Biographie de Jean Cocteau.
« Je sais que la poésie est indispensable, mais je ne sais pas à quoi. »
Jean Cocteau est né à Maisons-Laffitte, le 5 juillet 1889, dans une famille bourgeoise de Paris. Son père, avocat et peintre amateur, se suicida lorsque Cocteau avait neuf ans. Dès l’âge de quinze ans, Cocteau quitte le cocon familial. Il ne manifeste que peu d’intérêt pour les études et n’obtiendra pas son baccalauréat. En dépit de ses œuvres littéraires et de ses talents artistiques, Cocteau insistait sur le fait qu’il était avant tout un poète et que tout travail était poétique. Il publie son premier livre de poèmes, « La Lampe d’Aladin », à 19 ans. Cocteau devint alors connu dans les cercles artistiques bohémiens comme le « Prince Frivole ». C’est sous ce titre qu’il publiera à 21 ans, en 1910, son second recueil de poèmes. Edith Wharton le décrit comme un homme pour qui « chaque grande ligne de la poésie était un lever de soleil, chaque coucher du soleil la base de la ville merveilleuse… « .
Dans les années 1920, Cocteau s’associe avec Marcel Proust, André Gide et Maurice Barrès. Il est également fasciné par le maître des ballets russes, Serge de Diaghilev. De sa collaboration avec l’artiste russe nait « Parade », ballet produit en 1917 par Diaghilev, avec des décors de Pablo Picasso et une musique composée par Erik Satie. Cette œuvre va inspirer à Apollinaire le néologisme de surréalisme, repris ensuite par André Breton et Philippe Soupault pour la création du mouvement culturel que l’on sait. Cocteau a une grande influence sur le travail des autres, dans le groupe même composé par ses amis : « Les Six ».
En 1918, il rencontre le poète Raymond Radiguet. Les deux collaborateurs entreprirent beaucoup de voyages ensemble, Cocteau étant exempté du service militaire. En admiration devant le grand travail littéraire de Radiguet, Cocteau promut les travaux de son ami dans son cercle artistique et s’arrangea pour faire publier par Grasset « Le Diable au corps » (une histoire en grande partie autobiographique sur le rapport adultère entre une femme mariée et un homme plus jeune), exerçant son influence pour recueillir le prix littéraire du « Nouveau Monde » pour le roman.
La réaction de Cocteau à la mort soudaine de Radiguet en 1923 crée un désaccord avec certains proches qui déclarent qu’il l’a laissé désespéré, découragé et en proie à l’opium. Cocteau, ajoute-t-on, n’a même pas assisté à l’enterrement. Mais Cocteau n’assiste généralement pas aux enterrements. L’auteur quitte alors aussitôt Paris avec Diaghilev pour une représentation de « les Noces » par les ballets russes à Monte Carlo. Cocteau lui-même qualifia beaucoup plus tard sa réaction comme une « réaction de stupeur et de dégoût ». Son penchant pour l’opium à cette époque-là, Cocteau l’explique comme un simple hasard lié à la liaison fortuite qu’il avait entretenue avec Louis Laloy, le directeur de l’opéra de Monte Carlo. La dépendance de Cocteau envers l’opium et ses efforts pour s’arrêter ont profondément changé son modèle littéraire. Son livre le plus notable, « Les Enfants Terribles », a été écrit en une semaine lors de son laborieux sevrage.
On a suggéré que l’amitié de Cocteau avec Radiguet a en fait été une liaison amoureuse, intense et souvent orageuse, mais aucune preuve ne permet de le justifier.
Dans les années 1930, Cocteau aurait eu une liaison avec la princesse Nathalie Paley, la belle-fille d’un Romanov, elle-même modiste, actrice ou modèle et ancienne épouse du couturier Lucien Lelong. Elle tomba enceinte, mais la grossesse ne put être menée à son terme, ce qui plongea Cocteau et Paley dans un profond désarroi. Cocteau entretint ensuite une relation sentimentale de longue durée avec deux acteurs français, Jean Marais et Edouard Dermit, ce dernier officiellement adopté par Cocteau. On suppose également que Cocteau aurait entretenu une relation avec Panama Al Brown, un boxeur dont il prit en charge la carrière à un moment donné.
