Biographie de John Ruskin.

 

 

john_ruskin« L’art est beau quand la main, la tête et le coeur travaillent ensemble ».

John Ruskin (8 février 1819 – 20 janvier 1900) est un écrivain, poète, peintre et critique d’art britannique, issu d’une famille d’origine écossaise. Son père, M. John James Ruskin, Écossais d’origine, était à la tête d’une importante maison de vins à Londres. Après des débuts assez difficiles dans la vie, il jouissait d’une large aisance qui devint bientôt une véritable richesse, car, à sa mort, il laissa à son fils une fortune de cinq millions. Il avait épousé sa cousine, Margaret Cox, une de ces presbytériennes à la fois, sévère pour elle et pour les autres. Elle se consacra à son fils avec un entier dévouement, mais sa tendresse maternelle n’influait pas le moins du monde sur l’austérité de son caractère. « Elle semblait n’avoir jamais eu l’idée de faire plaisir à un enfant, en quoi que ce soit », dit Mrs Ritchie Thackeray en parlant d’elle. Le petit enfant recevait régulièrement le fouet chaque fois qu’il était capricieux ou importun, ou même lorsqu’il tombait dans l’escalier. Ceci pour lui apprendre l’adresse.

Il ne lui était pas non plus permis de posséder des jouets. Un jour, cependant, une bonne tante lui avait fait cadeau d’un polichinelle accompagné de sa femme, car en Angleterre ce célèbre personnage ne se présente guère sans son épouse, Juddy. Ces deux pantins étaient articulés, dorés, superbes. Mrs Ruskin fut bien forcée de les accepter, mais lorsque la généreuse parente ne fut plus là, elle déclara à son fils « qu’il n’avait pas besoin de cela « , et l’enfant ne revit plus son beau jouet.

Naturellement, les bonbons n’étaient pas non plus admis. Le jardin de ses parents, racontait Ruskin plus tard, était pour lui un paradis terrestre, avec cette différence que aucun animal n’y était soumis à l’homme et que tous les fruits y étaient défendus, ces fruits, disait-il,

 

« d’une magnifique abondance, vert tendre, ambre doux, pourpre velouté, courbant les branches épineuses ; grappes de perles et pendeloques de rubis qu’on découvrait avec joie sous les larges feuilles qui ressemblent à de la vigne ».

Lorsqu’on permettait au petit garçon d’en goûter, cette permission se limitait à un seul grain de groseille.

Comme il arrive souvent en pareil cas, et quelquefois au détriment de la tranquillité des parents, l’enfant, privé de jeux, s’en faisait avec ce qui l’entourait, et peut-être ce système contribua-t-il à développer sa faculté d’observation. Il se faisait des spectacles de tout, du mouvement de l’eau courante, des formes changeantes des nuages, des différences de nuances du feuillage dans le jardin.

Cette disposition était, du reste, un don de famille. Tout négociant de vin qu’il fût, M. John James Ruskin était artiste en même temps ; il peignait à l’aquarelle, s’enflammait, s’enthousiasmait. Il aimait beaucoup les voyages, et l’austère Mrs Ruskin partageait ce goût. Tout petit, John accompagnait ses parents dans de longues excursions que l’on faisait dans une petite voiture conduite par M. Ruskin ; l’enfant était devant, assis entre son père et sa mère sur un petit portemanteau, sa bonne derrière.

 

Vers sa dixième année,  ses parents l’emmenèrent dans de véritables et beaux voyages. La vue des montagnes surtout le jetait dans de véritables extases. L’on dit que, lorsque, petit enfant, son portrait avait été fait par James Northcote, on lui avait demandé ce qu’il voulait qu’on lui donnât comme fond de tableau et qu’il avait répondu : « Des collines bleues ».

À quatorze ans, il décrit en vers ses sensations à l’approche de ses collines bien-aimées :

 

« Un frisson d’étranges délices le fait trembler lorsqu’il les voit s’élever à l’horizon, comme un nuage d’été ».

