Biographie d’Alain-Fournier.
« Peut être quand nous mourrons, peut être la mort seule nous donnera la clef et la suite de cette aventure manquée ».
Alain-Fournier naît le 3 octobre 1886 sous le nom d’Henri-Alban Fournier (il prendra en littérature le demi-pseudonyme d’Alain-Fournier) à la Chapelle-d’Angillon (Cher, France). Fils d’instituteurs, il passe son enfance dans le sud du Berry.
En 1891, son père est nommé à l’école d’Epineuil-le-Fleuriel. Alain-Fournier y sera son élève jusqu’en 1898, avant d’entrer en sixième, comme pensionnaire au lycée Voltaire à Paris. En 1901 il songe à devenir marin et rentre en seconde au lycée de Brest pour se préparer à l’Ecole Navale. Finalement, il renonce à ce projet.
En janvier 1903, il passe son baccalauréat au lycée de Bourges et, en octobre, va préparer l’Ecole Normale Supérieure au lycée Lakanal à Sceaux. C’est là qu’il rencontre Jacques Rivière qui devient son meilleur ami (puis son beau-frère lorsqu’il épousera, en 1909, sa sœur Isabelle, de trois ans sa cadette). Ils échangeront jusqu’en 1914 une importante et passionnante correspondance, dans laquelle revit l’ardeur de leurs préoccupations intellectuelles, sentimentales et spirituelles.
En 1905, Alain-Fournier rencontre cette jeune femme qui illumine sa vie et qu’il n’oubliera jamais. Ce jour du 1er juin, il la suit sur le Cours-la-Reine, puis sur un bateau mouche où elle s’embarque et enfin l’accompagne à distance jusqu’à sa maison du boulevard Saint Germain. Il revient plusieurs fois sous ses fenêtres et sa persévérance sera récompensée.
Le 10 juin, il aperçoit derrière la vitre le visage de la jeune fille. Surprise, mais souriante. Le lendemain 11 juin, jour de la Pentecôte, il est encore là, tôt le matin et la jeune fille sort de cette maison, un livre de prières à la main. Avant qu’elle ne monte dans le tramway il l’accoste et murmure : « Vous êtes belle ». Rabroué mais non dépité, il la suit jusqu’à l’église Saint-Germain des Prés. A la fin de la messe, il l’aborde à nouveau et c’est « la grande, belle, étrange et mystérieuse conversation » entre deux êtres qui, jusqu’au pont des Invalides vont laisser vivre leur rêve. Avant de se perdre dans la foule, elle se retourne vers celui qu’elle vient de quitter et à qui elle a demandé de ne pas la suivre. Une dernière fois, elle le regarde longuement.
En 1906, le jour anniversaire de l’Ascension, Alain-Fournier guette vainement la jeune femme sur Le Cours-la-Reine et confie le soir même à Jacques Rivière : « Elle n’est pas venue. D’ailleurs fut-elle venue, qu’elle n’aurait pas été la même ». Cette année-là, il échoue au concours d’entrée à l’Ecole Normale.
En 1907, au terme d’une ultime année de Khâgne au lycée Louis Le Grand, il échoue de nouveau à l’Ecole Normale. Il apprend également le récent mariage de la jeune femme (Yvonne de Quiévrecourt).
En 1908, Alain-Fournier fait son service militaire : après le peloton d’élève-officier à Laval, il est nommé sous-lieutenant à Mirande (Gers). Toujours hanté par le souvenir d’Yvonne, il écrit quelques poèmes et essais qui seront repris plus tard sous le titre « Miracles ».
En 1910, son service militaire terminé, Alain-Fournier cherche un emploi et trouve, en avril, un poste de rédacteur à « Paris-Journal ». Il a une liaison avec Jeanne Bruneau (originaire de Bourges), une modiste de la rue Chanoinesse. Il se donne tout entier à elle, mais elle ne le comprend pas. Le 19 octobre, il écrit à Jacques et sa sœur : « C’est fini ». Ils se reverront pourtant et la rupture définitive ne se produira qu’au mois d’avril 1912. Alain-Fournier confiera dans sa correspondance : « J’ai fait tout cela pour me prouver à moi-même que je n’avais pas trouvé l’amour ». Dès lors, Alain-Fournier s’installe rue Cassini et se lance dans l’écriture du « Grand Meaulnes ».
