Biographie de Franz Kafka.

 

 

« On ne devrait lire que des livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? »

 

Franz Kafka naît le 3 juillet 1883 à Prague, en Bohème. Le royaume est alors rattaché à la couronne autrichienne. Il est l’aîné des quatre enfants de la famille Kafka, et l’unique garçon. Ses deux frères, nés en 1885 et 1887, décèdent en bas âge. Sa mère, Julie Kafka, née Löwy, est issue d’une famille aisée de Juifs allemands, tandis que son père, Hermann Kafka, est originaire d’un milieu beaucoup plus modeste. D’abord marchand ambulant, celui-ci a ouvert à Prague un magasin de nouveautés, qui prospère à l’époque. Membre des classes moyennes, il ambitionne suivant son exemple que ses enfants s’élèvent dans la hiérarchie sociale et use parfois de  brutalité à leur encontre.

Le jeune Franz fréquente ainsi l’école primaire allemande, avant d’entrer en 1893 au lycée classique d’État de langue allemande, situé dans la Vieille Ville. L’établissement est d’ailleurs essentiellement fréquenté par des élèves issus de la bourgeoisie juive. En 1901, après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires, il commence sans enthousiasme des études de droit à l’université de Prague. Mais l’adolescent souffre de plus en plus de l’ambiance familiale, notamment des relations conflictuelles avec son père qui règne en patriarche chez les Kafka. Au mois de novembre 1919, Franz Kafka décrira le conflit qui le ronge sans parvenir à l’exorciser en rédigeant une « Lettre au père », que jamais il ne remettra à son destinataire. Tout oppose alors l’autorité paternelle et le fils. Ce dernier n’est que fragilité et interrogation. Il lui est impossible de répondre aux attentes de son père, qui lui mène la vie dure au sein du foyer. L’adolescent est davantage attiré par son oncle Siegfried Löwy, demi-frère de sa mère, médecin de campagne à Triesch et homme d’une grande culture. En 1904, il rédige d’ailleurs une première et longue nouvelle, « Description d’un combat ».

Franz Kafka achève ses études supérieures en 1906, année où il est fait docteur en droit. Il effectue alors différents stages, chez un oncle avocat, puis dans deux tribunaux de Prague. Par la suite, il travaille quelque temps comme auxiliaire à la filiale praguoise des Assicurazioni Generali, une entreprise particulièrement dure avec ses employés, avant d’obtenir, le 30 juillet 1908, un poste plus tranquille à l’Institut d’assurances contre les accidents du travail, à Prague. Ses premiers textes sont alors publiés par le journal Bohemia ainsi que dans la revue Hyperon. L’année suivante, il commence à rédiger un journal, qui laisse entrevoir la morosité de son existence de fonctionnaire consciencieux. Celui-ci nous apprend que Kafka est attiré par l’idéologie sioniste, son idéal communautaire en particulier. Il fréquente également les milieux socialistes et anarchisants de la capitale tchèque, les jeunes gens du Klub mladych notamment.

Franz Kafka vit toujours sous la dépendance de ses parents. Il tente parfois de s’en éloigner, soit en prenant une chambre indépendante, soit pour s’installer chez sa sœur Ottla. En 1911, Kafka voyage en compagnie de Max Brod. Ensemble, les deux amis parcourent la Suisse, l’Italie du Nord, effectuant également un séjour à Paris. Chez les parents de celui-ci, Kafka fait la rencontre de Felice Bauer, une jeune fille dont il devient immédiatement amoureux. Alors que Max Brod se marie, Franz Kafka est plus que jamais obsédé par la solitude et son célibat. Le 20 septembre 1912, commence une abondante correspondance entre les deux jeunes gens. Au mois de décembre suivant paraît « Regard », un recueil qui comporte dix-huit récits. En 1913, Kafka demande pour la première fois Felice en mariage, sans succès. Une des amies de la jeune fille, Grete Bloch, intervient alors auprès d’elle et les fiançailles sont enfin prononcées, le 1er juin 1914, à Berlin. Celles-ci sont cassées par la volonté de la belle-famille, dès le 12 juillet. L’année suivante, Kafka quitte enfin le foyer parental. Il continue de voir la jeune fille, mais de manière plus espacée. En 1915, « La Métamorphose », celle de Grégoire Samsa en cloporte, paraît en volume, de même que « Le Verdict » l’année suivante. Au mois de juillet 1917, Franz Kafka et Felice Bauer sont de nouveau officiellement promis l’un à l’autre, avant la rupture définitive au mois de décembre…

