Biographie de Karen Blixen.

 

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« Rêver, c’est le suicide que se permettent les gens bien élevés ».

 

Karen Blixen est née le 17 avril 1885 sous le nom de Karen Christentze Dinensen, sa famille l’appelait « Tanne ». La famille de sa mère, les Westenholz, étaient des bourgeois exemplaires, des négociants millionnaires qui s’étaient enrichis grâce à leur habileté, leur frugalité et leur dur labeur. Les Dinensen propriétaires terriens étaient des campagnards, affables et prodigues et cousins avec la plus haute noblesse du royaume.

Karen avait 10 ans lorsque son père Wilhelm qui souffrait d’une maladie « qui ne pouvait présager que d’un avenir sombre et tragique » se donna la mort. Se pendre n’était pas une mort honorable pour un officier. On dit aux enfants que leur père était tombé malade et était mort subitement.

A la fin de 1904 (Karen a 19 ans), elle commence à travailler sur une série de contes sous le titre « Histoires Vraisemblables », de style gothique, pleines de spectres, de visions et de cas de possession. Il furent publiés en 1908 sous le nom d‘Osceola. Tanne allait publier deux autres contes sous ce pseudonyme.

Une fois que Tanne eut quitté l’Académie royale, elle devint une familière du « beau monde » aristocratique où elle connut les jumeaux Hans et Bror Blixen-Finecke. Ils montaient en course, jouaient au bridge et au golf, buvaient du whisky, dansaient au son du gramophone, donnaient des bals costumés, tiraient quantité de gibier à plumes, achetaient des aéroplanes et des automobiles, et faisaient l’amour avec un cynisme et un sang-froid qui auraient stupéfié leurs parents victoriens, s’ils s’en étaient rendu compte.

Tanne tomba follement amoureuse de Hans. Il ne répondit pas à sa passion. « Plus que toute autre chose, c’est un amour profond et non partagé qui a laissé une marque dans ma jeunesse » déclara plus tard Karen.

Tanne continua d’aimer Hans Blixen malgré son indifférence, du moins jusqu’à ce qu’elle épouse son frère. Bror Blixen était un épicurien zélé et courtois qui n’avait pas de plus noble but dans l’existence que se distraire.

La nouvelle des fiançailles laissa bien des gens sceptiques. Nombre des amis du couple ne voyaient que leur incompatibilité : Bror le nobliau extraverti et sans façon, le farceur invétéré, Tanne, la bourgeoise artiste et d’humeur changeante, avec son éducation prude, ses talents littéraires et ses désirs de grandeur.

Lorsque l’oncle de Bror, le conte Mogens Frijs, revint au Danemark d’un safari en Afrique-Orientale anglaise il leur parla de la beauté du pays et de ses fantastiques possibilités économiques. Dans cette aventure, leur mariage et leur départ pour l’inconnu, Bror et Karen devinrent des associés Un lien de dépendance et de prévenance s’établit. Il y eut certainement un autre échange important : le titre de Bror et ses relations avec la plus haute noblesse, y compris la famille royale de Suède, et la possibilité qu’avait Tanne d’accéder à la fortune de sa propre famille qui allait garantir leur ferme.

Malgré leurs différences, malgré l’amour de Tanne pour Hans, élément de dépit, il y eut entre eux une affection mutuelle. Longtemps après l’échec de ce mariage, elle continua de parler de ces premiers temps comme de l’une des périodes les plus heureuses de sa vie.

Tanne avait, avant même de quitter le Danemark, l’ambition de faire de leur maison une oasis de civilisation. Elle prit dans ses bagages un service de plateaux en argent, des verres en cristal, des porcelaines, des meubles, du linge, des tableaux, des bijoux, la bibliothèque de son grand-père et son cadeau de mariage préféré, un lévrier d’Ecosse nommé Dusk.

Karen Blixen écrivit : « Je me rends compte combien j’ai été favorisée d’avoir pu mener une vie libre et humaine sur une terre paisible, après avoir connu le bruit et l’inquiétude du monde ».

L’attirance de Karen Blixen pour les Africains avait été immédiate et sensuelle. « Ils entrèrent dans mon existence », écrivait-elle à la fin de sa vie, « comme une sorte de réponse à quelque appel de ma nature profonde, peut-être à mes rêves d’enfance, où à la poésie que j’avais lue et adorée longtemps auparavant, ou aux émotions et aux instincts qui gisaient au plus profond de moi « . Elle sentait qu’elle partageait avec eux une sorte de « pacte ».