Ce fut à Schaffhouse, vers cette époque, qu’il éprouva en voyant les Alpes pour la première fois une impression si forte qu’elle lui parut une véritable révélation du beau et une invitation irrésistible à le faire aimer de ses semblables :

 

« Le soleil allait se coucher lorsque nous atteignîmes une sorte de jardin-promenade fort au-dessus du Rhin, racontait le poète, encore ému, bien des années plus tard. Il était placé de façon à commander toute la campagne, au Sud et à l’Ouest. Nous regardions ce paysage, aux ondulations basses bleuissant dans le lointain, comme nous aurions regardé un de nos horizons du Molvem dans le Worcestershire ou de Dorking dans Kent lorsque soudainement… voyez… là-bas !

Aucun de nous n’eut un seul instant l’idée de les prendre pour des nuages. Leurs contours étaient clairs comme du cristal, elles se dessinaient en s’effilant sur le fond pur du ciel, et le soleil couchant les colorait déjà en rose. Les murs de l’Eden perdu ne nous auraient pas semblé plus beaux, s’ils nous étaient apparus, ni les murailles de la mort sacrée plus imposantes… Alors, dans la parfaite santé de la vie et le feu du cœur, ne désirant rien être autre que l’enfant que j’étais, ne rien avoir de plus que ce que j’avais, connaissant la douleur suffisamment pour considérer la vie comme sérieuse, mais pas assez pour relâcher les liens qui m’attachaient à elle, ayant assez de science unie à mes impressions pour que la vue des Alpes me fût non seulement la révélation de la beauté de la terre, mais aussi l’accès à la première page de son volume, je redescendis de la terrasse de Schaffhouse avec ma destinée fixée en tout ce qu’elle devait avoir de sacré et d’utile ».

Il s’enthousiasmait d’un enthousiasme si intense, qu’il arrivait à communiquer à ses disciples ce qu’il sentait, comme par une force magnétique, même quand sa parole, souvent obscure, laissait sa pensée vague et à demi voilée.

Il devait rester fidèle à cette vocation de « poète du beau » telle qu’il l’avait conçue. En attendant, cet enfant rêveur était loin d’être un oisif. Bien que sa santé, déjà délicate, l’ait pendant longtemps empêché de suivre les cours d’une école quelconque, il travaillait beaucoup à la maison, soit avec sa mère, qui lui donnait des leçons avec une régularité parfaite, soit avec divers professeurs.

À partir de 1828, il put jouir de la société d’une petite cousine, Marie Richardson, que M. et Mrs Ruskin avaient recueillie après la mort de sa mère et qu’ils traitaient en fille. À cinq ans, il était déjà un dévoreur de livres ; à six, il commençait à en fabriquer lui-même.

Il les écrivait en lettres d’imprimerie et avait l’ambition de se faire lui-même toute une bibliothèque.

Sa première œuvre fut une imitation de « Harry et Lucy », un des plus célèbres d’entre les ouvrages d’éducation de Miss Edgeworth. Dans celui de John, il se trouve une maman qui fait toujours de la morale, un papa qui aime la littérature, qui sont exactement le portrait des parents de l’auteur.

Il écrivait aussi le récit de ses voyages. Généralement, ses œuvres enfantines étaient destinées à être offertes à son père le jour d’un anniversaire, ou comme cadeau de nouvel an.

John avait seize ans lorsque son père, qui depuis longtemps lui faisait apprendre le dessin, trouva qu’il avait fait assez de progrès pour qu’on pût l’admettre à « la promotion à la botte de couleurs », comme il disait, et peignant lui-même à l’aquarelle, il procura à son fils les leçons d’un excellent maître de ce genre. John n’en profita que peu de temps, il fit pour développer ce nouveau talent ce qu’il avait fait déjà pour la lecture et l’écriture et trouva qu’il arrivait mieux à son but en travaillant lui-même, guidé par son propre instinct, qu’en suivant les méthodes ordinaires d’enseignement.

Il travailla donc seul, avec les grands maîtres pour modèles. De cette époque date son enthousiasme pour le peintre Turner. C’est aussi à ce moment que se place le travail qui fut comme le germe des « Modern-Painters » (Peintres modernes), un des ouvrages qui ont le plus contribué à sa réputation.

