marbres les plus précieux pour orner sa Rome barbare. Actif dans son repos même, il y étudiait, sous Pierre de Pise, sous le Saxon Alcuin, la grammaire, la rhétorique, l’astronomie ; il apprenait à écrire, chose fort rare alors. Il se piquait de bien chanter au lutrin, et remarquait impitoyablement les clercs qui s’acquittaient mal de cet office. Il trouvait encore du temps pour observer ceux qui entraient ou sortaient de la demeure impériale. Des jalousies avaient été pratiquées à cet effet dans les galeries élevées du palais d’Aix-la-Chapelle. La nuit il se levait fort régulièrement pour les matines. Haute taille, tête ronde, gros col, nez long, ventre un peu fort, petite voix, tel est le portrait de Charles dans l’historien contemporain. Au contraire, sa femme Hildegarde avait une voix forte ; Fastrade qu’il épousa ensuite exerçait sur lui une domination virile. Il eut pourtant bien des maîtresses, et fut marié cinq fois ; mais à la mort de sa cinquième femme, il ne se remaria plus, et se choisit quatre concubines dont il se contenta désormais. » L’Histoire de France est le chef-d’œuvre de Michelet (1798-1874).
—> Histoire de France : Tome 1, La Gaule, les Invasions, Charlemagne chez Amazon
Histoire de France – Tome 2
» Le grand mouvement de la croisade ayant un instant tiré les hommes de la servitude locale, les ayant menés au grand air par l’Europe et l’Asie, ils cherchèrent Jérusalem, et rencontrèrent la liberté. Cette trompette libératrice de l’archange, qu’on avait cru entendre en l’an 1000, elle sonna un siècle plus tard dans la prédication de la croisade. Au pied de la tour féodale, qui l’opprimait de son ombre, le village s’éveilla. Cet homme impitoyable qui ne descendait de son nid de vautour que pour dépouiller ses vassaux, les arma lui-même, les emmena, vécut avec eux, souffrit avec eux, la communauté de misère amollit son cœur. Plus d’un serf put dire au baron : « Monseigneur, je vous ai trouvé un verre d’eau dans le désert ; je vous ai couvert de mon corps au siège d’Antioche ou de Jérusalem. » Il dut y avoir aussi des aventures bizarres, des fortunes étranges. Dans cette mortalité terrible, lorsque tant de nobles avaient péri ; ce fut souvent un titre de noblesse d’avoir survécu. L’on sut alors ce que valait un homme. » L’Histoire de France est le chef-d’œuvre de Michelet (1798-1874).
—> Histoire de France : Volume 2, Tableau de la France ; Les Croisades ; Saint Louis chez Amazon
Histoire de France – Tome 3
» Philippe-le-Bel avait été élevé par un dominicain. Il avait pour confesseur un dominicain. Longtemps ces moines avaient été amis des Templiers, au point même qu’ils s’étaient engagés à solliciter de chaque mourant qu’ils confesseraient un legs pour le Temple. Mais peu à peu les deux ordres étaient devenus rivaux. Les dominicains avaient un ordre militaire à eux, les Cavalieri gaudenti, qui ne prit pas grand essor. A cette rivalité accidentelle il faut ajouter une cause fondamentale de haine. Les Templiers étaient nobles ; les dominicains, les Mendiants, étaient en grande partie roturiers (…). Dans les Mendiants, comme dans les légistes conseillers de Philippe-le-Bel, il y avait contre les nobles, les hommes d’armes, les chevaliers, un fonds commun de malveillance, un levain de haine niveleuse. Les légistes devaient haïr les Templiers comme moines ; les dominicains les détestaient comme gens d’armes, comme moines mondains, qui réunissaient les profits de la sainteté et l’orgueil de la vie militaire. (…) Le coup ne fut pas imprévu, comme on l’a dit. Les Templiers eurent le temps de le voir venir. Mais l’orgueil les perdit ; ils crurent toujours qu’on n’oserait. «
—> Histoire de France : Tome 3, Philippe-le-Bel, Charles V chez Amazon
Histoire de France – Tome 4
» Ce sont d’étranges époques. On nie tout, on croit tout. Une fiévreuse atmosphère de superstition sceptique enveloppe les villes sombres. L’ombre augmente dans leurs rues étroites ; leur brouillard va s’épaississant aux fumées d’alchimie et de sabbat. Les croisées obliques ont des regards louches. La boue noire des carrefours grouille en mauvaises paroles (…). On s’attend alors à quelque chose. A quoi ? On l’ignore. Mais la nature avertit ; les éléments semblent chargés. Le bruit courut un moment sous Charles VI, qu’on avait empoisonné les rivières. Dans tous les esprits, flottait d’avance une vague pensée de crime. «
—> Histoire de France : Tome 4, Charles VI chez Amazon
Histoire de France – Tome 5
Le livre 5 est centré sur la libération de la France, sous l’impulsion de Jeanne d’Arc et du futur Charles VII (1403-1461), après le catastrophique règne de Charles VI le fou, qui avait laissé l’Angleterre contrôler l’Aquitaine, la Normandie, la Bretagne et même Paris. La France reprend donc laborieusement sa puissance aux dépens de l’Angleterre pourtant soutenue en sous-main par le duché de Bourgogne, lui-même au faîte de sa puissance sous le sournois Philippe le Bon, qui étend sa domination de Mâcon jusqu’aux Pays-Bas.