Et cependant la jeune baronne Blixen se plaisait dans son isolement. Elle avait conscience de son rang et gardait ses distances vis-à-vis des colons qui lui étaient inférieurs. Pour sa part, l’aristocratie anglaise mit longtemps à accepter ces nouveaux venus qui arrivaient sans sauf-conduit.

Les lettres qu’elle envoyait au Danemark bouillonnent de mépris pour la banalité des colons blancs et des Anglais en particulier. Leurs préjugés raciaux lui déplaisaient plus que tout. La supériorité morale des Blancs était pour elle une illusion, et en ce qui concernait des points importants, l’honneur ou l’humour, par exemple, les Africains étaient bien plus civilisés.

Les antipathies sont souvent réciproques, et les Anglais, tout d’abord, n’acceptèrent pas Tanne Blixen avec chaleur.

Un jour du mois d’août, à Nairobi, quelqu’un repéra un aéronef allemand, le même jour la guerre fut déclarée. Après bien de discussions Bror résolut d’offrir ses services à leur pays d’adoption, mais il se fit exempter de service actif au cas où la Suède se rangerait finalement aux côtés du Kaiser. Bror s’engagea comme officier de renseignements non combattant, dans la patrouille frontalière de lord Delamère.

La guerre faillit ruiner la Compagnie suédoise des cafés d’Afrique. Les Anglais réquisitionnèrent les chariots de Bror et ses bœufs moururent de fièvres.

Tanne elle-même souffrait d’une maladie chronique que l’on n’avait pu identifier et qu’elle avait tout d’abord prise pour la malaria. Un jour, à la fin d’un examen approfondi le médecin lui dit qu’il n’avait jamais vu quelqu’un d’une aussi robuste constitution. En fait, il lui déclara qu’elle était atteinte d’une syphilis « aussi grave que celle d’un soldat », et lui prescrivit le seul remède qu’il avait sous la main : des pilules de mercure.

La syphilis, à l’état presque endémique chez les Masaïs, était la cause de la stérilité presque généralisée des femmes masaïs. Un compagnon de guerre du baron Blixen se souvient que « c’était un scandale pour tout le monde que Blixen ne cachât pas qu’il avait des relations avec une Noire ». Il semble possible que ces relations aient été la source de l’infection de Karen.

Même après le diagnostic elle voulut rester mariée à Bror. Des années après ils donnaient encore l’impression d’un couple que lie une profonde et solide affection. Tanne acceptait les liaisons de Bror, et en échange, celui-ci considérait avec le sourire ses amitiés avec Erik Otter et Denys Finch Hatton. En fin de compte, c’est lui qui fut à l’origine de leur divorce.

Karen Blixen semblait considérer sa maladie comme une occasion parfaite d’élévation spirituelle. Plus tard dans sa vie, elle la considéra rétrospectivement comme le prix qu’elle a dû payer pour acquérir non seulement son titre de baronne, mais aussi son art. Elle devait en fait prétendre qu’elle avait promis son âme au Diable, afin que toute son expérience vécue pût être utilisée dans ses contes. Cette promesse avait été scellée, dirait-elle lorsqu’elle avait découvert sa maladie et perdu tout espoir d’avoir une vie sexuelle normale.

Elle partit se soigner au Danemark et l’Afrique lui manqua terriblement.

En Afrique, le 5 avril 1918 elle avait fait la connaissance de Denis Finch Hatton. La liste de ses talents, de ses qualités et de ses excentricités pourrait aussi bien se résumer dans le mot princier. Comme celui qui n’a pas d’égal, il était l’objet de bien de désirs et son succès lui conférait un immense prestige.

Au début des années vingt, Denys abandonna ses autres logements et transporta ses affaires à la maison de Karen Blixen à Ngong. C’est là qu’il devait séjourner entre les safaris, durant une semaine ou deux entre des absences qui duraient plusieurs mois. Ses brèves périodes intenses en compagnie de son amant rendaient à Tanne son équilibre.

Le mariage des Blixen survécut à la liaison de Tanne avec Denys, comme il avait survécu au diagnostic de la syphilis, à leurs fréquentes séparations et aux liaisons de Bror avec d’autres femmes. Dans l’ensemble, elle avait une vue du mariage digne du XVIIIe siècle. Elle avait signé un contrat, voué obéissance à une idée plus qu’à un individu, et elle lui resterait fidèle. Dans les limites de sa soumission de pure forme, elle se sentait libre de se livrer à ses propres plaisirs.

