Maisons d écrivains

Charles Baudelaire – Honfleur – Paris

Biographie de Charles Baudelaire


1138

“Il faut être toujours ivre. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules, il faut s’enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous !”

Charles-Pierre Baudelaire naît à Paris le 9 avril 1821. Après le décès de son père, chef de bureau au Sénat, le 10 février 1827, sa mère, Caroline Archenbaut-Dufays, se remarie l’année suivante, le 6 novembre, avec le commandant Aupick. Ceci affecte beaucoup l’enfant qui considère cette nouvelle liaison comme un abandon. De plus, Charles Baudelaire n’apprécie que peu ce militaire qui est entré dans sa vie. Une mutuelle incompréhension les sépare. En 1832, il entre à la pension Delorme et suit dès lors les cours du Collège royal de Lyon, ville où sont beau-père vient d’être affecté. Après un séjour de quatre années dans la cité lyonnaise, la famille Aupick est de retour à Paris. Au mois de mars 1836, Baudelaire poursuit ses études au Collège Louis-le-Grand où il est interne. S’occupant à la lecture, brillant latiniste, le jeune homme obtient son baccalauréat le 12 août 1839, après avoir été renvoyé quelques temps plus tôt de l’institution pour indiscipline.

Il s’inscrit alors à la Faculté de droit. Cependant, faisant fi des souhaits parentaux, sa mère forme le beau projet qu’il devienne ambassadeur, Baudelaire mène une vie de dandy au Quartier latin. Son beau-père, maintenant général à l’État-Major, se scandalise en apprenant la liaison qu’entretient le jeune homme avec une prostituée juive, Sarah dite  » la Louchette « . Après la réunion d’un conseil de famille, il décide de l’embarquer sur un navire en partance pour les Indes et Calcutta. Quittant les quais de Bordeaux, le 9 juin 1841, le Paquebot-des-Mers-du-Sud arrive à l’île Bourbon (aujourd’hui La Réunion) au mois de septembre suivant. Baudelaire décide d’arrêter là son voyage. De retour à Paris au mois de février 1842 et ayant atteint sa majorité, il s’empare de l’héritage paternel, une somme de 75.000 francs.

Charles Baudelaire réside maintenant au n°10 du quai de Béthune puis, à partir du mois de juin 1843, à l’hôtel Lauzun, au n°15 du quai d’Anjou. A cette époque, il fait la connaissance de Jeanne Duval, une figurante dans un petit théâtre parisien. La mulâtresse devient sa  » Vénus noire « . Baudelaire s’essaie alors à l’opium et au hachisch, les  » paradis artificiels  » qu’il célébrera bientôt. Le 20 septembre 1844 cependant, sa famille, indignée de cette vie de débauche lui impose un conseil de tutelle qui le prive de ses dividendes. Maître Ancelle, notaire à Neuilly, devient son conseil judiciaire, chargé d’examiner la moindre de ses dépenses. Le 30 juin 1845, Charles Baudelaire tente de se suicider d’un coup de couteau.

Il vit maintenant dans la gène, croulant sous les dettes et poursuivi par les créanciers. Devenu journaliste, Baudelaire publie de nombreux articles de critique. Le poète salue ainsi l’art d’Edgar Manet ou de Camille Corot, les dessins d’Honoré Daumier. Il rend d’ailleurs compte des œuvres exposées au Louvre dans le Salon de 1845, portant aux nues Eugène Delacroix. La musique de Richard Wagner l’enthousiasme également, Thannhauser en particulier dont il fera l’analyse. Au cours de ces années, le poète se lie d’amitié avec l’écrivain Charles Augustin Sainte-Beuve mais également avec des membres de la bohème artistique comme le photographe Félix Nadar ou le poète Théodore de Banville.

Au mois d’août 1847, Charles Baudelaire fait la rencontre d’une actrice, Marie Daubrun, à qui il fait la cour et qui deviendra sa maîtresse. C’est à cette époque qu’il se lance dans la traduction des œuvres d’Edgar Poe. Baudelaire voit dans l’écrivain américain un frère de pensée. Une conception identique de l’art ainsi qu’une fascination commune du mal les réunis dans la création. En 1852, paraît ainsi dans La Revue de Paris un essai intitulé Edgar Allan Poe, sa vie et ses ouvrages puis, au mois de mars 1856, les Histoires extraordinaires, en 1858 Les Aventures d’Arthur Gordon Pym.