Ruskin se sentait en pleine sympathie avec Turner, parce que le principal mérite de celui-ci était de suivre la nature qu’il aimait tant. À ce moment, une revue, le « Blackwood’s Magazine », se permit une critique assez vive sur un tableau du maître bien-aimé. Ruskin avait alors dix-sept ans.  Il écrivit immédiatement à l’éditeur du Blackwood une véhémente réfutation, dans laquelle il analyse le tableau attaqué avec une richesse d’imagination qui ne le cède qu’à celle du style. Mais avant tout, il jugea convenable de soumettre cette lettre au principal intéressé et l’envoya à Turner avec un billet courtois, dans lequel il lui demandait la permission de publier son travail.

Turner remercia et refusa, exprimant son dédain pour l’attaque anonyme dont il avait été l’objet. C’était un homme au caractère réservé qui, « dans les premiers temps de sa vie, était quelquefois de bonne humeur », disait plus tard Ruskin en parlant de son peintre préféré, et il ne chercha même pas à voir son jeune défenseur, dont il ne fit la connaissance que longtemps après.

Mais le travail du jeune homme lui restait : repris bien des années plus tard, sous le titre de « Turner et les Anciens », il devait former le premier chapitre des « Peintres Modernes », longue suite d’études et de préceptes sur la peinture dont les cinq volumes ne furent terminés qu’en 1860.

En attendant, John était entré à Oxford et y faisait de brillantes études. Sa famille l’aurait volontiers vu se destiner à l’Église anglicane, et sa mère, nous dit un biographe, espérait le voir évêque. Mais les goûts et les aptitudes du jeune homme ne paraissaient guère le porter vers cette carrière.

John Ruskin avait beaucoup désiré épouser la fille de l’un des associés de son père, M. Domeck. Celle-ci était Française et catholique. Une telle union fut jugée impossible. Le chagrin qu’en éprouva John eut une influence néfaste sur son tempérament déjà faible. Il ne fallut pas moins de deux ans de soins, un long voyage et la vue de ses chères montagnes pour le rétablir, mais sa santé était décidément compromise, et pour toujours. La consomption, dont il venait de ressentir une si terrible atteinte, devait le menacer encore plus d’une fois. Une pénible affection de l’épine dorsale donna aussi de vives inquiétudes et finit par courber légèrement sa grande taille. Enfin, dans l’âge mûr, de graves fièvres cérébrales vinrent à différentes reprises ébranler son organisme.

Dans de telles circonstances, il ne pouvait être question pour John d’entrer ni dans l’Église, ni dans le commerce, et, malgré tout, on est stupéfait devant l’énumération de tout ce qu’il a pu faire.

De quinze à vingt ans, il avait publié, dans le « Magazine of Natural History », des articles scientifiques signés : Kata Phusin (selon la nature). Depuis, entre ses nombreux voyages, installé avec ses parents à la campagne, dans la jolie maison de Herne-Hill, outre les cinq volumes des « Peintres modernes » et une prodigieuse quantité d’études et d’articles de revues qu’il nous est impossible d’énumérer, il compose « The Stones of Venice » (Les pierres de Venise) et « The seven lamps or laws of the Architecture » (Les sept lampes ou lois de l’architecture).

Aux livres et aux articles de revues, Ruskin joignait l’enseignement oral. Il avait quarante ans lorsque les cinq volumes des « Peintres modernes » furent terminés. Depuis, il ne parla plus exclusivement d’art et de science. Il ne les abandonna pas, mais il les éleva en quelque sorte et les fit servir à l’enseignement de sa morale, prêchant le culte du beau et ce que nous pourrions appeler la pratique de l’admiration, de celle de la nature surtout, les prêchant à tous dans des conférences où l’on s’étouffait, pour lesquelles on oubliait l’heure des repas, celle des affaires et même, dit-on, celle du cricket !

Plus d’une fois, sans doute, des esprits élevés y trouvèrent la satisfaction de leur besoin d’idéal et une direction pour des facultés non employées. D’ailleurs, Ruskin était un conférencier merveilleux ; son ton, grave au début, s’animait rapidement ; son geste illustrait en quelque sorte sa parole. Les images hardies et charmantes qu’il employait en abondance, la couleur si riche de son style et surtout son enthousiasme communicatif, tout cela devait éblouir le grand nombre de ses auditeurs et les faire passer sur les défauts de son enseignement.

