Biographie de William Morris

Wmmorris3248« L’éducation: … quelque chose qui avait été préalablement mâché et digéré d’avance plusieurs fois de suite par une foule de gens qui s’en souciaient comme d’une guigne, à seule fin de le servir à d’autres qui ne s’en souciaient pas davantage ».

 

William Morris, est un fabricant designer textile, imprimeur, écrivain, poète, conférencier, peintre, dessinateur et architecte britannique, célèbre à la fois pour ses œuvres littéraires, son engagement politique, son travail d’édition et ses créations dans les arts décoratifs, en tant que membre de la Confrérie préraphaélite, qui furent une des sources qui initièrent le mouvement Arts & Crafts qui eut dans ce domaine une des influences les plus importantes en Grande-Bretagne au XXe siècle.

Tout le long de sa vie, William Morris écrivit et publia de la poésie, des romans et traduisit d’anciens textes du Moyen Âge et de l’Antiquité. Son travail littéraire le plus connu en français est l’utopie News from Nowhere (Nouvelles de nulle part) écrit en 1890. Par son activisme politique, il fut une personnalité clef de l’émergence socialiste britannique en contribuant à la fondation de la Socialist League en 1884, bien qu’il reniât le mouvement à la fin de la même décennie. Il consacra la fin de sa vie à l’édification de l’imprimerie et maison d’édition Kelmscott Press qu’il fonda en 1891. L’édition Kelmscott de 1896 des œuvres de Geoffrey Chaucer est aujourd’hui considérée comme un chef-d’œuvre de conception éditoriale.

William Morris est né à Elm House, Walthamstow, le 24 mars 1834, troisième enfant et premier fils d’une famille de moyenne bourgeoisie aisée d’origine galloise. Son père, William Morris, travaillait comme agent de change pour la compagnie Sanderson & Co. à la Cité de Londres. Sa mère, Emma Morris, née Shelton, fille de Joseph Shelton, professeur de musique à Worcester. Sans être un prodige, il reste un enfant délicat et studieux. « Il ne fut guère remarquable que par son grand amour de la lecture ». Il apprend à lire très jeune et dès l’âge de quatre ans il est émerveillé par les Waverley Novels de Walter Scott qu’il à déjà lus en grande partie et qui furent une impulsion pour ses poèmes d’inspiration médiévale. Il a six ans en 1840, lorsque sa famille s’installe à Woodford Hall ouvert sur de plus grands espaces. Des cours trop réguliers lui sont épargnés afin de ménager sa santé, ce qui lui permet de mener une vie de plein air qui lui donne force et vigueur. Vêtu parfois d’une panoplie de chevalier en armure, il se promène à cheval et apprend par l’observation de la nature dans la forêt d’Epping.

« La forêt lui fut une amie, il ne tarda pas à en connaître tous les sites, tous les chemins, il essayait d’y surprendre les troupeaux de daims qui y vivent. En retour elle l’initia à la beauté. Inconsciemment sans doute, mais sûrement, il commença à sentir le charme profond de la nature, et toute son œuvre de poète et d’artiste devait en être pénétrée. Sans comprendre toute la mystérieuse beauté de la forêt il apprit à l’aimer. Elle fut son premier maître, un magister point pédant, sans rien de rébarbatif ni d’austère, dont les leçons s’égayaient de chants d’oiseaux, de soleil et de parfums sous les arbres, et qui lui apprit à regarder de près et avec sympathie les bêtes et les plantes. C’est peut-être à cette habitude d’observation précise, contractée dès l’enfance que nous devons la frappante vérité de ses décorations florales. » 