Entre temps, le poète participe aux Journées de Février 1848 qui voient la chute de la Monarchie de Juillet et la déchéance du roi Louis-Philippe Ier. Il se montre sur les barricades et s’active pendant l’insurrection qui doit selon lui mettre fin au règne des valeurs bourgeoises, celles de son beau-père, qui l’étouffent. Baudelaire aide d’ailleurs à la création d’un journal socialiste, Le Salut Public, et poursuit ainsi son activité militante. Il s’éloigne cependant bien vite de la politique, dénonçant tout de même avec véhémence le coup d’état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte.

L’année suivante commence sa liaison avec Apollonie Sabatier. A partir du mois de décembre 1852, Baudelaire rédige alors de nombreux poèmes qui lui sont adressés. Le 25 juin 1857 enfin, alors que décède son beau-père, sont publiées Les Fleurs du mal, dont le plus ancien des poèmes a été rédigé en 1841. Cependant, l’ouvrage, tiré à 1.300 exemplaires, est saisi le 17 juillet suivant sur ordre du Parquet. Le 20 août, un procès en moralité est instruit contre leur auteur. Malgré l’appui de Sainte-Beuve et de Jules Barbey d’Aurevilly, Charles Baudelaire et son éditeur, Auguste Poulet-Malassis, sont condamnés. Le poète est contraint de verser 300 francs d’amende. Cette somme est bientôt revue à la baisse, Baudelaire sollicitant avec succès la clémence des autorités dans une lettre adressée à l’Impératrice Eugénie. Six poèmes devront tout de même être retirés du recueil.

En 1860 sont publiés Les Paradis artificiels. Au mois de février 1862, celui qui est devenu l’idole de la jeune génération des littérateurs renonce bientôt à sa candidature à l’Académie française, suivant les conseils d’Alfred de Vigny. Quelques années plus tard, en 1864, Baudelaire s’exile en Belgique où il donne au mois de mai une tournée de conférences. L’entreprise est un échec complet. Alors qu’il réside à Bruxelles, dans une chambre louée à l’hôtel du Grand Miroir, le pays lui devient bien vite insupportable. Son amertume s’épanche alors dans un pamphlet intitulé Pauvre Belgique. Atteint par la syphilis, le poète a de plus en plus recours à la drogue.

Au mois de février 1866, Baudelaire fait une chute sur les dalles de l’église Saint-Loup de Namur et perd connaissance. Il est alors hospitalisé à Bruxelles, victime à la fois d’hémiplégie et d’aphasie. De retour à Paris, le poète décède le 31 août 1867 dans la clinique du docteur Duval à Chaillot. Charles Baudelaire est inhumé quelques jours plus tard, le 2 septembre, au cimetière Montparnasse.

1522

1523

Honfleur et Paris

Honfleur :

Honfleur, notait Victor Hugo en 1836, est « un port ravissant plein de mâts, et de voiles, couronné de collines vertes, entouré de maisons étroites ».

La maison de Honfleur a été achetée par le beau-père mal-aimé, le redoutable général Aupick. Il ne l’a pas fait construire, comme pourrait le laisser croire une lettre de sa femme – tout au plus a-t-il fait ajouter un kiosque dans le jardin et adjoindre à la petite maison le « mirador », véranda et jardin d’hiver – , mais il l’a acquise en l’état le 7 mars 1855. Il avait été sensible à la situation de la propriété sur la falaise, au dessus du port d’Honfleur. Le jardin formait une terrasse avancée, que le nouveau maître des lieux, en raison de ses souvenirs de diplomate, sans doute, avait appelée « le Bosphore ». Le général Aupick avait le projet d’y passer trois mois chaque année. Mais ses fonctions de sénateur, ses divers engagements ont réduit la durée et le nombre de ses séjours. Il en a  peu profité  jusqu’à sa mort, survenue le 27 avril 1857 à son domicile parisien, 91, rue du Cherche-Midi.

C’est donc délivré du beau-père autoritaire que Baudelaire envisage, dès ce moment-là, de s’installer dans la « maison-joujou ». Il n’arrive pourtant à Honfleur, avec livres, manuscrits et bagages, que vers le 21 janvier 1859. Le moment est propice, car il a signé un contrat d’édition qui devrait lui assurer un revenu non négligeable, mais exige une grande régularité. Le séjour se révèle vite fécond. Dès le 4 février, Baudelaire écrit à l’éditeur des Fleurs du mal, Auguste Poulet-Malassis : « J’ai fait une nouvelle fleur : “Les Voyageurs” ». Le poème s’intitulera finalement Le Voyage. Suivront L’Albatros, ou une nouvelle version de ce poème, Danse macabre, Les Petites Vieilles, Les Sept Vieillards.