Cette année là se manifestent chez Kafka les premiers symptômes d’une tuberculose pulmonaire. Dans la nuit du 9 au 10 août, une crise d’hémoptysie se déclare. Pendant l’automne, il part alors en convalescence à Zurau, une ville située dans les monts Tatra, au nord-ouest de Prague, non loin de chez sa sœur Ottla. En 1919, commence une relation amoureuse avec Julie Wohryzek, année où est également publiée « Dans la colonie pénitentiaire ». « Un médecin de campagne » parait peu après. A partir du mois d’avril 1920, Kafka entame une correspondance avec Milena Jesenska-Pollak, sa traductrice tchèque. Il lui confie la lecture du commencement de son journal, au mois d’octobre 1921. Peu à peu cependant, son état de santé s’aggrave et rend nécessaire un long séjour en sanatorium, du mois de décembre 1920 à l’automne 1921. Kafka, qui ne peut plus depuis longtemps accomplir son travail d’employé à l’Institut d’assurances, est bientôt mis à la retraite. En 1923, il fait la rencontre de Dora Diamant, sa dernière compagne. Ensemble, ils passent quelques mois sur les cotes de la Baltique, puis à Berlin. Le 3 juin 1924, Franz Kafka décède dans sa quarante et unième année au sanatorium de Kierling, près de Vienne.

Pendant cette courte existence, bien monotone, Franz Kafka a beaucoup écrit. Comme il l’affirme lui-même dans son journal en 1912 : « l’écriture était l’organisation la plus productive de ma nature ». Mais la plupart de ses textes n’était pas destinée à être lue. Ainsi en témoignent les recommandations qu’il destine en 1922 à son ami Max Brod, alors qu’il se sait condamné, dans le chiffon de papier qui est considéré comme son testament. Celui-ci, connaissant la valeur littéraire des manuscrits du défunt, rompt son engagement. Tout les écrits de Kafka seront ainsi livrés au public : des textes achevés, des ébauches et des brouillons, des récits réprouvés ou qu’il aurait été nécessaire à l’écrivain de retravailler. Au delà d’une curiosité malsaine, c’est surtout le respect que l’on éprouve désormais pour celui que l’on considère comme un auteur majeur qui commande cette exhumation systématique. On en saura d’ailleurs davantage sur l’existence de Kafka en 1937, année où Max Brod publie à Prague une biographie de son ami.

« Le Procès », son texte apocryphe le plus abouti, paraît ainsi dès le 26 avril 1925, suivi par « Le Château » l’année suivante, « Amerika » en 1927 ainsi que « La Muraille de Chine », un recueil de nouvelles en 1931. Au public cultivé, qui avait pu apprécier les œuvres de Kafka publiées de manière isolée avant-guerre, s’ajoute désormais un lectorat beaucoup plus large. Et dans les deux décennies qui suivent, l’écrivain tchèque de langue allemande connaît une véritable vogue, un enthousiasme littéraire. Ne décrit-il pas dans le roman, « Le Procès », les bureaucraties policières qui fleurissent à l’Est de l’Europe ? Et de plus, ne peut-on voir avec « Dans la Colonie pénitentiaire », une préfiguration des camps ? Parallèlement à cette lecture politique de l’œuvre de Kafka, se développe également un commentaire plus philosophique. Joseph K., l’angoissé, celui qui est perdu au milieu d’un monde absurde, préfigure ainsi les personnages d’Antoine Roquentin de « La Nausée » de Sartre ou le Meursault de « L’Étranger » de Camus. Autrement dit, l’œuvre posthume de l’écrivain tchèque apporte de l’eau au moulin de l’existentialisme et le mot « kafkaïen », un nouvel adjectif qui rappelle l’atmosphère oppressante de ses textes, apparaît peu après la fin de la seconde Guerre mondiale dans la langue française.

 

Sa ville : Prague.

 

« Prague ne vous lâche pas. Pas un seul d’entre nous. Prague, la mère des villes et des serres… Il nous faudrait l’enflammer des deux côtés, à Vysehrad et à Hradcany, alors il serait possible de nous en débarrasser. » Ainsi, le jeune Franz Kafka exprime sommairement et brutalement son rapport vis-à-vis de sa ville natale. En 1902, il adresse une lettre à son ami Oscar Pollak dans laquelle on trouve ces lignes. Plusieurs fois, il tente d’échapper à sa ville. En 1902, par exemple, il envisage de partir pour étudier à l’Université de Munich. Mais il ne reste dans la capitale de Bavière que quelques jours et décide bientôt de revenir à Prague pour étudier le droit. Prague ne le lâchera vraiment qu’une seule fois, lorsqu’il ira mourir à Vienne. On sent la présence de cette ville dans tout ce qu’il écrit, même, et surtout, dans les livres où il n’y a presque pas de description de lieux.