Lecteur vorace, il lit tout ce qui lui tombe sous la main et se passionne pour les Mille et une nuits ou les illustrations de l’herbier de John Gerard. Jusqu’à l’âge de neuf ans, il suit l’enseignement donné par la gouvernante de ses sœurs, avant d’entrer dans une école préparatoire pour jeunes gentlemen de Walthamstow en 1843 où il travaillera médiocrement pendant quatre années. Il a treize ans en 1847, lorsque son père décède, laissant la famille dans une grande aisance matérielle. Les Morris quittent Woodford, jugée désormais trop grande, et le jeune garçon entre à l’internat de Marlborough College en février 1848, où son père avait payé pour qu’on lui réserve une place. Pendant les trois années où il y reste, il tire peu de profit des leçons de français, de latin ou de mathématiques et ne prend goût qu’à l’architecture, grâce aux ouvrages de la bibliothèque, et un certain penchant pour l’anglo-catholicisme qui lui donne la vocation de devenir prêtre. Ses résultats sont médiocres et à Noël 1851, sa famille le retire de Marlborough et le confie aux soins d’un tuteur privé, le révérend F. B. Guy, plus tard chanoine de Saint-Alban, qui disposera d’une année pour le préparer à l’entrée à l’université.

Après des études universitaires de théologie à Exeter College (Oxford), il songe à entrer dans les ordres. Il y fait la connaissance d’Edward Burne-Jones. Les deux hommes se lient d’une amitié qui durera toute leur vie et que cimente une passion commune pour la création artistique. La lecture de Thomas Carlyle, de Charles Kingsley et de John Ruskin le persuade de se consacrer à l’art. Étudiant en architecture, puis en peinture, il rencontre Dante Gabriel Rossetti et les artistes de la « Confrérie préraphaélite » en 1856, ce qui le détermine à consacrer sa vie aux arts décoratifs, à la fois comme créateur et comme homme d’affaires. En 1859, il se marie avec le modèle Jane Burden, dont il a deux filles.

La contradiction entre les aspirations socialistes utopiques de Morris et ses activités de créateur d’objets de luxe, accessibles uniquement à une clientèle de grands bourgeois victoriens, reste encore problématique aujourd’hui. L’explication peut se trouver dans les théories socialistes elles-mêmes, qui visent à démocratiser l’art et ses savoir-faire sous toutes ses formes, afin que l’ouvrier devienne artisan et artiste. La pleine réalisation de l’être humain ne peut s’effectuer, selon Morris, que dans la création d’objets et de meubles beaux et pratiques. Soustraite aux impératifs impérialistes de rentabilité et de rapidité, la fabrication des éléments nécessaires à la vie quotidienne devient un plaisir en soi et la raison d’être d’une vie libre et épanouissante. Le souhait de Karl Marx, « de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins » se trouve ainsi réalisé, dans l’abolition de l’anarchie économique que provoque le capitalisme (concurrence, faillites, chômage…).

Morris connut en son temps la célébrité en tant qu’auteur littéraire. Son premier recueil de poésie, The Defense of Guenevere, n’obtint pas un grand succès et il ne fut véritablement reconnu comme poète que grâce à The Earthly Paradise en 1870. Il fut également l’auteur de traductions de sagas islandaises, telle que Sigurd the Volsung, et d’autres textes classiques.

Ses principales fictions romanesques, ou romances en prose , sont A Dream of John Bull, The Well at the World’s End et l’utopie socialiste News from Nowhere, parue en 1890. On le considère souvent comme le père de la fantasy, The story of the Glittering Plain, The Wood Beyond the World, The Well at the world’s End et The Water of the Woundrous Isles ont influencé l’œuvre de Tolkien.

Il mit aussi son talent d’écrivain au service de ses convictions politiques, comme dans son ouvrage Les Arts décoratifs, leur relation avec la vie moderne.

C’est en 1876 que William Morris fait son entrée en politique en acceptant le poste de trésorier de l’Eastern Question Association. En 1883, déçu par les libéraux, il rejoint les socialistes de la Social Democratic Federation, puis fait partie du groupe de militants qui fonde la Socialist League en décembre 1884 pour s’opposer à l’orientation réformiste de la SDF. L’existence de la Ligue est éphémère et elle disparaît en 1890 après avoir connu des conflits internes.

Pendant les années 1880-1890, Morris n’eut de cesse de parcourir la Grande-Bretagne en tant qu’activiste socialiste, alternant conférences et discours. Il prônait l’amélioration de la qualité de la vie des travailleurs manuels, de la classe ouvrière tout entière, grâce à l’éducation et les loisirs, avec, en particulier, l’enseignement des arts appliqués. Il considérait la guerre entre le capital et le travail comme le sujet essentiel de toute réflexion sur la société contemporaine. Il s’insurgeait contre le côté philistin de la société victorienne qui le faisait désespérer d’un possible épanouissement de l’art dans le système capitaliste basé sur le profit et la production de masse dénuée de qualité.