En 1940, « Le Bel Indifférent », une pièce de Cocteau écrite pour Édith Piaf, fut un énorme succès. Il travailla également avec Picasso sur plusieurs projets, fut l’ami de la majeure partie de la communauté européenne des artistes et lutta contre son penchant pour l’opium durant la plus grande partie de sa vie d’adulte. Alors qu’il était ouvertement homosexuel, il eut quelques aventures brèves et compliquées avec des femmes. Son travail recèle de nombreuses critiques contre l’homophobie.
Les films de Cocteau, dont il a écrit et dirigé la majeure partie, furent particulièrement importants dans la mesure où ils introduisirent le surréalisme dans le cinéma français et influencèrent, dans une certaine mesure, le genre français de la Nouvelle Vague.
Quelques immenses succès firent passer pour toujours Cocteau à la postérité : « Les Enfants terribles » (roman), « Les Parents terribles » (pièce de théâtre de 1929), La Belle et la Bête (film de 1946). En 1960, l’artiste tourne « Le Testament d’Orphée » avec l’aide financière de François Truffaut.
En apprenant le décès de son amie Édith Piaf, Cocteau est pris d’une crise d’étouffement. Il succombera quelques heures plus tard d’une crise cardiaque dans sa demeure de Milly-la-Forêt le 11 octobre 1963 à 74 ans. Il est enterré dans la Chapelle Saint-Blaise-des-Simples à Milly-la-Forêt dans l’Essonne. Sur sa tombe, on peut lire l’épitaphe suivante : « Je reste avec vous ».
Milly la Foret sa maison.
Milly-la-Forêt n’est pas une petite ville. C’est juste un gros village, mais bien situé, à la croisée des anciens chemins de diligences Paris-Lyon et Fontainebleau-Orléans : vieux village de marchands, de foires, et capitale des plantes aromatiques.
Pour pouvoir travailler au calme en-dehors de Paris, Jean Cocteau achète fin 1947 à Milly avec Jean Marais la Maison du Bailli, près du château. Ils la meublent de formes et de couleurs. Cocteau n’y vient d’abord qu’occasionnellement, puis plus longuement à partir du moment où il se lie avec Edouard Dermit.
La rue du Lau, pavée et aménagée à l’ancienne, avec son caniveau central, se termine en cul-de-sac devant une double porte cochère romane et sa porte piétonne. Flanquée de deux tourelles à 2 couleurs et à demi-engagées, sa façade est de style Louis XIII. C’est dans cet demeure, appelée autrefois la maison du gouverneur, que vécut Jean Cocteau de 1947 jusqu’à sa mort en 1963, comme le rappelle une plaque commémorative apposée en façade.
La façade sur rue et la toiture correspondante ont été inscrites en 1969 à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.
« C’est la maison qui m’attendait. J’en habite le refuge, loin des sonnettes du Palais-Royal. Elle me donne l’exemple de l’absurde entêtement magnifique des végétaux. J’y retrouve les souvenirs de campagnes anciennes où je rêvais de Paris comme je rêvais plus tard, à Paris, de prendre la fuite. L’eau des douves et le soleil peignent sur les parois de ma chambre leurs faux marbres mobiles. Le printemps jubile partout ».
Le domaine de Milly est un témoignage majeur des goûts et de l’intimité de l’artiste.
L’exception de sa situation à l’orée du centre-ville, l’étroite relation entre paysage et bâti, la présence du château, les qualités plastiques du lieu ont incité Jean Cocteau à faire de son « refuge » une œuvre d’art en soi, conforme à son image, à ses rêveries.
Il établit à Milly une familiarité entre le lieu et son œuvre. Il intègre dans les jardins des éléments de décors de ses films, notamment des sculptures. Il travaille le paysage, rendant manifestes les plans successifs des points de vue extérieurs qu’il poursuit jusque dans l’agencement de la maison. Le site devient dès lors une scénographie narrative, une allégorie dont le château est l’horizon imaginaire. L’aménagement du site rendra pleinement grâce à ce contexte particulier.