En 1912, il quitte la rédaction de « Paris-Journal » et devient le secrétaire de Claude Casimir-Perier, avant d’entamer avec la femme de ce dernier, la célèbre actrice Madame Simone (de son vrai nom Pauline Benda) une liaison plutôt orageuse.
Au début de 1913, Alain-Fournier achève « Le Grand Meaulnes » qui paraît d’abord en feuilleton dans « La Nouvelle Revue française », puis en volume chez Emile-Paul. Sélectionné pour le prix Goncourt, « Le Grand Meaulnes » obtient cinq voix au dixième tour de scrutin (alors qu’il lui en suffisait de six pour avoir le prix). Pourtant, au onzième tour, c’est « Le Peuple de la Mer » de Marc Elder qui décroche le Goncourt.
A fin juillet 1913, huit ans après l’épisode du Grand Palais, Alain-Fournier rencontre une dernière fois Yvonne, grâce à la sœur de celle-ci, Jeanne de Quiévrecourt. Yvonne de Vaugrigneuse est désormais mère de deux enfants. Alain-Fournier la quitte donc pour toujours et noie son chagrin auprès de Madame Simone.
En début d’année 1914, Alain-Fournier ébauche une pièce de théâtre, « La maison dans la forêt », et commence un nouveau roman, « Colombe Blanchet », qui restera inachevé.
Mobilisé dès la déclaration de guerre, en août, Alain Fournier rejoint le front comme lieutenant d’infanterie. Le 22 septembre, il est tué dans le bois de Saint-Remy, près de Saint-Remy la Calonne, à la tête d’une section d’infanterie. Il n’avait pas encore vingt-huit ans. Porté disparu avec vingt de ses compagnons d’armes, son corps a été découvert dans une fosse commune où les Allemands l’avaient enterré. Il a été identifié en novembre 1991 et est maintenant inhumé dans le cimetière militaire de Saint-Remy la Calonne (Meuse).
Alain-Fournier transpose dans « Le Grand Meaulnes » les souvenirs de son enfance, de son adolescence et de sa brève idylle. Comme Eugène Fromentin dans « Dominique », ou Gérard de Nerval dans « Sylvie », il mêle aux notations réalistes la poésie née de son existence intérieure. Il donne une forme à d’anciens rêves, décrit les séductions de l’aventure, la ferveur du premier amour; il laisse aussi entrevoir les déceptions qu’apporte la vie et suggère qu’il est impossible à l’homme de préserver l’idéal imaginé dans l’élan de la jeunesse :
« Le héros de mon livre est un homme dont l’enfance fut trop belle. Pendant toute son adolescence, il la traîne après lui. Par instants, il semble que tout ce paradis imaginaire qui fut le monde de son enfance va surgir. Mais il sait déjà que ce paradis ne peut plus être. Il a renoncé au bonheur ». (Lettre à Jacques Rivière, 4 avril 1910.)
Epineuil Le Fleuriel sa maison.
Epineuil-le-Fleuriel, le pays des épines fleuries… En 1891, lorsque les parents Fournier, venant de La Chapelle d’Angillon, s’installent à Epineuil pour y occuper les fonctions d’instituteurs et de secrétaires de mairie, ce village n’est qu’un petit village berrichon comme les autres. L’école, le logement de fonction des Fournier ainsi que la mairie sont des lieux austères et même pauvres.
En 1891, Henri Fournier a cinq ans. Il vit à Épineuil sept années durant lesquelles le village et ses alentours vont nourrir sa sensibilité, sa mémoire et son imagination à un tel point qu’ils vont devenir en 1912 (deux ans avant sa mort) des lieux habités par certains des personnages extraordinaires du « Grand Meaulnes », en particulier François Seurel et Augustin Meaulnes.
Contractant les distances (quatorze kilomètres séparent Épineuil de La Chapelle d’Angillon dans le roman, une centaine en réalité), déplaçant certains lieux, modifiant leurs noms, l’écrivain recrée une géographie sans rien inventer. « Dans le Grand Meaulnes, dit Isabelle, sa soeur, tout est réel et on peut visiter à pied 31 chapitres du livre, soit à l’école, soit autour de l’école. »
À Épineuil aujourd’hui, on peut en effet retrouver les lieux du roman autour du lieu central qu’est la maison-école où Henri a été élève de ses parents entre 1891 et 1898.