Denys apprit à Tanne le Grec, il lui fit connaître les poètes symbolistes, lui joua Stravinski et tenta de lui faire prendre goût à l’art moderne. Denys et Bror étaient considérés comme les deux plus grands chasseurs blancs de l’époque. Ils s’appréciaient mutuellement et durant un certain temps, ils partagèrent la même chambre à Ngong, chacun l’utilisant lorsque l’autre partait en safari.

Bientôt les récoltes ne couvrirent plus les frais et elle fut obligée de vendre la ferme. Avec la mort tragique de Denys tout espoir de bonheur l’avait quittée. La ruine de Karen Blixen était en fait totale. Elle avait toujours la syphilis. Désormais le mal était impossible à traiter ou à arrêter, même avec les remèdes les plus modernes. Vers la fin du mois de juillet elle embarqua pour le Danemark. Elle ne reverrait jamais plus l’Afrique.

Durant les quatre premières années qui suivirent son retour, Karen Blixen avait été absorbée par l’écriture, par la publication de ses œuvres et par l’attention que produisit sa célébrité soudaine.

Le conte « Le Poète », écrit dans les années trente annonçait avec une étrange coïncidence de détails l’amitié de Karen Blixen et de Thorkild Bjornvig, un des plus importants jeunes poètes danois. Ce fut une union mystique, un vœu d’amour éternel, un traité semblable à ceux qu’elle avait le sentiment de conclure avec les Africains. Bjornvig lui confiait son âme en échange d’une protection éternelle.

De la même manière qu’elle prétendait avoir vendu son âme au diable en échange de son don de conteuse, elle prenait désormais le rôle de démon et promettait le même don de génie à quelqu’un d’autre.

Quelques années plus tard il devait la rejeter et lui tenir rancune. Après quoi sa solitude redevint absolue même si elle mena une vie trépidante au milieu d’une foule de gens. Il devait y avoir par la suite quelques aventures avec toute une série de jeunes gens, mais Bjornvig devait être son dernier amour. Et, peu après leur séparation, lorsqu’un jeune écrivain vint s’asseoir à ses pied, tout aussi prêt à lui livrer son âme, elle lui déclara qu’il arrivait trop tard : « je ne puis vous donner une place dans mon existence, désormais. C’est dommage pour vous, mais vous auriez dû venir plus tôt. Il ne me reste plus rien d’autre à faire qu’à vivre mon destin jusqu’au bout ».

Lorsque le prix de littérature fut décerné à Ernest Hemingway, celui-ci accepta cette distinction mais il déclara que cet honneur aurait dû revenir à trois autres écrivains. L’un d’eux était la « merveilleuse Isak Dinesen ».

Karen Blixen adorait entrer en glissant d’un pas feutré dans un salon comme un personnage d’un conte de Boccace, telle une ombre furtivement sortie des limbes. Finalement elle était parvenue à devenir la « personne la plus maigre du monde » et à acquérir à 70 ans ce qui était considéré comme une grande beauté. Durant les sept dernières années de sa vie elle semblait vraiment trop légère et trop fragile pour un être vivant. C’était cette fragilité, qui contrastait avec son avidité de vivre, qui impressionnait le plus les gens qui la voyaient pour la première fois. L’effet produit par ses souffrances fut de donner l’impression dramatique qu’un gouffre la séparait des autres et que son âge, sa sagesse, son courage et tout son être étaient en eux-mêmes un mystère.

La santé de Karen Blixen empira rapidement. Elle mourut le vendredi 7 septembre 1962, d’amaigrissement excessif.

Elle avait écrit « Mais l’heure était venue où, démunie de tout, je devenais pour le destin une proie trop facile ».

 

 

Sa ferme à Ngong.

 

 

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« J’ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong. La ligne de l’Equateur passait dans les montagnes à vingt-cinq milles au Nord, mais nous étions à deux mille mètres d’altitude. Au milieu de la journée nous avions l’impression d’être tout près du soleil, alors que les après-midi et les soirées étaient frais et les nuits froides.

L’altitude combinée au climat équatorial composait un paysage sans pareil. Paysage dépouillé, aux lignes allongées et pures, l’exubérance de couleur et de végétation qui caractérise la plaine tropicale en étant absente : ce paysage avait la teinte sèche et brûlée de certaines poteries.