Il fut un ardent défenseur de l’environnement et du patrimoine architectural. Sa défense de la terre et ses attaques contre la répartition pernicieuse des biens anticipaient, à maints égards, les revendications écologistes. C’est en particulier à cause de son écologisme radical qu’il sera re-découvert par une partie de l’ultra-gauche française.

« Oui : il faut encore que les ouvriers prêtent main forte à la grande invention industrielle de l’époque : la falsification, et qu’ils s’en servent afin de produire pour eux-mêmes un simulacre dérisoire du luxe des riches ! Car les salariés vivront toujours comme l’ordonnent leurs payeurs, et le mode de vie qu’ils ont est celui que leur imposent leurs maîtres. »

« Mais c’est perdre son temps que de vouloir exprimer l’étendue du mépris que peuvent inspirer les productions de cet âge bon marché dont on vante tellement les mérites. Il suffira de dire que le style bon marché est inhérent au système d’exploitation sur lequel est fondé l’industrie moderne. Autrement dit, notre société comprend une masse énorme d’esclaves, qui doivent être nourris, vêtus, logés et divertis en tant qu’esclaves, et que leurs besoins quotidiens obligent à produire les denrées serviles dont l’usage garantit la perpétuation de leur asservissement. »

Partageant les vues de John Ruskin, qu’il contribue fortement à populariser, William Morris s’engage à ses côtés pour prôner la « non-restauration ». Il étend la réflexion de Ruskin aux architectures non-nobles, et diffuse l’idée que la restauration est une perte d’authenticité pour l’œuvre. En 1877, il crée la Society for the Protection of Ancient Building, qui s’attache au respect du monument comme document historique et souhaite l’étendre, au-delà du Moyen Âge, à toutes les périodes.

La première décoration d’intérieur dont Morris se chargea fut celle de sa propre demeure « Red House » construite en 1859 par Philip Webb pour le jeune couple à Bexleyheath, alors en pleine campagne avant de devenir par la suite un faubourg de Londres. À l’Exposition universelle de Londres en 1851, Morris avait été surpris par la laideur des objets présentés : en effet, selon lui, la révolution industrielle en standardisant la fabrication des objets avait mis en avant la notion de profit, au détriment de l’esthétique et de la qualité du produit.

La firme Morris, Marshall, Faulkner & Co, créée en 1861 avec l’aide de Ford Madox Brown, Charles Falkner, Burne-Jones, Rossetti et Philip Webb, acquit rapidement une excellente réputation pour la fabrication de vitraux ainsi que pour sa production de papiers peints et textiles. Elle devint ultérieurement Morris & Co.

En 1888, la première exposition de l’Arts and Crafts Exhibition Society, société issue de l’Art Workers Guild (regroupement d’architectes, artisans d’art, peintres et sculpteurs) ne présentait que neuf créations de Morris & Co. Selon le biographe de Morris, J.W. Mackail, peu de membres de ladite société auraient à l’époque imaginé l’influence à venir de William Morris. 

Ses créations sont indissociables des passions qu’il partageait avec ses amis préraphaélites, en premier lieu avec Burne-Jones, tant pour les primitifs italiens que pour l’art du Moyen Âge, sans compter leur aversion commune pour la laideur du goût bourgeois victorien. 