Franz est né le 3 juillet 1883 dans la Vieille Ville de Prague dans la maison « U veze » (A la tour). La maison qui se trouve au coin de la rue près de l’église Saint-Nicolas est ravagée par un incendie en 1897 et reconstruite en 1902. Le seul vestige de la maison natale de Franz est le portail, tout le reste date du début du 20ème siècle. Dans la maison, il y aujourd’hui le Musée Kafka et sur sa façade on a installé, en 1966, un relief représentant l’écrivain, réalisé par le sculpteur Hladik.

La famille déménage souvent. Elle habite, entre autres, la maison médiévale « Minuta » (A la minute) au numéro 2 de la place de la Vieille Ville, qui sera une des plus belles de la place mais, à l’époque elle n’est pas encore restaurée et ses beaux graffites sont cachés par le crépi. La famille y vit pendant sept ans et c’est là que naîtront les trois soeurs de Franz: Elli en 1889, Valli en 1890 et Ottla en 1892.

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, Kafka doit immédiatement quitter l’appartement qu’il partage avec ses parents, au numéro 36 de la rue Mikulaska, aujourd’hui Parizska (l’Avenue de Paris). Il doit céder la place à sa soeur Elli qui y aménage avec ses deux enfants. Franz habitera par la suite plusieurs appartements dans les rues Bilkova et Dlouha, mais aussi au numéro 2 de la Ruelle d’or, une maisonnette située dans la célèbre rue des alchimistes au Château de Prague. En mars 1917, il loue un deux-pièces dans le palais Schönborn au quartier de Mala Strana, qui abrite aujourd’hui l’ambassade des Etats-Unis. C’est là qu’il tombera malade de la tuberculose qui finira par l’emporter. Son dernier logement pragois se trouvera dans la maison Oppelt formant le coin de la rue Mikulaska et de la Place de la Vieille Ville, tout près de l’endroit où il est né.

 

Kafka a marqué par sa présence nombre de rues et de maisons pragoises. Un promeneur informé peut suivre pas à pas toutes les étapes de sa vie, car presque toutes les maisons qu’il a habitées sont là, intactes. Aujourd’hui, la mode littéraire aidant, on trouve son nom et son portrait dans les rues, dans les kiosques où l’on vend des cartes postales, sur les affiches des spectacles inspirés par ses romans et nouvelles, et même sur les murs des jardins de Mala Strana. Quel était donc, en réalité, le rapport entre l’écrivain et Prague? Comment cet homme hypersensible voyait cette ville qu’il haïssait presque, mais qui faisait quand même partie de sa vie?

 

Voici ce qu’en dit Marthe Robert, traductrice de son journal :

 

 

« La ville apparaît, certes, avec ses rues, ses places, ces vieux ponts, avec son atmosphère médiévale qui s’accorde si intimement avec l’inspiration de Kafka que son entourage a pu voir, dans le style du Procès ou du Château, une sorte de réplique au style gothique pragois. Mais derrière ce cadre familier, qu’il contemple dans ses promenades solitaires, c’est autre chose qu’il voit, une fatalité qui partout lui fait signe. (…) Cette fatalité ne tient pas uniquement au fait que Kafka était Juif dans un pays où l’antisémitisme était, pour ainsi dire, traditionnel. Elle est en grande partie déterminée par la situation historique, sociale et ethnique de Prague… Juif, Kafka est triplement suspect aux yeux des Tchèques, car il n’est pas seulement Juif, il est aussi Allemand… Mais Allemand, il ne l’est que par la langue, ce qui, certes, le relie fortement à l’Allemagne, mais nullement aux Allemands de Bohême qui, à ses yeux, ne peuvent être qu’une piètre caricature. Il est d’ailleurs séparé d’eux non seulement par leurs préjugés de race, mais encore par le ghetto aux murs invisibles dont la bourgeoisie juive s’est volontairement entourée. Ainsi, Prague donne chaque jour à Kafka le spectacle d’une société où la proximité ne fait qu’aggraver la distance, où la séparation, fondée sur une loi tacite, est tacitement observée par tous, comme si la ville elle-même était victime d’un charme. »

 

Maison natale ‘U veze »

 

 

 

 

 

 

 

  

Maison de son adolescence « Minuta »

 

 

 

 

 

 

 

 

  

Maison de la ruelle d’or

 

 

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