Ce culte du beau pour lequel il se passionnait et passionnait aussi les autres, il le prêchait encore dans des articles de journaux, des lettres adressées à toutes les classes de la société, aux femmes, aux ouvriers. Conférences, études et lettres ont été réunies en volumes, sous des titres poétiques, un peu recherchés et imprécis, tels que la « Couronne d’oliviers sauvages », Sésames et lis », Courants et marées », « Fors clavigera » (la Clé du sort). Ce dernier recueil s’adresse aux ouvriers et traite d’économie sociale.

Égalitaire à sa manière, Ruskin aurait désiré une plus juste rétribution des biens de ce monde, mais sans secousses et sans violences.

Malheureusement, ses systèmes ne sont guère que des utopies. Faute de mieux, il voulait au moins faire profiter chacun des jouissances élevées que Dieu place autour de nous et que peu savent apprécier. Ce résultat, il l’attendait surtout de l’éducation ; il aurait voulu, disait-il, « que le petit berger apprît à jouir de la beauté de la nature au milieu de laquelle il vivait, jusqu’au dessin délicat des feuilles et à la finesse merveilleuse de la mousse ».

Non content de parler et d’écrire pour la diffusion de ces idées, Ruskin payait largement de sa personne et de sa fortune. Il occupa pendant de longues années la chaire des beaux-arts fondée à l’Université d’Oxford par M. Slade. Ne trouvant pas cet enseignement suffisant, il fonda à côté, de ses propres deniers, une école de dessin et organisa une superbe collection d’œuvres des maîtres dont les élèves pussent s’inspirer.

Il ne lui suffisait pas de l’impression produite par l’apparition des « Peintres modernes » sur ses contemporains éclairés, dont beaucoup avaient pu dire, avec Miss Brontë : « Ce livre semble m’avoir donné de nouveaux yeux ».  Il ne lui suffisait pas non plus d’avoir formé, parmi les architectes et les peintres, de nombreux et fervents disciples, d’avoir donné une forte impulsion au préraphaélitisme et contribué à faire revivre le goût du gothique en Angleterre. Après avoir répété la nécessité de faire pénétrer le sens artistique dans les masses, « pour que chaque ouvrier fasse artistement son métier d’ouvrier », il se mit à l’œuvre lui-même et donna deux fois par semaine, pendant quatre ans, des leçons de dessin dans une école d’adultes, s’occupant avec patience de ses grands élèves. Pour le peuple aussi, il fonda le musée de Sheffield, qui porte son nom, et où les ouvriers purent venir se reposer des laideurs de l’usine en admirant les vitrines pleines de pierres curieuses et brillantes, les planches représentant tous les oiseaux connus, les superbes missels enluminés et les spécimens des plus belles architectures du monde.

Mais le grand rêve de Ruskin, c’était de « proscrire la laideur de la vie ». Il aurait voulu supprimer l’affaiblissement et le mal physique, non seulement parce qu’ils produisent la douleur, mais parce qu’ils effacent des joues des enfants et des jeunes filles les belles couleurs de la santé. Les machines, y compris les chemins de fer, lui inspiraient une horreur un peu puérile, mais sincère et vive, comme tout ce qu’il ressentait. Il aurait voulu revenir à l’ancien temps, où l’on n’utilisait pas d’autres moteurs que l’eau et le vent. Pour réaliser ce rêve industriel et essayer ses plans de réforme sociale, il fonda la « St-Georges’ Guild ».

 

 

« Nous allons essayer de rendre quelque petit coin de notre territoire anglais beau, paisible et fécond. Nous n’y aurons pas d’engin à vapeur, ni de chemin de fer ; nous n’y aurons pas de créatures sans volonté ou sans pensée. Là, il n’y aura de malheureux que les malades et d’oisifs que les morts. Nous n’y proclamerons pas la liberté, mais une prompte obéissance à la loi et aux autorités désignées ; ni l’égalité, mais la mise en lumière de toute supériorité que nous pourrons trouver et la réprobation de toute infériorité.

… Nous aurons abondance de fleurs et de légumes dans nos jardins, quantité de blé et d’herbe dans nos champs, et peu de briques. Nous aurons un peu de musique et de poésie.