En devenant éditeur et imprimeur, William Morris applique sa même exigence dans la réalisation des 66 livres imprimés par sa Kelmscott Press, et la création de nouveaux caractères d’imprimerie. Recherchant un caractère lisible et élégant, et qui lui permette de se distinguer de la production éditoriale de l’époque, il devient, à près de soixante ans, créateur de caractères. Mais il fréquente depuis sa jeunesse les bibliothèques et les manuscrits médiévaux, il a pratiqué la calligraphie, recopiant incessamment textes et enluminures, et les recueils de sa main qui ont été conservés étonnent toujours. Il étudie les créations du vénitien Nicolas Jenson, dessine lui-même des caractères et s’inspirant finalement d’un proche de Jenson, Jacques Le Rouge, pour créer le Golden Type (1891), primitivement destiné à une édition de la Légende dorée. Puis, désireux de se rapprocher de modèles plus anciens, et mû par son goût pour le médiéval, il crée une gothique arrondie, le Troy Type. Ce caractère se révélant trop massif pour son projet d’éditer les œuvres de Chaucer, il en dessine une version réduite, le Chaucer Type. Il cherche encore à travailler une nouvelle police, là encore d’après les prototypographes venus d’Allemagne en Italie, mais il n’arrive pas à l’achever. Ses travaux, repris par l’Ashendene Press, donneront le caractère Subiaco.

Ce n’est qu’après de nombreuses années que Morris apparaît clairement comme l’initiateur des mouvements Arts and Crafts – arts décoratifs et artisanat d’art – en Grande-Bretagne et outre-Manche. Aux États-Unis, en 1883, Morris expose des tapisseries à la Foreign Fair de Boston. La Morris & Company travaillait déjà depuis une dizaine d’années à Boston dans la fourniture de papiers peints. En France et en Belgique, il inspire notamment la mouvance Art nouveau. On peut souligner au passage l’anti-sexisme de celui qui promouvait le travail des artisans hommes ou femmes avec un même enthousiasme. 

Selon Fiona Mc Carthy, ce n’est que bien des années après sa mort que l’influence de Morris, l’impact de son œuvre, purent être mesurés. En 1996, pour le centenaire de sa mort, à l’occasion de l’exposition organisée conjointement par la William Morris Society et la Society of Designer Craftsmen, Fiona Mc Carthy exprima son émerveillement de l’épanouissement de l’artisanat d’art en général, un siècle après la disparition de Morris, et son admiration pour la survie inespérée des arts décoratifs et artisanats d’art, compte tenu du déplorable contexte politique, environnemental et commercial actuel.

En mai 2011, la nation britannique a rendu un hommage à William Morris , à travers l’édition d’une série de timbres par la Royal Mail, à l’occasion du 150 anniversaire de la création de la firme Morris, Marshall, Faulkner & Co.

 

Sa maison the Red House

 

 

La Red House est le symbole du mouvement Arts & Crafts. Elle a été créée par William Morris et Philip Webb en 1859 au sud-est de Londres, à Bexleyheath.

Le nom de « Red House » provient de l’utilisation de briques rouges avec, pour la première fois, une structure organique de la maison : c’est la disposition des pièces qui implique la structure de la façade. Tous les éléments sont artisanaux.

C’est aussi l’un des premiers témoignages d’une évolution vers l’Art nouveau, qui se prolonge par l’ouverture d’un magasin (dès 1861) proposant, pour la première fois, à la vente tous les éléments de décoration d’une maison. Il associe à sa démarche artistes et artisans sans faire de distinction.

 

C’est en 1859 que Morris commande, pour lui-même et sa femme Jane Burden, à son ami et confrère Philip Webb une maison, qu’il conçoit avec une grande simplicité décorative et une remarquable franchise dans l’emploi des matériaux. Il refusait d’installer sa femme dans un environnement de « laideur immorale » que proposaient les magasins d’ameublement.

La maison a été entièrement bâtie par Morris et ses amis de façon non industrielle. L’ensemble a été perçu par ses contemporains comme un manifeste artistique. Pour la première fois, une structure organique (continuité entre paysage et bâtiment)est créée. On notera aussi le début du fonctionnalisme (c’est la disposition/fonction des pièces qui influe la structure de la façade).

Cette maison a été un lieu de rassemblement social pour les jeunes rêveurs d’inspiration préraphaélite.

Le National Trust a acquis la maison en 2002 et s’employa à la restaurer au plus proche possible de sa splendeur d’antan.

La maison est ouverte au public depuis 2004.