—> Histoire de France : Tome 5, Jeanne d’Arc, Charles VII chez Amazon
Histoire de France – Tome 6
» C’est que Louis XI, sans être pire que la plupart des rois de cette triste époque, avait porté une plus grave atteinte à la moralité du temps. Pourquoi? II réussit. On oublia ses longues humiliations, on se souvint des succès qui finirent ; on confondit l’astuce et la sagesse. Il en resta pour longtemps l’admiration de la ruse, et la religion du succès. (…) Sous ce règne, il faut le dire, le royaume, jusque-là tout ouvert, acquit ses indispensables barrières, sa ceinture de Picardie, de Bourgogne, Provence et Roussillon, Maine et Anjou. Il se ferma pour la première fois, et la paix perpétuelle fut fondée pour les provinces du Centre. « Si je vis encore quelque temps, disait Louis XI à Comines, il n’y aura plus dans le royaume qu’une coutume, un poids et une mesure. Toutes les coutumes seront mises en français, dans un beau livre. Cela coupera court aux ruses et pilleries des avocats; les procès en seront moins longs… Je briderai, comme il faut, ces gens du Parlement… Je mettrai une grande police dans le royaume. » »
—> Histoire de France : Tome 6, Louis XI chez Amazon
Histoire de France – Tome 7
« Générations trop confiantes dans les forces collectives qui font la grandeur du dix-neuvième siècle, venez voir la source vive où le genre humain se retrempe, la source de l’âme, qui sent que seule elle est plus que le monde et n’attend pas du voisin le secours emprunté du salut.
Le seizième siècle est un héros. »
Très longue introduction tâchant d’expliquer pourquoi la renaissance s’est faite tant attendre, charge violente contre la scolastique du moyen-âge, accusée d’avoir stérilisé les esprits pour trois siècles, où Michelet y fustige au passage l’architecture gothique, « éternel échafaudage qui semble oublié du maçon », ainsi que le christianisme en tant qu’allié naturel « de la monarchie, de l’aristocratie, des maîtres en tous pays d’esclaves, […] l’essence même de la contre-révolution : respectez toute puissance, car elle est de Dieu.»
L’essentiel de ce volume est ensuite consacré aux campagnes d’Italie entre 1494 et 1544, Charles VIII d’abord, puis Louis XII et enfin François 1er, campagnes où la France, attendue en libératrice, fait preuve de beaucoup de maladresse diplomatique pour perdre ses appuis et même les livrer au nouvel empire naissant avec Charles Quint. On y suit les armées de France découvrant cette culture insoupçonnée, grandiose tant dans le bien que dans le mal (c’est aussi l’époque de César Borgia, qui tue le mignon de son père le pape Alexandre VI dans ses bras, l’éclaboussant de son sang), si différente d’une France qu’elles ont quitté « si médiocre qu’elle ne sait même plus ce que c’est que la médiocrité ».