… Peut-être même une sagesse, sans calcul et sans convoitise ».

 

Pour fonder ce demi-paradis terrestre, il acheta une ferme, quelques amis de la Guild donnèrent des terres. On dit que c’étaient des landes ou des rochers qu’ils ne pouvaient cultiver, mais ce doit être une calomnie. Seulement, lorsqu’il eut ces territoires, il s’aperçut qu’aucun des membres de la Guild ne s’y connaissait en l’agriculture, si bien que Ruskin se décida à s’adresser à des communistes et à leur prêter son terrain pour y expérimenter leurs idées sociales, à condition qu’ils y essayeraient aussi ses idées esthétiques.

Un rendez-vous fut pris entre le maître et ses nouveaux associés et fixé à Sheffield. Ruskin y arriva en chaise de poste, avec de superbes postillons, pour ne pas contribuer à enrichir ces affreux chemins de fer. Ils ne parvinrent pas à une entente parfaite. Cependant, Ruskin confia solennellement ses terrains aux communistes, remonta dans sa chaise de poste et disparut avec ses éclatants postillons.

Par malheur, les communistes n’étaient pas non plus d’experts cultivateurs. Ils prirent un fermier, comme l’aurait fait le bourgeois le plus terre-à-terre, et, la ferme ne réussissant pas, on établit à sa place une inesthétique guinguette.

Ainsi finit un des beaux rêves de Ruskin. Mais, son prestige ne paraît pas avoir été ébranlé.

Il est vrai que le poète trouva une revanche sur le terrain industriel. Il avait appris que dans les campagnes du Westmoreland on abandonnait les industries locales, on ne tissait plus à la main, on ne filait plus avec la quenouille à la forme élégante, ni avec le joli rouet d’autrefois, qui se prêtaient à de si gracieuses attitudes et faisaient de si bon fil. Un admirateur de Ruskin, qui habitait le pays, finit cependant par découvrir un rouet caché chez une vieille dame. Il rétablit le filage à la main, sous le patronage du maître. La mode s’en mêla, et le linge Raskin fait à lui seul vivre presque tout le village de Langsdale.

Plus heureuse encore fut la restauration du filage de la laine, entreprise aussi par Ruskin et ses disciples dans l’île de Man, où l’on trouve une race spéciale de moutons noirs. Une usine pour le tissage fut établie au moulin de Laxey. Elle était mue par des chutes d’eau, car la « St-Georges’ Guild » acceptait les forces naturelles. Les pauvres femmes de l’île ne furent plus obligées de demander au malsain travail des mines le pain quotidien, et l’industrie du homespun de Laxey prospère encore de nos jours.

En parlant des œuvres philanthropiques de Ruskin, nous ne devons pas oublier qu’en 1870 il fut un des premiers promoteurs des « Funds for food », œuvre qui avait pour but de procurer des secours aux victimes du siège de Paris.

Du reste, les cinq millions que lui avait laissés son père furent entièrement dépensés en fondations destinées à soutenir les beaux-arts et en charités. Vers la fin de sa vie, Ruskin vivait du produit de ses œuvres, lequel était considérable, il est vrai.

La bienfaisance active de Ruskin devait compenser pour lui la privation de bien des joies de famille. Il avait épousé, en 1848, une jeune fille choisie par ses parents avec les meilleures intentions et qui, malheureusement, n’avait avec lui aucune ressemblance d’esprit ni de caractère. Après six ans de vie commune, elle le quitta et fit dissoudre légalement leur union.

Ruskin garda toujours un silence chevaleresque sur des torts qui, tout son entourage en était convaincu, ne pouvaient être de son côté.

Depuis, il vécut avec son père et sa mère jusqu’à la fin de leur vie. Sa cousine Marie était morte jeune, mais il avait trouvé une seconde fois une sœur d’adoption dans une autre cousine, Miss Johanna Agnew, devenue plus tard Mrs Arthur Severn. Elle et son mari entourèrent le poète d’affection après la mort de ses parents, et lorsque, en 1894, la vieillesse l’empêcha complètement de continuer ses travaux, qu’il n’y eut plus pour lui que la vie et les soins de la famille, ce furent eux qui les lui donnèrent jusqu’à ce que le maître s’éteignît doucement dans la chère maison qu’il s’était organisée au bord du lac de Coniston.