 

 

La maison :

 

Le plan de la maison est formé par une série de pièces connectées entre elles par un long corridor et construit en forme de L, avec à l’extérieur une cour agencée autour d’un puits. Ce plan de maison était révolutionnaire: l’idée de Ruskin que l’architecture était telle que la fonction de chaque pièce devait être immédiatement visible de l’extérieur entrait en contraste avec le Classicisme où les pièces étaient arrangées de manière à suivre les conventions établies par l’apparence externe. Il n’y a aucune symétrie dans cette maison, du fait du fonctionnalisme, du coup on trouve des formes allongées ou carrées, des enfoncements ou des saillies, et différentes sortes de fenêtres. 

Par son architecture organique : les pièces font la structure et non l’inverse où on bâtit  la maison comme un cube et après on définit les pièces. La preuve la plus probante en est les fenêtres dont la forme et la disposition répondent aux besoins spécifiques de la pièce qu’elles doivent éclairer. Au premier étage, le bureau de Morris reçoit le soleil par 3 larges ouvertures qui ont pour but d’éclairer au mieux son bureau

 

Elle est constitué de 2 niveaux, 4 cheminées, en forme de L surmontée par des tours et de nombreux gâbles, elle est en brique rouge. Ce sont tous ces éléments qui permettent de placer la Red House dans la continuité des idées passéistes de l’époque. En effet elle reflète largement dans sa structure le gothique italien, gothique particulier qui accepte le décor gothique avec les lancettes, les arcades mais qui préfère la clarté de l’art roman et renonce de ce fait à la verticalité. De hauts toits de tuiles soulignent les volumes trapus et cassent l’élévation verticale que pourrait prendre la maison.

Pour Webb,la Red House  fut simplement la première d’une série de maison dans lesquelles il essayait d’amener un style historique et authentique à travers l’expression directe de matériaux du coin et de travaux d’artistes. Webb adopta le Gothic Revival, créé par Pugin et Butterfield, avec l’emploi de tuiles d’argile, de briques en encorbellement, d’arches en briques poncées et d’ouvertures circulaires comme moyen d‘exprimer une forme flexible dans un style local. La maison est entièrement construite en briques rouges industrielles non enduites et donc apparentes telle une usine. Mais loin de faire penser à une usine, elle rappelle les cottages traditionnels anglais. En ce sens la Red House est inscrite dans la tradition.

La porte d’entrée principale est plus formelle que le reste de la maison. Exemple probant de l’emboîtement et de la variété des angles et des niveaux. Elle fait penser aux vieux portails des écoles telles que Cambridge ou Oxford. C’est une porte encastrée profondément sous une arche en briques imposante, avec des mosaïques de petits vitraux.  Un style médiéval apparent, une porte massive ornée de gonds et d’une poignée en fer.

Les fenêtres sont les atouts majeurs de la Red House, elles animent les façades asymétriques. On peut tout d’abord observer leur variété : en saillie que l’on appelle oriel, des oculi, des fenêtres larges combinées à de plus étroites, ainsi que plusieurs œil de bœuf. Tout ceci donne une façade hétéroclite qui conserve néanmoins une certaine unité. En effet, les fenêtres sont toutes encastrées et sont dites modernes avec du fer qui se mêle au bois peint en blanc. Les rebords des fenêtres sont en pente afin de permettre à l’eau de pluie de s’écouler. Cette recherche pratique rappelle que la formation initiale de Webb était architecte.

 

Un oriel (bay-window ou bow-window  par anglicisme) est une avancée en encorbellement   aménagée sur un ou plusieurs niveaux d’une façade. Ce dispositif architectural est devenu populaire avec le style néogothique puis, en Grande Bretagne, avec l’architecture victorienne de la fin du XIXème siècle. L’avantage de ce type de construction, outre le traitement esthétique de la façade du bâtiment par son volume, est de procurer un peu plus de clarté et de chaleur solaire à l’intérieur. Ici, l’oriel qui descend jusqu’au sol (novateur et inattendu) crée un effet de parallélisme avec la cheminée qui, elle, monte. 

 

Les fenêtres de la maison comptent parmi les caractéristiques les plus inhabituelles de la maison parce qu’elles sont positionnées plus en fonction de l’arrangement interne des pièces et du besoin de lumières qu’en fonction de l’apparence extérieure. 