On y retrouve aussi l’enthousiasme de Michelet, comme si de son côté il retrouvait une période qu’il aimait, au détour de quelques passages notamment sur Brunelleschi, Savonarole, Machiavel (« agent à 10 écus par mois » [de Florence auprès de César Borgia]) ou encore les religieux grattant les textes de l’antiquité pour en faire de petits psautiers : « Plût au ciel que les bénédictins n’eussent su ni lire ni écrire ! »
—> Histoire de France : Tome 7, Renaissance chez Amazon
Histoire de France – Tome 8
» La puissance d’enfantement qu’eut la France à ce moment éclata par l’apparition subite des deux langues françaises, qui surgissent, adultes, mûres, tout armées, dans les deux écrivains capitaux du siècle : l’immense et fécond Rabelais, le fort, le lumineux Calvin. Cette France de Gargantua, principal organe de la Renaissance, est-elle au niveau de son râle ? Avec ce cerveau gigantesque, a-t-elle un corps ? a-t-elle un cœur ? A-t-elle cette vie générale, répandue partout, que l’Italie avait dans son bel âge ? La France étonne par d’effrayants contrastes. C’est un géant et c’est un nain. C’est la vie débordante, c’est la mort et c’est un squelette. Comme peuple, elle n’est pas encore. Donc, sur quoi porte la Renaissance française ? Faut-il le dire ? Sur un individu. (…) Ce roi parleur, ce roi brillant, qui dit si bien, agit si mal, mobile en ses résolutions encore plus que dans ses amours, cet imprudent, cet étourdi, ce Janus, cette girouette, François Ier, fut un Français. «
—> Histoire de France : Tome 8, Réforme chez Amazon
Histoire de France – Tome 9
» Il était temps, grand temps, que le protestantisme prît l’épée et avisât à sa défense. Il périssait certainement, s’il ne devenait un parti armé (…). La question suprême du temps éclatait dans sa vérité. Elle s’était révélée en Angleterre sous le terrorisme de Marie la Sanglante. En France, des ténèbres, elle jaillit par un jet de flammes comme un incendie souterrain. En face de ces grands signes, les rois allaient se reconnaître, cesser une lutte qui n’avait point de sens, s’avouer qu’ils étaient d’accord, qu’ils n’avaient d’ennemi que la liberté protestante, et tourner leurs efforts contre elle. Aux Pays-Bas, en Angleterre, en Italie, en Espagne et en France, au nord comme au midi, tout s’accorde pour l’étouffer. La Réforme française peut dire à ses enfants, comme le loup de la fable aux siens : Montez sur une montagne, et regardez aux quatre vents, aussi loin que vous pouvez voir, vous ne verrez qu’ennemis. «
—> Histoire de France : Tome 9, Guerres de religion chez Amazon
Histoire de France – Tome 10
Paul Viallaneix, éditeur notamment du Journal et des Œuvres complètes de Michelet, est l’auteur de La Voie royale. Essai sur l’idée de peuple dans l’œuvre de Michelet (Flammarion), et Michelet, les travaux et les jours (Gallimard). Paule Petitier est professeur à l’Université de Paris Diderot-Paris 7. Elle est l’auteur de La Géographie de Michelet (L’Harmattan) et Jules Michelet, l’homme histoire (Grasset).
—> Histoire de France : Tome 10, La Ligue et Henri IV chez Amazon
Histoire de France – Tome 11
—> Histoire de France : Tome 11, Henri IV et Richelieu chez Amazon
Histoire de France – Tome 12
» C’est là le sérieux de la Fronde. Elle ne laisse nul résultat visible, palpable, matériel. Elle laisse un esprit, et cet esprit, logé dans un véhicule invincible, ira, pénétrera partout. Elle a fait, pour l’y mettre, une étrange machine, la nouvelle langue française. (…) La Fronde a fait cette langue. Cette langue a fait Voltaire, le gigantesque journaliste. Voltaire a fait la presse et le journalisme moderne.(…) Ce terrible engin d’analyse éclaire tout, dissout tout et peut tout mettre en poudre, broyer tout, formalisme, lois, dogmes et trônes. Son nom, c’est : La raison parlée. «
—> Histoire de France : Tome 12, Richelieu et la Fronde chez Amazon
Histoire de France – Tome 13
» Louis XIV enterre un monde. Comme son palais de Versailles, il regarde le couchant. Après un court moment d’espoir (1661-1666), les cinquante ans qui suivent ont l’effet général du grand parc tristement doré en octobre et novembre, à la tombée des feuilles. Les vrais génies d’alors, même en naissant, ne sont pas jeunes, et, quoi qu’ils fassent, ils souffrent de l’impuissance générale. La tristesse est partout, dans les monuments, dans les caractères ; âpre dans Pascal, dans Colbert, suave en Madame Henriette, en La Fontaine, Racine et Fénelon. (…) Cet attribut divin (commun au XVIe siècle), à pas un n’est resté : La Joie ! La joie, le rire des dieux, comme on l’entendit à la Renaissance, celui des héros, des grands inventeurs, qui voyaient commencer un monde, on ne l’entend plus depuis Galilée. Le plus fort du temps, son puissant comique, Molière, meurt de mélancolie. «
—> Histoire de France : Tome 13, Louis XIV et la Révocation de l’Edit de Nantes chez Amazon