L’horizon que l’on découvre des collines du Ngong est incomparable : au sud des grandes plaines, puis les vastes terrains de chasse qui s’élèvent jusqu’au Kilimandjaro. Au nord-est il y a la réserve des Kikuyu qui s’étend sur près de 160 kilomètres jusqu’au mont Kenya, couronné de neige.

Nous cultivions surtout le café, mais ni l’altitude ni la région ne lui convenaient très bien ; et nous avions souvent du mal à joindre les deux bouts.

Nairobi, notre capitale, n’était qu’à une vingtaine de kilomètres de la ferme ».

La maison surprend par sa modestie. Villa plutôt que ferme, assez basse, lambrissée d’un bois sombre, le muvli, parquetée de cèdre kenyan, elle semble enracinée pour l’éternité, à la fois étrangère et fidèle au paysage qui l’entoure.

La ferme est située à 1800 mètres d’altitude, trop haut pour le café. « Tout l’horizon de ma vie s’en est trouvé élargi » écrit-elle en évoquant le choc de sa rencontre avec l’Afrique.

Son livre « La Ferme Africaine » est l’histoire de cette découverte passionnée, de sa lutte pour faire vivre sa plantation qui emploie jusqu’à 700 personnes, et des indigènes auxquels elle consacre une partie de son temps. Derrière la maison, fac aux Ngong Hills, une table de pierre faite d’une ancienne meule rappelle les heures qu’elle passe chaque matin avec eux. Elle règle les nombreux conflits et les soigne, auréolée du prestige des guérisseurs.

La vie est dure, parfois, et grand est l’isolement. Nairobi est aujourd’hui à quelques dizaines de minutes, mais à l’époque, il fallait deux heures en char à boeufs pour s’y rendre. Les propriétés sont distantes les unes des autres. Deux lanternes à l’entrée indiquent aux amis qu’ils peuvent être accueillis, et les dîners de la Baronne sont célèbres dans la colonie blanche. Elle a fait de Kamante, un petit kikouyou qu’elle a sauvé, un chef hors pair, et dans la cuisine, située à l’extérieur de la maison, le futur auteur du « Festin de Babette » invente de somptueuses recettes pour ses invités. Des ustensiles rouillés, des pots, trois moulins à hacher fixés à la table, une cuisinière, une cuve en bois pour l’eau plantent le décor.

Dans la salle à manger, pièce centrale de la maison, un service à thé et quelques pièces de mobilier permettent d’évoquer les soirées où se rencontraient ses amis, autour de la table chargée de cristaux fins et d’argenterie.

La restauration combine objets d’origine et reconstitution, et recrée l’atmosphère intime de cette maison.

Communiquant avec la salle à manger, le salon où Karen invente ses plus belles histoires pour Dennis Finch Hatton, le grand amour de sa vie. Entre deux safaris, il habite chez elle. Sa bibliothèque est garnie de livres ayant servi au tournage de « Out of Africa ». Sur le bureau, la machine à écrire Corona qui fascinait tant les indigènes. Réalité et fiction se mêlent d’autant plus étroitement que Universal Pictures a fait don d’objets ayant servi au tournage : tous les rideaux de la maison, le dessus de lit de la petite chambre toute blanche de Karen, les bottes et la tenue de safari de Meryl Streep, ainsi que le pantalon de Robert Redford. Ils voisinent avec la table de toilette et la garde robe de Karen Blixen, et dans la chambre du Baron, devenue celle de Dennis, la malle de voyage marquée « KC Dinesen ». Une salle de bains complète l’évocation. Des photographies permettent de suivre Karen Blixen à différentes périodes de sa vie.

En 1963 le gouvernement danois a acheté la maison et en a fait don au Kenya lors de l’Indépendance. L’ouverture du musée en 1986 a coïncidé avec la sortie du film de Sydney Pollack, et, depuis, la ferme attire de très nombreux visiteurs venus du monde entier.

Quand Karen Blixen quitta sa ferme en 1931, ses serviteurs laissèrent symboliquement la porte grande ouverte derrière elle. Quelques mois plus tôt, Dennis s’était tué en avion. Elle devait vivre longtemps encore. Le monde qu’elle a décrit n’existe plus. Mais ce qu’elle a saisi de l’âme du continent africain demeure étonnamment juste, sans doute parce qu’au pied des Ngong Hills, elle avait appris à devenir écrivain.

 

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