 

Enfin c’est une maison tout en détail, la girouette avec les initiales WM, la date 1859, le dessin d’une tête de cheval fait référence aux idéaux médiévaux de la chevalerie. 

La structure moderne apparaît dans l’emboîtement des formes qui est souligné par les fenêtres mais pas seulement. La modernité se définirait ici non pas dans les influences ou la réinterprétation de styles passés mais dans le fait que Morris et Webb se sont posées des questions essentielles et basiques sur la nature même de l’architecture : sa fonction, les matériaux, la connaissance accrue des arts mineurs de l’artisanat, le plan et la beauté.

 

Le jardin :

 

Fait partie intégrante de la maison. Il n’échappe pas à la division fonctionnelle : un jardin aromatique, un potager, un jardin fleuri avec des fleurs traditionnelles comme le jasmin, la lavande, le coing et un verger avec pommes, poires et cerises. Il a été conçu en même temps que la maison, comme le montre l’inscription de la Red House dans le paysage, c’est donc une vision moderne de l’architecture en réaction aux édifices néo-grecs que l’on plante au milieu d’un boulevard du XIXè siècle par exemple.

Les plantes grimpantes comme le lierrei ont été voulues par Morris et Webb et relient la maison au jardin et vice-versa. Il y a donc continuité et unité du paysage.

 

L’intérieur de la maison :

Dialogue entre modernité et tradition comme à l’extérieur. C’est un lieu encore empreint de la tradition. Morris veut s’imprégner du Médiéval mais il ne veut pas l’imiter, en cela il n’applique pas l’idéologie de Ruskin. Ce dernier avait tendance à vouloir plaquer le style gothique sur la société du XIXème, Morris jugeait cela contraire à l’esprit de création. Dans la Red House, on trouve des pinacles en forme de tour sur la rampe des escaliers, des créneaux dans le recoin dans l’entrée, des tours sur les pieds des tables.

 

 

Les peintures préraphaélites présentes dans toute la maison furent peintes essentiellement par Burne-Jones.

(Rappel sur le Préraphaélisme : mouvement artistique né au Royaume Uni en 1848. Pour ses partisans, l’art anglais était sclérosé par le conformisme académique victorien. Ils souhaitaient retrouver les tonalités claires, vives et chantantes des primitifs italiens (d’avant Raphaël). Les préraphaélites aspiraient à agir sur les mœurs d’une société qui, à leurs yeux, avait perdu tout sens moral depuisl a Révolution industrielle. Ils privilégiaient le réalisme, le sens du détail et les couleurs vives. Ils limitaient les effets de profondeur et de volumes avec peu de jeux d’ombres et de lumière. Leurs sujets de prédilection étaient les thèmes bibliques, le Moyen Age, la littérature et la poésie.)

Les tentures, et broderies ont été conçues selon la méthode médiévale. Les textiles exigent une abondance de détails, caractéristique particulière d’un Art médiéval pleinement développé.  Il est fort probable que le goût de Morris pour les textiles médiévaux soit né lors de son bref apprentissage avec GE Street. Street fut  un ardent défenseur de l’abandon du difficile travail de laine sur toile en faveur des techniques de broderie plus expressives fondées sur l’Opus Anglicanum (ou English Work : terme contemporain pour désigner le travail dans l’Angleterre du Moyen Age qui consistait à faire des habits, tentures ou autres tissus. Ce travail était à l’origine fait par des nonnes puis par des professionnels qui faisaient leur apprentissage pendant 7 ans dans un atelier laïc). 

Morris lui-même a appris la broderie, travaillant de la laine sur un métier à tisser à partir d’un modèle ancien, et une fois la technique maîtrisée, il a formé son épouse Jane, sa sœur Bessie Burden ainsi que bien d’autres pour exécuter des créations. Suivant les pas de Street, Morris est devenu actif dans le mouvement croissant qui était de retourner à l’originalité et à la maîtrise de la technique de la broderie (alors art mineur). Il fut l’un des premiers concepteurs associés à la Royal School of Art et à son objectif de « rétablir les travaux d’aiguilles ornementaux à des fins laïques à la haute place qu’elle tenait parmi les arts décoratifs ».