Dans sa retraite, l’affection de ses disciples et de ses amis l’avait suivi. Nul peut-être n’en a eu de plus nombreux que lui. Il se les attirait par son extraordinaire puissance de sympathie et les méritait par la vivacité de sa bienveillance. Et cependant sa terrible franchise et la véhémence avec laquelle il exprimait ses indignations lui firent plus d’un ennemi et blessèrent plus d’un ami.

L’on raconte qu’il écrivait une fois à un peintre, sur les œuvres duquel il venait de publier une critique énergique, qu’il espérait que cela n’amènerait aucun changement dans leur amitié, celui-ci répondit :

 

« Cher Ruskin, la première fois que je vous rencontrerai, je vous renverserai d’un coup de poing, mais j’espère que cela n’amènera aucun changement dans notre amitié ».

Moins favorisé encore fut un pauvre clergyman qui, s’étant endetté pour bâtir une église, imaginait de demander des secours à Ruskin. Il n’obtint qu’une réponse foudroyante :

 

« Pourquoi faites-vous des dettes ? Mourez de faim et allez au ciel, mais n’empruntez pas ! De toutes les églises que l’on bâtit idiotement, celles en fer, comme la vôtre, sont les plus absurdes… Croyez néanmoins que, tout en disant cela, je suis toujours votre dévoué serviteur ».

Le clergyman en détresse ne répondit pas à Ruskin qu’à la première occasion il l’assommerait tout en restant son serviteur dévoué. Plus pratique, il vendit cette terrible lettre comme autographe pour dix livres.

On parle encore d’une pauvre dame qui avait prié Ruskin de présider un Congrès féministe et qui en reçut cette réponse, pleine de franchise, mais dénuée de courtoisie :

 

« Vous êtes toutes également sottes en de telles matières ».

L’histoire ne dit pas ce qu’elle répondit, mais, pour l’honneur du féminisme, nous aimons à croire qu’elle ne resta pas bouche close.

Peu à peu gagné par des crises de folie, il mourut à Coniston Lake, près de Brantwood, laissant une autobiographie inachevée, Praeterita (1885-1889). Après sa mort, Marcel Proust donne des traductions de ses livres, en particulier la « Bible d’Amiens », et rédige sa biographie.

 

Brantwood House, Lac de Coniston.

 

towns_coniston_water

 

Située dans le plus grand parc national d’Angleterre, dans le Lake District, la ville de Coniston abrite le domaine de Brantwood.

Brant est un mot d’origine scandinave signifiant « colline », la maison est en effet sise sur un promontoire boisé surplombant le lac de Coniston. Bien avant que la maison soit érigée, le site au 18ème siècle était bien connu des promeneurs en tant que « point de vue remarquable ».

La maison a été construite à la fin du 18ème siècle par Thomas Woodville et comportait six à huit pièces. Plusieurs propriétaires se succédèrent jusqu’à Josiah Hudson, père de Charles Hudson qui fut un prêtre anglican renommé ainsi qu’un des tout premiers alpinistes d’Angleterre, en fit l’acquisition en 1833 et agrandit la maison et les terrains allentours.

En 1852, William James Linton (poète, réformateur social et graveur sur bois victorien), devient le propriétaire cette demeure. Entre 1858 et 1864, Linton vit à Londres et loue le domaine à  Gerald Massey, poète et Egyptologue réputé. Linton récupère sa maison, y séjourne trois ans puis part pour les Etats Unis. En 1871 il vend sa propriété à John Ruskin qui signa sans jamais être venu la voir. Avant de venir y vivre l’année suivante, Ruskin y fait quelques travaux, comme l’addition d’une tourelle, un bâtiment pour son valet et sa famille et des aménagements dans le jardin.

Au début de son installation, Ruskin organisait trois fois par semaine (chaque soir un sujet différent) des « conférences » que l’on nommerait de nos jours « séminaires » sur l’Art, la Littérature et la Sociologie. Quand il était absent, un de ses anciens élèves, Richard Hosken, le remplaçait.