 Les intentions de l’écrivain sont fermes. « Me voici bien et dûment installé », écrit-il à son ami Charles Asselineau, le 1er février 1859. « Je vais battre monnaie, sans répit, n’ayant plus de prétexte pour transiger avec le travail ». À Poulet-Malassis, le même jour : « Ouf ! me voici absolument installé, et prêt à remplir tous mes devoirs ; je veux dire : privé de prétexte pour y manquer ». Et à Sainte-Beuve, le 21 février : « Nouvelles fleurs faites, et passablement régulières. Ici, dans le repos, la faconde m’est revenue ».  Tout n’est pas gai pour autant à Honfleur, même si Baudelaire a plaisir à y retrouver ses amis peintres, en particulier Eugène Boudin, qui écrira en 1896 à son ami Soudan de Pierrefitte que, dans son « pavillon ensorcelé », il « régalait Baudelaire de ses ciels au pastel ». « Il fait bien froid », écrit Baudelaire à Asselineau le 20 février – l’on devine aisément que la maison-joujou était mal chauffée. Il précise même :  » Il fait positivement moins froid qu’à Paris, mais c’est un autre genre. Chaud ou froid, c’est humide ; jamais sec. Aussi cela me semble plus froid ». Il se sent seul, et il craint qu’on ne l’oublie. Enfin, éternel refrain, il manque d’argent. La chronique locale dont il se fait prudemment l’écho ne suffit pas à le distraire : ce sont, éternelles elles aussi, des histoires de curé et de maire, et, plus piquante, la mésaventure grotesque de la femme du maire prise en flagrant délit d’adultère dans un confessionnal  On ne s’étonne donc pas de voir Baudelaire de retour à Paris dès le 4 mars 1859, et pour six semaines. Les nécessités du travail le ramènent à Honfleur du 21 avril à la mi-juin : il doit rédiger Le Salon de 1859. Il revient dans la maison-joujou plusieurs fois, au moins en décembre 1859, en octobre 1860, et encore en juillet 1865, toujours de manière furtive, parfois même entre deux trains. Le rêve d’une installation à Honfleur est resté un rêve.

En 1871, elle devient la propriété d’Etienne Bahon. En 1892, la maison est vendue par adjudication (mise à prix : 20 000 francs) à Aimée Dascher. Elle est louée à Alphonse Allais entre 1898 et 1900, puis vendue une dernière fois à l’hospice civil de Honfleur en 1901 qui détruit la propriété pour agrandir l’hôpital. On y construit, à la place, une morgue. Une plaque indiquant « ici, s’élevait le pavillon de Baudelaire », est posée en 1930. La morgue disparaît à son tour avec la fermeture de l’hôpital en 1977.

Merci à Pierre Brunel.

1158

1161

1160

1162

Peinture de Gustave Moreau intitulée Jardin de madame Aupick à Honfleur

1163

Eugène Boudin : ciel au pastel

Paris :

1164

Charles Baudelaire est Parisien de naissance. Il a vu le jour le 9 avril 1821, au 13 de l’étroite rue Hautefeuille, dans une vieille maison à tourelles, démolie lors du percement du boulevard Saint-Germain. Là s’écoulèrent ses premières années, quartier de l’École de Médecine.

Peu d’écrivains eurent autant de domiciles parisiens, on en dénombre environ une quarantaine :

« Il a habité tantôt en haut, tantôt en bas, de plain-pied ou sous les toits, près du ciel ou de la rue. Les témoignages contemporains, ou la tradition orale qui a suivi, ne retiennent, dans la cinquantaine de domiciles parisiens qu’il a occupés, que des mansardes ou des rez-de-chaussée. A niveau d’homme ou d’oiseau, la perspective n’est pas la même, on ne voit pas la ville selon le même point de vue. De près ou de loin, Baudelaire jette un double regard sur Paris : panoramique ou focalisé, celui du balcon ou celui du pavé. »

(Didier Blonde, « Baudelaire en passant », Gallimard, 2003)

1165

En vente ici : Baudelaire en passant

En voici quelques unes :