Dans la Red House on peut aussi noter la présence de faïence de style Delft, notamment les carrelages de la cheminée de la salle à manger.

(Rappel sur le style Delft : La faïence de Delft fut produite par les manufactures hollandaises de la région de Delft à partir du XVIIe siècle, l’âge d’or hollandais, de 1640 à 1740 environ. C’est une porcelaine essentiellement blanche et bleue.)

On trouve aussi l’influence victorienne de son temps,  au dessus de la cheminée du salon du premier étage, il y a une phrase inscrite en latin : « Ars Longa Vita Brevis » (L’art est long, la vie est courte) c’est un exemple typique de textes qui ont proliféré dans les riches maisons victoriennes.

Le décor gothique italien est présent par le jeu de profondeur des corridors et des pièces qui gagnent du volume grâce aux plafonds avec poutres apparentes ainsi que par la présence de motifs au plafond. Ces poutres nous rappellent l’esprit roman qui prône l’horizontalité et les bandes alternées. De même, la multiplicité des arcades avec des arcs brisés (gothique) parfois combinées avec un arc surbaissé (roman) renforce ce décor gothique. Enfin, le travail du vitrail qui est, rappelons-le, un art mineur qui a connu son apogée avec le gothique des cathédrales et églises, est ici très présent, avec notamment des représentations de l’Amour et de la Nature.

 

Néanmoins malgré tous ces apports anciens une modernité commence à apparaître. Les poutres du plafond sont apparentes, ce qui donne un aspect spectaculaire à la pièce. Le choix du mobilier tranche nettement avec celui de l’époque, où le matériel domestique manufacturé n’était pas très esthétique dans les logis modestes au contraire des habitations aristocratiques où l’on trouvait de bien folles extravagances avec des pièces uniques élaborées spécialement. C’était aussi l’époque reine du faux et du toc, du plaqué ou du hors norme. Dans la Red House, le mobilier s’intègre parfaitement à la maison, il est authentique et possède une certaine valeur, les meubles sont faits à la main par des personnes différentes.

 

La créativité de Morris est née de sa politique socialiste. Il prônait l’amélioration de la qualité de la vie des travailleurs manuels, de la classe ouvrière tout entière, grâce à l’éducation et les loisirs, avec, en particulier, l’enseignement des arts appliqués. Il s’insurgeait contre le côté borné de la société victorienne qui le faisait désespérer d’un possible épanouissement de l’art dans le système capitaliste basé sur le profit et la production de masse dénuée de qualité. 

Bien que Morris n’ait jamais exercé son métier d’architecte, son intérêt pour l’architecture est resté présent tout au long de sa vie. En 1877, il fonda la « Société pour la protection des bâtiments anciens » (parfois appelé « Anti-Scrape »). Un autre aspect du préservationnisme de Morris était son désir de protéger le monde naturel des ravages de la pollution et de l’industrialisation.

Son goût pour le passé allait à l’encontre de la vision progressiste développée par Marx et Engels. Morris adhérait à une vision idéale du futur et de la société. Il en revenait néanmoins, dans les thèmes et dans les formes, aux arts médiévaux et antiques. Herbert George Wells, écrivit « Morris is altogether more ancient and more modern ». 

Pour Morris, le retour au Moyen-âge semble s’accompagner d’un retour à la nature. Opposé au goût victorien, William Morris ne l’est pas moins aux industries qui aliènent les hommes et enlaidissent le paysage. Toutefois, Morris ne se fait pas l’ennemi du progrès, mais bien des conséquences néfastes de l’évolution de la société, et par là de l’omniprésence du béton et de l’acier. 

L’illustration pour son livre The Wood beyond the World, faite par Morris lui-même transpose bien son idéal de communion entre homme et nature. On y voit une femme marchant pieds nus dans de l’herbe qui s’infiltre entre ses orteils et dont les brins entourent ses chevilles, non pour les lier mais pour les épouser. La robe de la femme est ceinte de branchages ainsi que sa tête. Derrière apparaissent les arbres d’une probable forêt. La dynamique verticale de l’image réunit la femme et les arbres, ainsi que les formes courbes qui les composent. C’est donc très naturellement que Morris, introduit dans ses productions artistiques la nature. Les feuilles, les fleurs, sont un motif récurrent dans ses papiers peints et de ses tapisseries.