Ruskin a rempli sa demeure d’oeuvres d’art, notamment de peintures de Gainsborough, Turner et des Pre-Raphaelites, ainsi qu’une vaste collection de minéraux, poteries et coquillages.

Ruskin a accueilli en sa demeure sa petite cousine Joan Agnew, qui avait grandi avec lui, son mari Arthur Severn, ainsi que toute sa petite famille.

William Gershom Collingwood, peintre, archéologue et traducteur des Sagas Nordiques, était un visiteur assidu de Brantwood.

En 1878, une nouvelle salle à manger a été établie dans l’aile sud de la maison. Un second étage fut construit en 1890, pour la famille Severn, de même qu’un studio à l’arrière de la maison pour l’usage personnel d’Arthur Severn. C’est aussi à cette époque que d’autres terrains furent acquis.

A la mort de John Ruskin en 1900, la famille Severn hérite du domaine et de ses biens. Dans le testament de Ruskin, il était stipulé expressément que la maison devait être ouverte 30 jours par an aux visiteurs, pour que ceux-ci puissent admirer les oeuvres d’art s’y trouvant. Malheureusement, Arthur Severn n’a pas honoré ce souhait, et a vendu rapidement les plus belles oeuvres.

A la mort d’Arthur Severn, en 1931, le domaine et ses biens furent vendus aux enchères. La maison fut sauvée par John Howard Whitehouse, fondateur de la « Bembridge School » et de la « Birmingham Ruskin Society« . Il y établit en 1951 le « Brantwood Trust » afin de perpétuer la mémoire et les collections de John Ruskin.

 

De nos jours, seules quelques pièces sont ouvertes au public. La salle de réception où se trouve le secrétaire de Ruskin, sa bibliothèque, sa collection de coquillages. La papier peint est une copie d’une création de Ruskin, on peut également admirer un de ses dessins représentant le porche nord de la cathédrale St Marc à Venise. Dans le bureau de Ruskin se trouve un tableau de Samuel Prout. La salle à manger construite en 1878 possède une vue sans pareil sur le lac et les montagnes de Coniston. On peut y voir un portrait de Ruskin à l’âge de trois ans peint par  James Northcote. Dans l’ancienne salle à manger, se trouvent des dessins de Ruskin. Enfin, à l’étage, dans la tourelle, la chambre de Ruskin.

Ruskin avait aménagé ses jardins de façon à y expérimenter diverses formes de cultures et de drainages, on y trouve toute une série de collines et de sentiers. Après sa mort, de nombreux arbustes ornementaux ainsi que des arbres ont été plantés. Puis, le tout à été laissé à l’abandon jusque dans les années 1980, puis reconstitué. Le domaine s’étend sur plus de 250 acres et comporte un accès au lac, des pâturages, un bois de chênes et de la lande.

ScreenHunter_75_Oct

ScreenHunter_73_Oct

ScreenHunter_58_Oct

ScreenHunter_66_Oct

ScreenHunter_59_Oct

ScreenHunter_61_Oct

ScreenHunter_67_Oct

ScreenHunter_68_Oct

ScreenHunter_63_Oct

ScreenHunter_64_Oct

ScreenHunter_85_Oct

ScreenHunter_89_Oct

ScreenHunter_62_Oct

ScreenHunter_77_Oct

ScreenHunter_93_Oct

ScreenHunter_95_Oct

ScreenHunter_97_Oct

ScreenHunter_96_Oct 

ScreenHunter_69_Oct

ScreenHunter_65_Oct

ScreenHunter_78_Oct

ScreenHunter_60_Oct

ScreenHunter_74_Oct

ScreenHunter_81_Oct

ScreenHunter_91_Oct

ScreenHunter_92_Oct

ScreenHunter_94_Oct

ScreenHunter_70_Oct

ScreenHunter_71_Oct

ScreenHunter_76_Oct

ScreenHunter_79_Oct

ScreenHunter_80_Oct

ScreenHunter_72_Oct

ScreenHunter_83_Oct

ScreenHunter_82_Oct

ScreenHunter_84_Oct

ScreenHunter_86_Oct

ScreenHunter_98_Oct

ScreenHunter_87_Oct

 

 

Brantwood.

 

Procurez vous des ouvrages de John Ruskin

 

 LOCALISATION DE LA MAISON :