Lorsque l’on pénètre dans l’école, on trouve au rez-de-chaussée la classe de Madame Fournier et la « grande classe » de Monsieur Fournier (l’école accueillait cent quatorze élèves dans ses deux classes). La place d’Henri était à la première table, près de la fenêtre du jardin. Au fond de la classe, une porte conduit à l’appartement composé de la cuisine, de la salle à manger, du « salon rouge », interdit à Henri et à Isabelle et réservé à l’accueil des grands-parents pour Noël, et de la chambre des parents, qui est également celle d’Isabelle. L’escalier qui part de la cuisine mène au grenier où, à côté des cartes murales, des panneaux sur les saisons de l’année et autres objets de cours, se trouve la chambre d’Henri, très froide l’hiver, très chaude l’été. La porte à petits carreaux ne ferme toujours pas.
Si les courants d’air risquent un peu moins aujourd’hui qu’hier de souffler une bougie, le pauvre mobilier et la lucarne qui ne s’ouvre que sur le ciel ne laissent d’autre issue que de se réfugier dans l’imaginaire…
Merci à Yvette Gauthier pour les photograhies
Pour poursuivre votre visite, consultez le blog de monsieur Michel Baranger, ancien secrétaire de l’Association des amis de Jacques Rivière et d’Alain-Fournier, membre de la Fédération des maisons d’écrivain & des patrimoines littéraires ici.
Procurez vous des ouvrages d’Alain Fournier
Et notamment, Le Grand Meaulnes :
Roman du passage de l’enfance à l’adolescence, à l’atmosphère féerique, Le Grand Meaulnes a su captiver des millions de lecteurs. En octobre 2013, Le Grand Meaulnes a fêté ses cent ans de publication. Pour célébrer cet événement, les Éditions Aux forges de Vulcain ont décidé de rééditer une version illustrée datant de 1942 de ce fabuleux classique pour petits et grands. Les illustrations à la gouache aux teintes douces d’André Dignimont, contemporain d’Alain-Fournier,(André Dignimont est un illustrateur et peintre et graveur français, né le 22 août 1891 et mort le 4 février 1965, à Paris) soulignent la féerie du roman, que l’on lit avec le même émerveillement un siècle après sa rédaction.
Association Jacques Rivière – Alain-Fournier
LOCALISATION DE LA MAISON :
Je l’ai lu très jeune et comme Alain Fournier est un nom qui semble très québécois, j’ai cru un petit bout de temps qu’il était québécois. Mais à ma défense j’étais très jeune, il faut me pardonner.
Il vit en chacun de nous dans sa petite case réservée. Je crois que je vais le relire soigneusement maintenant…
Merci pour ce billet.
🙂 Diane.
Ah Le Grand Meaulnes ! Une oeuvre magnifique qui allie avec bonheur le roman d’aventures, le roman de terroir, le récit autobiographique, le genre onirique et le roman d’adolescence.
Un écrit intemporel.
Un « classique » qui mérite bien sa notoriété. C’est à la fois un beau roman d’aventures, en effet, mais aussi un poème en prose à la limite du surréalisme. Je l’ai lu trois fois et, à chaque lecture, j’y ai trouvé un parfum différent. Les illustrations de cette édition sont magnifiques !
Un plaisir de lecture renouvelé à chaque fois, c’est vrai.
Cette édition est parfaite pour la découverte de ce roman tout autant que pour une lecture avec « vagabondages visuels » 🙂
Plus je revisite ce roman et mieux j’entrevois cette angoisse pernicieuse qui plane tout le long de l’histoire….comme un spectre invisible mais present a tout moment, dans l’attente de se reveler et de demontrer que tout le bonheur present dans l’histoire etait chimerique, un miroir dont on ne voyait pas la face sombre….
Très belle analyse.
« Le passé ne peut renaître » Alain-Fournier.
Belle et émouvante visite au pays du Grand Meaulnes qui nous plonge au temps d’Alain-Fournier comme si rien n’avait changé depuis les années. Les émotions s’inscrivent à travers les images et paysages qu’Alain-Fournier a connus, paysages restés intacts jusqu’à ce jour.
Françoise du Nord.
Emotions en effet :
« Un homme qui a fait une fois un bond dans le Paradis, comment pourrait-il s’accommoder ensuite de la vie de tout le monde ? »
Merci pour votre visite et votre petit mot. 🙂