  • 13 rue Hautefeuille (Paris 6ème) – 1821-1827

Maisons démolie pour le percement du boulevard St Germain

1166

  • 22 rue Saint André des Arts (Paris 6ème) –  1827-1828

1167

  • 21 rue du Bac (Paris 7ème) – 1828-1831

1168

  • 9 rue Payenne (Paris 3ème) – Octobre Novembre 1831 chez monsieur Bourdon

1169

  • 32 rue de l’Université (Hôtel des Ministres) (Paris 7ème) – Début 1836

1170

  • 1 rue de Lille (Paris 7ème) – 1836

1171

  • 22 rue du Vieux Colombier (Paris 6ème) – Printemps 1839

1172

  • 73 rue de Lille (Paris 7ème) – Février 1840

1173

  • 50 rue de Sévigné (Paris 3ème) – Décembre 1840 – Juillet 1842

1174

  • 22 Quai de Béthune (Paris 4ème) – 1842 – 1843

1175

1177

  • 15 Quai d’Anjou (Paris 4ème) – Juin à septembre 1843

1178

  • 17 Quai d’Anjou – Hôtel de Lauzun (Paris 4ème) – Octobre 1843-Septembre 1845

1499

• 7 Place Vendôme (Paris 4ème) – Automne 1845

1500

• 5 rue Corneille (Paris 6ème) – Automne 1845

1521

• 32 rue Laffite (Paris 9ème) – Automne 1845

1501

• 24 rue de Provence (Paris 9ème) – Début 1846

1502

• 33 rue Lamartine (Paris 9ème) (ancienne rue Coquenard) – Juin 1846

1503

7 rue de Tournon (Paris 6ème) – Décembre 1846

1504

• 46 rue Pigalle (Paris 9ème) – Novembre 1848

1505

11 Boulevard Bonne Nouvelle (Paris 2ème) – Mai à Juillet 1852

1506

• 60 rue Pigalle (Paris 9ème) – Octobre 1852 à Mars 1854

1507

61 rue Sainte Anne (Paris 2ème) – Février 1854

1509

• 57 rue de Seine (Paris 6ème) – Mai 1854 à Mars 1855

1510

• 27 rue de Seine (Paris 6ème) – Juillet à Décembre 1855

1511

18 rue Jean-Pierre Timbaud (Paris 11ème) (Ancienne rue d’Angoulême du Temple) – Janvier à Juin 1856

1512

• 19 Quai Voltaire (Paris 7ème) – Juillet 1856 à Novembre 1858

1514

22 rue Beautreillis (Paris 4ème) chez Jeanne Duval – Novembre 1858 à Juin 1859

1515

22 rue d’Amasterdam (Paris 9ème) – Juin 1859 à Avril 1864

1516

• 1 rue du Dôme (Paris 16ème) – Maisons de santé du Docteur Emile Duval – Juillet 1866 à Aoüt 1867

1517

Cimetière du Montparnasse (Paris 14ème) – Depuis 1867

1518

1519

Baudelaire et Paris de Julia Briend, un article à lire ici 

Un article paru à la suite d’une exposition sur Paris et Baudelaire ici 

Un autre article sur Baudelaire ici

LOCALISATIONS DES MAISONS

Voici une carte non exhaustive des demeures de Charles Baudelaire à Paris :

Procurez vous des ouvrages de Charles Baudelaire

5 Commentaires

  1. Diane

    C’est comme un immense cadeau de 2016 que cet article. Cela me rappelle de merveilleux souvenirs. MERCI infiniment.

    Répondre
  2. pfck (Auteur de l'article)

    🙂 Merci Diane.
    Immense Charles Baudelaire.
    Dans ta jeunesse, ton père t’avait offert un exemplaire « Des fleurs du mal » alors qu’il était à l’index au Québec et il y a quelques mois les éditions Des Saints Pères nous ont offert le manuscrit des « Fleurs du mal » ici : https://lessaintsperes.fr/manuscrits/fr/manuscrits/23-les-fleurs-du-mal-epreuves-corrigees-9782954268774.html

    Répondre
  3. Fantasio

    Moi c’est plutôt « Le spleen de Paris » qui m’a marqué. Peu de rimes mais un rythme assez prodigieux.
    J’ai une belle édition de ce livre. Mais bien sûr « Les fleurs du mal » sont un chef d’oeuvre indispensable…
    Il ne reste finalement que peu de souvenirs de son environnement.
    Merci pour ce très bel article.
    🙂

    Répondre
  4. pfck (Auteur de l'article)

    Oui bien peu de souvenirs du passage de Baudelaire, heureusement il y a les oeuvres.
    J’aime beaucoup « Le spleen de Paris » aussi :

    L’étranger

    — Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta soeur ou ton
    frère ?

    — Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.

    — Tes amis ?

    — Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.

    — Ta patrie ?

    — J’ignore sous quelle latitude elle est située.

    — La beauté ?

    — Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.

    — L’or ?

    — Je le hais comme vous haïssez Dieu.

    — Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

    — J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !

    Répondre
  5. Dinet

    Bonjour, Merci pour cet article passionnant.
    J’ai en ma possession une lettre de 4 pages de Charles Baudelaire du mercredi 20 janvier 1859, que je souhaiterais vendre.
    Pourriez-vous m’indiquer une personne susceptible d’être intéressée.
    Cordialement.

    Répondre

Laisser un commentaire