Histoire de France – Tome 14
—> Histoire de France : Tome 14, Louis XIV et le duc de Bourgogne chez Amazon
Histoire de France – Tome 15
—> Histoire de France : Tome 15, La Régence chez Amazon
Histoire de France – Tome 16
« Le roi avait quarante-sept ans. Ses excès de vin, de mangeaille, lui avaient fait un teint de plomb. La bouche crapuleuse dénonçait plus que le vice, le goût du vil, l’argot des petites canailles, qu’il aimait à parler. (…) Il n’était pas cruel, mais mortellement sec, hautain, impertinent. Et il eût cassé ses jouets. C’était un personnage funèbre au fond, il parlait volontiers d’enterrement, et si on lui disait : « Un tel a une jambe cassée », il se mettait à rire. Sa face était d’un croque-mort. Dans ses portraits d’alors, l’œil gris, terne, vitreux, fait peur. C’est d’un animal à sang froid. Méchant ? Non, mais impitoyable. C’est le néant, le vide, un vide insatiable, et par là très sauvage. […] Beaucoup, en Europe et en France, disaient : « On le tuera. » Dans la cour du palais, quand il revint, les poissardes disaient (et redirent) : « Il y aura une saignée. » Et d’autres : « Il faut une saignée en France. » »
—> Histoire de France : Volume 16, Louis XV chez Amazon
Histoire de France – Tome 17
« Louis XVI n’eut rien de la France, ne la soupçonna même pas. De race et par sa mère, il était un pur Allemand, de la molle Saxe des Augustes, obèse et alourdie de sang, charnelle et souvent colérique. Mais, à la différence des Augustes, son honnêteté naturelle, sa dévotion, le rendirent régulier dans ses mœurs, sa vie domestique. En pleine cour il était solitaire, ne vivant qu’à la chasse, dans les bois de Versailles, à Compiègne ou à Rambouillet. C’est uniquement pour la chasse, pour conserver ses habitudes, qu’il tint les États généraux à Versailles (si près de Paris) ! S’il n’eût vécu ainsi, il serait devenu énorme, comme les Augustes, un monstre de graisse, comme son père le Dauphin, qui dit lui-même, à dix-sept ans, « ne pouvoir traîner la masse de son corps. » Mais ce violent exercice est comme une sorte d’ivresse. […] Il n’était nullement crapuleux comme Louis XV. Mais c’était un barbare, un homme tout de chair et de sang. De là sa dépendance de la reine. […] Nul roi ne montra mieux une loi de l’histoire, qui a bien peu d’exceptions : « le roi, c’est l’étranger. » « .
—> Histoire de France : Volume 17 : Louis XVI chez Amazon
Bible de l’humanité
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L’insecte
Porté par le succès de L’oiseau, L’insecte, tiré d’emblée à 8000 exemplaires, paraît le 17 octobre 1857 chez Hachette. Le livre relève une gageure, celle de s’intéresser à des créatures mal-aimées et effrayantes, moins connues aussi, ce qui pouvait en revanche susciter la curiosité. Comme dans l’Oiseau, les connaissances scientifiques sont exposées d’une façon qui laisse place à l’interprétation métaphorique : l’insecte est ce travailleur chargé d’outils (pinces, scies) avançant souvent en légions innombrables qui comme le peuple, et pour la même raison, parce qu’on le connaît mal, peut faire peur. Si les masses, selon la conception de Michelet, font l’histoire, les insectes (ces « multitudes infimes ») font le globe : il insiste sur la fonction essentielle de l’insecte dans le cycle de la nature. « Cet imperceptible constructeur » est aussi l’épurateur, celui qui transforme toutes les matières en décomposition. Il a donc un lien privilégié avec la mort, et par là avec la renaissance. Conception cyclique, chère à Michelet, où le peuple, abattu, opprimé, toujours renaît de ses cendres. L’insecte parle donc de la résurrection et de l’immortalité. Il prouve dans ses métamorphoses la pérennité de l’être à travers des crises qui paraissent autant de morts. Il est aussi la seule créature vivante, excepté l’homme, Michelet le démontre par l’observation des fourmis et des abeilles, à atteindre « le but le plus élevé », celui de la Cité. L’historien vante l’aptitude à la construction des abeilles, le sens de l’organisation sociale qui préside à la destinée des communautés de fourmis, et par là amorce une réflexion qui lui est chère celle de la personnalité morale des animaux. Propos qui se reflètent aujourd’hui, avec succès, dans le travail d’une Elisabeth de Fontenay, par exemple. Avant l’homme, l’insecte a compris comment éluder la mort : en créant la société. Par l’observation, l’homme doit s’efforcer de respecter la « personne » et la vie de ces infimes créatures dont certaines menacées aujourd’hui pourrait signifier sa propre disparition. En étudiant l’insecte avec la précision qui le caractérise, Michelet livre un merveilleux éloge de la nature, de ses profondeurs et de ses soubassements, dans la lignée d’une oeuvre qui toujours pose la question de la communauté et de l’organisation sociale du vivant.