Actuellement, la maison en cours de restauration, et sera ouverte au public au printemps 2008. Pierre Bergé est le Président du Conseil d’Administration, responsable de cette restauration :
Entre les murs de la maison de Milly sont nées les phrases mémorables du « Testament d’Orphée », de « Requiem », et bien des toiles, et bien des dessins.
Aujourd’hui, cette maison est intacte grâce à Edouard Dermit qui, après la mort de Cocteau, a scrupuleusement veillé sur l’ensemble des objets qui constituaient son décor quotidien, ce qui permettra la parfaite restitution de la chambre, du bureau, de l’atelier et du grand salon.
Quant aux autres pièces, elles deviendront un espace d’exposition consacré aux collections graphiques conservées par le Comité Jean Cocteau, et pourront également abriter des expositions temporaires.
Les trois jardins et le bois seront eux aussi, bien évidemment, des lieux de promenade pour le visiteur et, pourquoi pas, des lieux d’exposition de sculptures. Enfin, l’atelier pédagogique permettra aux scolaires de se familliariser avec l’œuvre du poète.
C’est l’intervention, en 2002, du Conseil Régional d’Ile-de-France et du Conseil Général de l’Essonne qui a permis l’achat et la sauvegarde de cette maison. L’inauguration de l’ensemble, qui pourrait même à moyen terme devenir un centre d’archives et de recherche consacré à Jean Cocteau, est prévue pour le printemps 2008. Alors, prendra une résonance particulière l’épitaphe qui, à la sortie de la ville, orne sa tombe dans la Chapelle Saint-Blaise-des-Simples, qu’il a peinte lui-même : « Je reste avec vous ».
Le Comité Jean Cocteau, présidé par Pierre Bergé (titulaire du droit moral sur l’œuvre de Jean Cocteau), est dépositaire des œuvres léguées par le poète à ses héritiers. Ce Fonds est constitué de plus de 3000 pièces, principalement des dessins, huiles, pastels, et photographies. Les plus importantes seront présentées de façon permanente ou temporaire dans l’espace Collections, au premier étage de la Maison.
Le jardin va lui aussi retrouver tout son éclat, c’est le paysagiste Loïc Pianffeti qui en est le responsable :
« Composés d’axes structurants, la profondeur et le mystère de ce jardin sont renforcés par une série d’écrans, plus ou moins transparents, qui dialoguent avec la lumière. Ces écrans opèrent comme des filtres, modifiant la perception, scandant la séquence des différents espaces jusqu’au bois. Le jardin de Cocteau propose au visiteur une promenade au cœur de l’univers sensible de l’artiste. Les deux jardins qui enserrent la maison restent dépouillés et solaires ».
Le jardin domestique voit ses cordons de fruitiers replantés. Les bordures délimitées par les buis sont peuplées de rosiers et de vivaces simples, de petites pensées mauves, aperçues depuis les fenêtres de la chambre de Cocteau. Le jardin des sculptures bénéficie du même traitement dépouillé, aucun arbre n’y est planté. Les ifs entourant le terme sont rabattus et reformés pour créer un paravent laissant entrevoir le verger et le chemin vers le bois.
Franchissant la passerelle qui mène au verger, le visiteur pénètre dans un espace en équilibre entre bois et maison, entre château et village, posé au sein des canaux. L’allée qui mène au bois est légèrement élargie. Le rideau du fond est replanté avec des charmes : il constitue le second écran. Les fruitiers sont remis en place dans leurs formes et variétés d’origine. Entre les buis, les fleurissements linéaires font la part belle aux plantes qui peuplaient autrefois les lieux : lys, rosiers, pivoines, iris côtoyaient narcisses, jacinthes et simples pensées. Les couleurs dominantes sont franches, pures, essentielles : des rouges profonds et orangés s’échauffent au contact du bleu, tempérés par les nuances de blanc. Le verger déploie toute sa générosité au regard du visiteur, qui vagabonde jusqu’au clocher de Milly… »
Chapelle Saint Blaise des Simples à Milly la Forêt, décorée par Jean Cocteau en 1957
Un immense merci à Yvette Gauthier pour ses magnifiques photographies.
La maison de Cocteau à Milly la Forêt
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LOCALISATION DE LA MAISON :