Le Moyen-âge des œuvres de William Morris n’est pas un Moyen-âge réaliste, une peinture conforme de la vie en ces siècles, mais bien un temps idéalisé. S’il choisit de dépeindre ce monde légendaire, c’est bien pour offrir à ses lecteurs évasion et rêve, pour offrir à l’ouvrier victorien un espoir dans un monde devenu pragmatique et matérialiste.

La Red House renoue avec les valeurs de modestie, de franchise et d’humanité, c’est là que figure son sens esthétique selon Edward Hollamby, architecte du XXème  qui croit fondamentalement en l’architecture publique. La maison est entièrement créée de façon non industrielle, chaque produit, objet, meuble est unique et fait de façon artisanale. Vivre dans la maison de Morris signifie être entouré de produits faits main d’une grande beauté et fonctionnalité.  Cette maison comporte des peintures au plafond faites par Morris, des tentures murales conçues par Morris et travaillées par lui et Jane, des meubles peints par Morris et Rossetti, des peintures murales et des vitraux  conçus par Burne-Jones.

 

Pour Morris, la question du travail est réellement importante, car c’est par son travail que l’homme se définit, c’est grâce à lui qu’il se forge une identité. Mais par travail, Morris n’entend pas le travail des usines, mais bien une réalisation, une création, de l’homme pour lui-même et qui profitera à la communauté. Il soutenait que la laideur des produits du premier âge de l’industrie n’était pas le résultat d’une volonté délibérée de laideur, mais « le reflet de la condition sordide et du dénuement qu’ils (les bourgeois) imposent aux pauvres ». Il est animé par une « haine de la civilisation moderne » ce qui lui fera trouver refuge dans le médiévalisme.

Morris rejetait la production de masse qui donnait selon lui des produits de mauvais goût et de mauvaise qualité… Il relança les vieux métiers et les traditions en se replongeant lui-même souvent dans des textes historiques ou en dénichant des artisans chez qui il pourrait apprendre des arts mourants (tissage, verres teintés, teinture, broderie, travail du métal ou la typographie). 

Le travail de Morris rendit floue la limite entre l’Art et les métiers/artisanat. Il fut considéré comme le père du mouvement A&C. 

En 1861, Morris lançait à Londres, à Red Lyon Square, l’idée du premier magasin d’ensembles mobiliers et d’accessoires de décorations, où tous les principaux préraphaélites se trouvaient réunis : « les arts décoratifs », firme de Morris, Marshall, Faulkner & Co. fut donc fondée avec Morris, Rossetti, Burne-Jones, Ford Madox Brown et Philip Webb en tant que partenaires, en collaboration avec Charles Faulkner et Peter Paul Marshall, c’était une entreprise de décoration qui réunissaient aussi des artistes, en vue de rétablir la décoration, jusqu’aux plus petits de ses plus de détails, comme l’un des beaux-arts. 

Le principe de l’entreprise était de créer de  la sculpture, du vitrail, le travail des métaux, les papiers de tenture, du chintz (tissus imprimés), et des tapis. La décoration des églises a tenu dès le début un rôle important dans l’entreprise. Ce travail fut présenté par la firme à l’Exposition internationale de 1862. 

Morris voulait que son art en réponse à l’industrialisation soit un art pour tous, même pour les plus pauvres (notion d’art social) mais cela n’a pas fonctionné dans ce sens, il est apparu que c’était plus un art bourgeois car les produits étaient plus chers que les industriels. Cette dualité se retrouve dans la Red House en ce sens que les meubles et autres tissus décoratifs qui par la suite seront commercialisés étaient trop chers. L’Arts & Crafts n’est un art pour tous qu’à un niveau théorique, concrètement il est un art pour les classes aisées et instruites.

 

 

 

 

The William Morris Society

William Morris à la BNF

Philip Webb Architecte de la Red House

Procurez vous des ouvrages de William Morris

 

LOCALISATION DE LA MAISON :